INFORmation
/
AutoMATIQUE
Juillet 2021
Former, Informer, transformer, déformer: l'informa-tion/tique dans tous ses états à l'ère électronique! L'information automatique ou informatique est-elle en train de désinformer l'humanité?
Le mot “informatique” a été forgé par l'association des mots “information” et “automatique” en 1962 par Philippe Dreyfus afin de désigner, en français, tout le domaine naissant du traitement de données à l'aide d'algorithmes programmés pour les traiter électroniquement à l'aide de machines que Jacques Perret avait proposé à IBM-France d'appeler en français “ordinateurs” dès 1955!
Que de malentendus déjà dans la communication en français sur base de ces faux amis de l'anglo-saxon dominant dans tous les débuts de ces traitements!
“Computer science” (littéralement: science des calculateurs ou des machines à calculer) en anglais nous embarque dans un champ sémantique lié au calcul, à l'algèbre booléenne, aux statistiques, à l'automatisation électronique du calcul et d'un certain type de transmission lié au courant électrique ou à l'utilisation d'ondes (hertzienne ou magnétiques).
Et cela se complique dans la mesure où l'on a traduit de façon aussi arbitraire et littérale “artificial intelligence” par “intelligence artificielle” alors que, dans l'usage linguistique anglo-saxon, cette expression se réfère au “chiffrage” artificiel, c'est-à-dire à la traduction d'une information dans un “code” (de préférence numérique, et même binaire (0) ou (1)) qui puisse être traité par des “computers” utilisant l'électricité pour opérer ces traitements! En français, il ne faudrait donc pas parler d'intelligence artificielle, mais de “chiffrage automatisé de l'information” pour son traitement avec des machines logiques électroniques!
Si l'intelligence artificielle est fondamentalement et d'abord de l'information automatisée, ou automatique (= infor-matique), et si l'informatique est, à la base, l'ensemble des sciences et des techniques qui permettent de traiter de l'information (des “données”) à l'aide d'algorithmes programmés pour utiliser les machines logiques électroniques (= ordinateurs), la linguistique francophone a adopté diverses expressions franglaises qui amplifient les malentendus possibles dès que l'on sort des champs spécifiques des applications informatiques.
Or, c'est le cas, dès que l'on tente de se pencher sur les phénomènes de société engendrés par cette révolution que l'on désigne aussi comme l'entrée dans la culture numérique (quand on ne dit pas “digitale” par transposition de l'anglais, une fois de plus)!
Mais c'est effectivement tout le domaine de l'information, sous quelque forme qu'il touche l'humain (éducation, médias, réseaux, développement, communication, etc) qui est remodelé de façon accélérée depuis que la communication humaine a commencé à se servir de moyens artificiels utilisant le courant électrique ou différents types d'ondes (hertziennes, magnétiques, ou autres) pour échanger de l'information.
Au-delà de la mécanisation de l'écriture depuis Gutenberg (1452) et puis du calcul depuis Blaise Pascal (1642-1645), ces changements dans la communication humaine ont commencé avec la télégraphie, la téléphonie, la télévision et se sont amplifiés (en volume et en rapidité) dès que ces techniques de communication ont pu bénéficier de traitements liés à ces “machines logiques électroniques” que sont les ordinateurs!
Sans qu'on en soit vraiment conscient, tout ce mouvement mène à une refonte profonde de la communication humaine… pour le meilleur (lequel?) et pour le pire (déjà trop souvent visible aujourd'hui!).
Le mot “informer” en français, nous met très heureusement dans le champ sémantique de la “forme”. Former, c'est donner une forme. Et c'est aussi le sens que donne philosophiquement Aristote au mot “informer”: c'est-à-dire: “donner une forme”. Si l'information n'est pas correcte, s'il y a désinformation, on est sur la voie directe de la “déformation”. Mettons cela au rythme des transmissions électroniques et d'un faux universalisme franglais planétaire, nivelant tout, et mis en contact permanent et immédiat avec toutes les ambiguïtés liées à la diversité des cultures humaines… on mesurera immédiatement les risques d'énormes dérives dans la formation de l'humain.
Ces dérives, on commence seulement à mettre le doigt dessus: maîtrise planétaire par quelques magnats des nouvelles technologies, utilisation frauduleuse de ces moyens de communication (cybercriminalité ou utilisations militarisées), désinformation (voulue ou inconsciente), risques sanitaires ou pédagogiques pour l'humain (écrans, mémoire, éphémère, pornographie ou autres), pillages planétaires de matériaux rares, capitalisme totalitaire de surveillance du citoyen, inadéquation (retard) de l'ensemble de l'échafaudage du droit (et des droits et devoirs humains), etc.
La Veille technologique liée au présent Billet tentera de refléter l'apport de ce lanceur d'alerte que fut Christopher Wylie, dès 2019, dont l'aventure (loin d'être terminée) a été décrite dans Mindfuck. Le complot Cambridge Analytica pour s'emparer de nos cerveaux, Paris, Grasset, 2020 (mars).
La Veille culturelle qui paraîtra en août 2021 rappellera le cheminement historique qui nous a mené à cette situation précisément dans le champs de l'information, grâce à l'apport de Jacques Attali dans son livre récent Histoires des Médias. Des signaux de fumée aux réseaux sociaux, et après, Paris, Fayard, 2021 (janvier).
Pour la Veille spirituelle je n'ai pas encore trouvé une réflexion critique qui semble faire autorité et qui, pour cela, aurait le courage d'évaluer la communication des religions par rapport à l'ensemble du mouvement planétaire de communication qui se développe depuis près d'un siècle bientôt, et qui, d'autre part, proposerait des attitudes dictées par leur message de base. Celui-ci, pour le Chrétien, est dans l'axe même de la révolution planétaire actuelle de l'information, puisqu'il s'agit de transmettre une Bonne Nouvelle (eu-angelion, en grec)!
Cela ne veut pas dire que les chrétiens ne soient pas conscients du tsunami “informatique” dans lequel toute l'humanité planétaire est entraînée. Mais il n'y a pas encore, à ma connaissance, une réflexion et une proposition forte et cohérente face à ce(s) phénomène(s) aussi important(s) à mon avis que les problèmes liés au réchauffement climatique mais liés plutôt à ce que le Pape François a nommé l'écologie intégrale (incluant la création et l'humain).
Georges Bernanos et Jacques Ellul sont, en ce domaine, des lanceurs d'alerte prophétiques.
Au-delà de ce que j'ai déjà évoqué antérieurement dans Interface_2020:
Veille technologique de Janvier 2021;
Novembre 2020;
Septembre 2020;
Août 2020;
Juillet 2020;
Juin 2020;
Veille culturelle de
Février 2021;
Janvier 2021;
Juin 2020;
Veille spirituelle de
Juillet 2020… notamment!
ou à travers différents textes ou comptes rendus publiés dans NAM-IP/INFOS (www.nam-ip.be), je signale les apports chrétiens suivants:
Antoine Champagne, Au-delà des fake news, la tentation de la violence… et autres textes dans
Réforme, n° 3898, 13 mai 2021… alerte sur tout ce qui mène aux théories du complot utilisées pour déstabiliser les États!
On y signale le livre récent de Fabrice Fies,
L'Emprise du Faux, Éditions de l'Observatoire, 2021… sur lequel on reviendra!
Agnès Morel, Ados: Le Porno à portée de clic, et autres contributions dans Réforme, n° 3895, 22 avril 2021… qui dénonce la dissociation mentale induite entre sexe et amour chez les jeunes qui sont touchés.
N'est-il pas temps de réagir? Comment?