Un cri d'alerte pour l'éducation: les avertissements et les conseils d'un scientifique
Novembre 2020
L'écran, (les écrans) du smartphone à la télévision en passant par la tablette et l'ordinateur, est-il un des vecteurs principaux d'une baisse de la qualité de l'éducation et du développement des petits humains dans le cadre de cette culture du “tout numérique” présentée tant par ses promoteurs industriels que par les décideurs mal informés ou complices, comme le seul avenir de l'humanité? Et, dans l'affirmative, - ce que nous dira Michel Desmurget -, comment créer les conditions d'une éducation qui préserve et développe les valeurs qui forment une intelligence vraiment et pleinement humaine?
Michel Desmurget, La Fabrique du Crétin Digital. Les Dangers des écrans pour nos enfants, Le Seuil, Paris, septembre 2019, 432 pages
Docteur en neurosciences, Michel Desmurget poursuit ses mises en garde contre une extension béate et non-critique de l'utilisation de l'ordinateur et de tous les types de machines électroniques utilisant des “écrans” au cours de la formation du petit humain.
Il nous donne un livre construit de façon un peu inhabituelle dans la mesure où les 1.848 références bibliographiques, groupées en 5 blocs correspondant aux 5 parties du livre, forment le très large terreau qui justifie les propos de l'Auteur. Cette bibliographie est de toute évidence l'arsenal puissant (77 pages en petits caractères sur les 432 que compte le livre!) qui permet à l'Auteur de ridiculiser, dans une première partie, les thuriféraires (médias et décideurs) de la modernité numérique qui devrait rendre “nos enfants” plus intelligents (pp. 33-174: Homo mediaticus), avant de faire, dans une seconde partie (pp. 175-338: Homo numericus), la démonstration des entraves faites au développement de l'intelligence et des menaces faites à la santé des enfants en âge scolaire dès lors qu'on encourage, fut-ce passivement, l'usage trop précoce et/ou trop régulier ou prolongé d'écrans de tous genres (télévision, ordinateurs, tablettes, smartphone, consoles de jeu, etc)!
Les références bibliographiques mériteraient un classement par “genre”. En effet, elles vont des études universitaires les plus techniques venant de partout dans le monde jusqu'à des coupures de presse ou des extraits de site web. C'est écrasant, mais malheureusement un peu difficile à utiliser rapidement et rationnellement.
Derrière les promoteurs de l'école “moderne” - et donc “numérique” - Michel Desmurget dénonce les lobbies industriels de la drogue, de l'alimentation, de l'acool, du tabagisme… et, bien sûr aussi, les fabricants et distributeurs, tous types confondus, de matériels électroniques et d'applications informatiques sérieuses ou, surtout, “ludiques”!
Il constate, globalement et avec une
terreur stupéfiée, attristée puis révoltée,
le fait de la consommation astronomique
d'écrans par les enfants: “Dès 2 ans, les
enfants des pays occidentaux cumulent chaque
jour presque 3 heures d'écran. Entre 8 et 12
ans, ils passent à près de 4h45. Entre 13 et
18 ans, ils frôlent les 6h45. En cumuls
annuels, ces usages représentent autour de
1000 heures pour un élève de maternelle
(soit davantage que le volume horaire d'une
année scolaire), 1700 heures pour un écolier
de cours moyen (2 années scolaires) et 2400
heures pour un lycéen du secondaire (2,5
années scolaires)” (Résumé de présentation
du livre).
Les principales conséquences
sur la santé mentale et physique des enfants
sont, - selon des statistiques avérées et de
plus en plus abondantes-, pour la santé:
l'obésité, des développements
cardio-vasculaires dangereux, un réduction
de l'espérance de vie; pour le comportement:
l'agressivité, la dépression, des conduites
à risques; et pour les capacités
intellectuelles: des troubles du langage,
des difficultés de concentration et de
mémorisation – notamment! Ces troubles
affectent non seulement la réussite
scolaire, mais ils peuvent laisser des
traces pour le reste des engagements vitaux!
Méthodologiquement, l'Auteur tente
d'abord de montrer comment les discours
médiatiques et politiques sur ces sujets
sont très souvent en contradiction formelle
avec les constats scientifiques sur la
question de l'usage des outils numériques
par la population et plus particulièrement
par les enfants: “Dans nombre de domaines
sensibles déjà évoqués, on a vu les
divergences entre discours médiatique et
savoir scientifique se creuser brutalement
dès que sont apparues les premières
recherches susceptibles de conduire le
législateur à l'action” (p.29 – une
affirmation appuyée directement sur près de
10 références datées de 2012 à 2016!!).
L'Auteur souligne l'échec emblématique de la
généreuse idée mise principalement en action
par Mr Negroponte (qu'il ne cite pas
directement) qui voulait qu'on distribue un
lap-top par enfant dans les zones
culturellement défavorisées et privées de
bon cadres scolaires: une solution qui
devait permettre à ces enfants de se former
tous seuls et par eux-mêmes: “One laptop
per child est la dernière d'une longue
liste d'approches technologiques utopiques
ayant cherché à résoudre des problèmes
sociaux complexes sur base de solutions
outrageusement simplistes … Il n'y a pas
d'ordinateur magique capable de résoudre les
problèmes éducatifs du monde en
développement”… “Un bien sombre constat,
poursuit l'auteur suite à cette citation de
2010,… et quoi qu'elle n'eût que bien peu
d'écho dans les médias… Un “oubli” qui
explique sans doute pourquoi autant de gens
croient encore aujourd'hui – comme cela fut
initialement clamé haut et fort sans le
moindre recul… par les promoteurs de
l'opération – qu'il suffit de donner un
ordinateur à des gamins illettrés pour que
ceux-ci “s'éduquent seuls” et “apprennent à
lire par eux-mêmes sans enseignant”!” (p.
57).
Si un type d'habileté visuelle peut être acquise par l'utilisation massive de jeux vidéos demandant une action rapide, le type de formation acquise dans ce cas éloigne de la “concentration” indispensable pour un développement de l'intelligence: “… retenons qu'en matière de jeux vidéo d'action un accomplissement optimal ne peut s'obtenir qu'à travers le développement d'une attention exogène éparpillée, c'est-à-dire vigilante au moindre mouvement du monde extérieur. Cela veut dire une attention dont les propriétés sont, par nature, exactement opposées à celles de la concentration” (p. 116).
Mais, au-delà de ces observations de type clinique que l'on peut étendre à de nombreux domaines dans lesquels la croissance du petit humain est engagée, le fond du discours actuellement majoritaire sur ces questions semble venir d'un a-priori naïf et presque “religieusement” favorable au numérique et qui rejette comme “ringarde” toute attitude critique: “S'agissant des questions qui nous occupent ici, il est d'usage de tout mélanger, comme si tout se valait. “Le” numérique se conçoit alors comme une réalité indivisible, une sorte d'intouchable totem de la modernité. Du coup, la moindre allégation critique expose quasi immanquablement son auteur à un procès en ringardise. Apparemment, pour l'adorateur bêlant des nouvelles technologies, toute réserve, aussi infime soit-elle, ne peut qu'être dictée par l'amer ressentiment d'une pensée obsolète, vouée à terme, aux gémonies de l'extinction. […] Alors, puisqu'il faut absolument en passer par là et enfoncer les portes ouvertes, soyons clair: aucun critique n'est assez idiot pour rejeter “Le” numérique dans son ensemble et réclamer, sans nuance, le retour du télégramme filaire, de la roue pascaline ou des radios à lampes. En nombre de domaines – liés, par exemple, à la santé, aux télécommunications, à la production agricole ou à l'activité industrielle –, l'apport extrêmement fécond du numérique ne peut être contesté. Qui peut se plaindre de voir des automates effectuer dans les champs, les mines ou les usines toutes sortes de tâches brutales, répétitives et destructrices qui jusqu'alors devaient être effectuées par des hommes et par des femmes au prix de leur santé? Qui peut contester l'énorme impact que les outils de calculs, de simulation, de stockage et de partage de données on eu, en particulier sur la recherche scientifique et médicale? Qui peut remettre en cause l'intérêt des logiciels de traitement de texte, de gestion, de conception mécanique ou de dessin industriel? Personne évidemment. Cela étant dit, il est clair aussi que l'intrusion toujours plus massive du numérique dans nos existences ne promet pas que des avancées bienfaisantes. À côté des nombreuses applications favorables… s'accumule quantité de développements néfastes” (pp. 178-179).
Ces applications aveugles et néfastes ont
des conséquences bien plus graves si elles
risquent d'impacter toute une génération
humaine!
Peut-on réagir pédagogiquement?
Les solutions sont pourtant simples une fois
que l'on a pris conscience des vrais dangers
pour les enfants: “Si vous voulez réduire
l'exposition numérique de vos enfants, une
excellente solution consiste à retirer les
écrans de leur chambre à coucher et à
retarder aussi longtemps qu'il est possible
leur équipement personnel en outils mobiles
divers… [Et, si vraiment nécessaire pour
rassurer un parent …] un portable basique
sans accès à Internet convient tout à fait;
pas besoin d'un smartphone interstellaire!”
(p. 200).
Et l'Auteur d'attirer
l'attention sur la période vraiment capitale
pour l'apprentissage qui se joue entre 0 et
6 ans. “L'apprentissage ne sort pas du
néant. Il procède de manière graduelle par
transformation, combinaison et
enrichissement des compétences acquises. Dès
lors, fragiliser l'établissement des
armatures précoces, notamment pendant les
périodes sensibles, c'est compromettre
l'ensemble des déploiements tardifs […]: la
nature cumulative du savoir conduit
mécaniquement à un accroissement progressif
des retards initiaux. Ce phénomène a été
documenté dans de nombreux domaines allant
du langage au sport, en passant par
l'économie et les trajectoires
professionnelles” (p. 207).
Et parmi les gadgets numériques les plus répandus aujourd'hui, le smartphone engendre des risques majeurs et sournois: “Le smartphone (littéralement “téléphone intelligent”) nous suit partout, sans faiblesse ni répit. Il est le graal des suceurs de cerveaux, l'ultime cheval de Troie de notre décérébration. Plus ses applications deviennent “intelligentes”, plus elles se substituent à notre réflexion et plus elles nous permettent de devenir idiots. Déjà elles choisissent nos restaurants, trient les informations qui nous sont accessibles, sélectionnent les publicités qui nous sont envoyées, déterminent les routes qu'il nous faut emprunter, proposent des réponses automatiques à certaines de nos interrogations verbales et aux courriels qui nous sont envoyés, domestiquent nos enfants dès le plus jeune âge, etc. Encore un effort et ces applications finiront par vraiment penser à notre place” (p. 224). Et “l'impact négatif de l'usage du smartphone s'exprime avec clarté sur la réussite scolaire: plus la consommation augmente, plus les résultats chutent [comme le montrent plus d'une dizaine d'études référencées par l'Auteur]! “ (p. 224)
Mais, pour l'Auteur, il faut aussi connaître, avec une précision aussi scientifique et critique que possible, les processus naturels reconnus de l'apprentissage: “Il est d'ailleurs aujourd'hui établi que les non-experts apprennent mieux lorsque les contenus informationnels sont présentés sous une forme linéaire, hiérarchiquement structurée (à l'image d'un livre, d'un cours magistral ou d'une série de travaux pratiques, lorsque l'auteur a pris à sa charge le travail d'agencement des savoirs); et bien plus difficilement lorsque ces mêmes contenus sont présentés selon une organisation réticulaire, anarchiquement fragmentée (à l'image de ce que produit une recherche sur Internet, quand toute la masse des données accessibles vous tombe d'un coup sur la tête, sans canevas ni souci de hiérarchie, de pertinence ou de crédibilité) [suivent 5 références à des recherches récentes sur le sujet]” (p. 251)
En conclusion de ces propos sur la réussite scolaire dans le cadre d'un enseignement poussant à fonds le numérique “… deux grands points sont à retenir. Le premier porte sur les écrans domestiques. En ce domaine, la littérature scientifique est claire, cohérente et indiscutable: plus les élèves regardent la télévision, plus ils jouent aux jeux vidéos, plus ils utilisent leur smartphone, plus ils sont actifs sur les réseaux sociaux, plus leurs notes s'effondrent. Même l'ordinateur domestique, dont on nous vante sans fin la puissance éducative, n'exerce aucune action positive sur la performance scolaire. Cela ne veut pas dire que l'outil est dépourvu de vertus potentielles. Cela signifie simplement que, quand vous offrez un ordinateur à un enfant (ou un adolescent), les utilisations ludiques défavorables l'emportent très rapidement sur les usages éduc atifs formateurs.
Le second concerne les écrans à usage scolaire. Là encore, la littérature scientifique est sans appel. Plus les États investissent dans les “technologies de l'information et de la communication pour l'enseignement (les fameuses TICE)” plus la performance des élèves chute. En parallèle, plus les élèves passent de temps avec ces technologies et plus leurs notes baissent. Collectivement, ces données suggèrent que l'actuel mouvement de numérisation du système scolaire relève d'une logique plus économique que pédagogique. Dans les faits, contrairement à la “doxa” officielle, le “numérique” n'est pas une simple ressource éducative mise à la disposition d'enseignants qualifiés et utilisables par ces derniers dans le cadre de projets éducatifs ciblés … Non, dans les faits, le numérique est avant tout un moyen de résorber l'ampleur des dépenses éducatives. Il projette l'enseignant qualifié sur la longue liste des espèces menacées.” (pp. 252-253). Et de conclure en rapportant ces propos: “Comme le résumait une enseignante de l'Idaho, ancienne officier de police dans le corps des Marines: “mes élèves, je leur apprends à penser profondément, à penser [souligné]. Un ordinateur ne peut pas faire cela”. Un ordinateur ne peut pas non plus sourire, accompagner, guider, consoler, encourager, stimuler, rassurer, émouvoir ou faire preuve d'empathie. Or, ce sont là des éléments essentiels de la transmission et de l'envie d'apprendre” (p. 254).
Mais les prédateurs commerciaux de tous
types de réseaux électroniques orientés vers
des publics de plus en plus large,
connaissent parfaitement les faiblesses
structurelles de la constitution du cerveau
humain … et ils s'en servent pour étendre
leur “toile”!
“Nos enfants sont jeunes,
c'est vrai; mais leur cerveau est ancestral.
Ce dernier est génétiquement programmé pour
acquérir de l'information et recevoir une
récompense – sous la forme d'un petit
shoot de dopamine – chaque fois qu'il y
parvient. [nombreuses références
scientifiques]. Cette réalité les acteurs
économiques d'Internet la maîtrisent
remarquablement. Il y peu Sean Parker,
ancien Président de Facebook, admettait
d'ailleurs que les réseaux sociaux avaient
été pensés, en toute lucidité, pour
“exploiter une vulnérabilité de la
psychologie humaine” [référence]. Pour notre
homme, “le truc qui motive les gens qui ont
créé ces réseaux c'est: Comment consommer le
maximum de votre temps et de vos capacités
d'attention?” Dans ce contexte, pour vous
garder captif, “il faut vous libérer un peu
de dopamine, de façon suffisamment
régulière. D'où le like ou le
commentaire que vous recevez sur une photo,
une publicité … Cela va vous pousser à
contribuer de plus en plus et donc à
recevoir de plus en plus de commentaires et
de likes, etc … C'est une forme de
boucle sans fin de jugement par le nombre”.
Un discours que l'on retrouve quasiment mot
pour mot chez Chamath Palipitiya ancien
vice-président de Facebook, chargé des
questions de croissance et d'audience [+
références].” (pp. 289-290).
Ces analyses mènent l'Auteur à des conclusions très (trop?) négatives: “L'influence des jeux vidéos n'est pas moins nocive que celle de la télé ou des outils mobiles. D'ailleurs peu importe le support et peu importe le contenu; la réalité c'est que le cerveau humain n'a simplement pas été conçu pour une telle densité de sollicitations exogènes. Soumis à un flux sensoriel constant, il “souffre” et il se construit mal. Dans quelques dizaines ou centaines de milliers d'années, les choses auront peut-être changé, si notre brillante espèce n'a pas, d'ici là, disparu de la planète. En attendant, c'est à un véritable saccage intellectuel que nous sommes en train d'assister.” (p. 294)
Ou encore: “… si l'effet des écrans récréatifs est aussi délétère, c'est en grande partie parce que notre cerveau n'est pas adapté à la furie numérique qui le frappe. Pour se construire, il a besoin de tempérance sensorielle et de présence humaine. Or l'ubiquité digitale lui offre un monde inverse, fait de bombardement perceptif constant et d'une terrible paupérisation des relations interpersonnelles. Soumis à cette double pression, le cerveau souffre et il se construit mal. Autrement dit, il continue à fonctionner, c'est évident, mais bien en deçà de son plein potentiel. C'est d'autant plus tragique que les grandes périodes de plasticité cérébrale propres à l'enfance et à l'adolescence ne sont pas éternelles. Une fois refermées, elles ne ressuscitent plus. Ce qui a été gâché est à jamais perdu. L'argument de modernité si souvent avancé prend alors toute sa dimension de ridicule” (pp. 340-341).
Ces conclusions plutôt alarmistes, mènent à des conseils pédagogiques: “Une fois rejetés les discours d'impuissance, l'action éducative peut reprendre ses droits. Il va alors s'agir, pour les parents, de mettre en place des règles précises de consommation. Sur la base des éléments développés tout au long de l'ouvrage, on peut en retenir sept, essentielles. Sept règles que chacun , évidemment, pourra adapter aux caractéristiques de ses enfants et du contexte familial.”(p. 342)
Et voici un résumé de ces 7 Règles:
1. Avant 6 ans : pas
d'écrans. Le jeune enfant à besoin de jouer,
de s'ennuyer, d'être en relation avec son
environnement et, surtout, avec les
personnes qui l'entourent! “C'est d'autant
plus vrai que l'absence d'exposition
numérique durant les premières années de la
vie n'a aucun impact négatif à court ou long
terme. Autrement dit, l'enfant ne deviendra
pas un handicapé du digital parce qu'il n'a
pas été exposé aux écrans durant les six
premières années de sa vie. Bien au
contraire” (p. 343).
2. “Après 6 ans: pas plus de trente minutes à une heure par jour (tout compris!)” -”maximum 30 minutes jusqu'à 12 ans et 60 minutes au-delà” (p. 343). Il existe des programmes pour aider les parents à limiter les temps d'usage et pour contrôler les contenus!
3. “Pas dans la chambre” … “La chambre devrait être un sanctuaire, libre de toute présence numérique” (p.344).
4. “Pas de contenus inadaptés. Que ce soit sous forme de clips, de films, de séries, de jeux vidéo, etc … les contenus à caractère violents, sexuels, tabagiques, alcooliques, etc …, ont un effet profond sur la façon dont les enfants et les adolescents perçoivent le monde.”(p. 344)
5. “Pas le matin avant l'école. Les contenus excitants notamment, épuisent durablement les capacités intellectuelles de l'enfant.” (p. 344).
6. “Pas le soir avant de dormir. Les écrans du soir affectent fortement la durée (on se couche plus tard) et la qualité (on dort moins bien) du sommeil.” (p. 344)
7. “Une chose à la fois. Dernier point, mais il est d'importance. Les écrans doivent être utilisés seuls (un à la fois). Ils doivent rester hors de portée pendant les repas, les devoirs et les discussions familiales. Plus le cerveau en développement est soumis au multitasking, plus il devient perméable à la distraction. En outre, plus il fait de choses à la fois, moins il est performant, moins bien il apprend et moins bien il mémorise. Ultime démonstration, s'il en fallait une, que notre cerveau n'est vraiment pas fait pour les pratiques de la nouvelle modernité numérique” (p. 345).
Ce livre nous submerge d'une information
très diversifiée. Elle tend d'abord à
décrédibiliser toute une série de héros d'un
numérique triomphant et inconditionnellement
“meilleur”! Elle met en évidence le manque
d'attention des responsables (médiatiques et
politiques, principalement) aux sources et
études vraiment fiables.
Cette
information ne peut que constater le manque
de recul tant des enseignants que des
parents… à cause même de la pression des
médias numériques, des incitations publiques
et économiques!
L'idéal serait de pouvoir
tester sur une tranche de population
significative… et sur une durée d'au moins
un cycle scolaire complet (18 années : c'est
long!!) l'effet des 7 règles énoncées en
finale du livre … et comparer cet
“échantillon” aux évolutions d'autres
groupes qui n'observeraient pas ces règles!
C'est très probablement une ingérable
utopie?
Mais la question d'une
décérébralisation massive de l'humain
numérisé pourrait devenir un défi majeur
pour l'humanité, le jour où l'une ou l'autre
catastrophe pourrait être attribuée à
l'intelligence biaisée ou mal formée d'un
acteur humain!
Merci à Michel Desmurget de nous obliger, et d'obliger tous les éducateurs, à une réflexion sur ces sujets… et à une attention aux enfants et aux adolescents dans ce domaine.
Je rappelle ici la position un peu moins
négative ou alarmiste de Alison Gopnik dans
le recueil de J.-F. Marmion, Psychologie
de la connerie recensé dans
Interface_2020,
n°2. Cette enseignante voulait suivre de
près les évolutions des jeunes qu'elle doit
former en tentant de déterminer les
pratiques nuisibles et les pratiques
éventuellement positives, considérant que
l'on était devant une évolution inéluctable
et incontrôlable.
La position de Michel
Desmurget, très probablement parfaitement
correcte du point de vue de l'argumentaire
scientifique, risque de ne pas avoir l'écho
souhaitable car, d'une part, elle semble
arriver très tard (sinon “trop” tard) et,
que d'autre part, elle ne donne pas (hors
des 7 règles “idéales” (?) proposées) les
éléments d'une pédagogie partant de l'état
de fait des usages en cours… encore
amplifiés récemment par les pratiques
encouragées par la pandémie du covid-19!
R.-F. Poswick