Alone Together. Why we expect More from Technology and Less from Each Other
Juin 2020
Sherry Turckle, Basic Books, New York, Third Edition (2017 – 1st: 2011), 362 pp.
Version française traduite sur la première édition : Seul ensemble. De plus en plus de technologie, de moins en moins de relations humaines, Paris, L'Échappée, 2015, 523pp.
Une psychanalyste au MIT (Boston)
Psychanalyste formée à l'école de Jacques Lacan avec lequel elle a fait sa thèse, l'Auteure est venue travailler le domaine de la culture informatique (ou numérique) au MIT (Boston, USA) en 1980. C'est l'époque où les tout premiers jeux électroniques et micro-ordinateurs commencent à se répandre aux USA. Tout comme le langage psychanalytique commençait à modeler l'expression du “Soi” (“self”) surtout dans la culture francophone, Sherry Turckle (S.T.) eût l'intuition que l'évolution de la culture informatique allait modeler une vision et une expression de la personnalité humaine comme aucun autre média ne l'avait fait depuis longtemps. “Tandis que mes collègues au MIT s'ingéniaient à faire réaliser des choses géniales par les ordinateurs, j'avais d'autres préoccupations: comment les ordinateurs étaient-ils en train de modifier nos personnalités? Mes collègues insistant sur le fait que les ordinateurs étaient seulement des 'outils'. Mais le 'seulement' est ici trompeur. Nous sommes modelés par nos outils” (p. X).
S.T. prend alors la décision d'étudier “cliniquement” les relations qui commençaient à s'établir entre humains et machines intelligentes. Dans les années 1970-1980, les travaux sur ces machines obligeaient déjà à concevoir autrement la pensée, la mémoire, la compréhension. Ce qui mena S.T. à rédiger ses premiers constats dans The Second Self. Computers and Human Spirit, MIT Press, 1984, 2005². Ce livre fut malheureusement traduit en français sous un titre (Les enfants de l'ordinateur, Denoël, 1986) qui ne reflète pas le vrai travail de réflexion sur cette transformation de la personnalité due à l'utilisation des ordinateurs que présentait déjà S.T. à cette époque.
Au-delà de cette période durant laquelle les personnes avaient une relation unique avec un ordinateur, à partir de 1990, l'ordinateur devient un portail vers de nouvelles relations avec les autres, mais également avec un monde virtuel dans lequel on pouvait se dédoubler et acquérir des identités virtuelles. C'est avec ce type de relations que se trouve désormais confronté le travail de S.T. Un nouveau lot d'observations est donc consigné par S.T. dans le second volume de sa trilogie: Life on Screen (pas encore traduit en français). Des personnes pouvaient se forger, en ligne, 3 ou 4 identités différentes dont elles déterminaient les aspects et les actions qu'elles pouvaient alors comparer à l'identité de leur “vie réelle” qui, à leurs yeux pouvait ne pas être toujours leur meilleur identité! Cela ne va faire que s'amplifier dans un environnement en réseau quasi illimité qui, avec les smartphones (“téléphones malins”), n'impose même plus d'être relié à un ordinateur et un réseau câblé!
Depuis les années 1990, on se
trouve, dans ce contexte, avec des “ digital
native ” (des jeunes de 5 à 20 ans) qui ont
grandi avec des téléphones portables et des
jouets qui sollicitent leurs soins
attentifs!
Dès lors on se trouve au
troisième stade des relations avec ces
technologies: on attend plus de ces
technologies que des humains qui nous
entourent! (C'est le sous-titre du volume
que nous analysons).
Évolutions des relations avec des objets de communication électronique
Ce troisième volume
de la trilogie de S.T. tente de saisir les
évolutions à partir de la mise au point de
programmes comme l'ELIZA de Weizenbaum (MIT)
dans les années 1970ss; puis la vague des
jouets relationnels comme les Tamagotchis,
Furbies, AIBO, My Real Babies, Kismet, Cog
ou Paro (ce dernier étant spécialement conçu
pour tenir compagnie aux personnes âgées)!
S.T. explore également tous les moyens
d'échanges en ligne, les jeux communautaires
en ligne, et, pour les 15 dernières années,
le développement foudroyant de tous les
modes de communication “sociales”: SMS,
réseaux sociaux, Twitter ou autres (y
compris les systèmes de “communautés
virtuelles”).
Dès 2010, une étude a
montré que les jeunes des écoles publiques
(primaire et secondaire) envoyaient plus de
3000 messages électroniques par mois en
moyenne.
Avec des robots affectueux comme
Zhu Zhu et des possibilités de relations en
ligne comme dans Chatroulette, on semble se
diriger vers l'attribution de qualités
humaines (affection) à des “objets”; et,
parallèlement, à traiter des êtres humains
comme des “objets”! (p. XIV).
S.T. a pu
suivre sa fille qui a joué avec les
différentes générations de robots ramenés
par S.T. à la maison où la pièce du sous-sol
a été baptisée “le cimetière aux robots” -
elle écrit donc son livre comme une lettre
d'amour à sa fille qui a 19 ans en 2010.
Le "tournant robotique"
Mais, si le livre est bouclé, la réflexion
continue, car “réfléchir aux robots est une
façon de réfléchir à l'essence même de ce
qui constitue une personne. Et réfléchir à
la connectivité est une façon de réfléchir à
ce que nous sommes réellement les uns pour
les autres” (p. XVII).
C'est ce qui
justifie une seconde Préface à l'édition de
2017!
En effet, si, au début,
l'intelligence artificielle visait surtout
l'accès intelligent à un grand volume
d'informations, dans les années suivantes,
on va chercher à rendre les robots
“sociables”… et là, suite à des
expérimentations avec le robot COG du MIT,
S.T. va devenir plus réservée par rapport
aux relations humaines avec des robots
soi-disant “sociaux”! (p.XX) – ils mettent
en évidence nos vulnérabilités par rapport à
la séduction exercée par une machine dotée
d'intelligence et d'une apparence de
sensibilité (de “sentiments”?).
S.T.
explore donc dans ce livre ce qu'elle
appelle “the robotic moment” (le
“tournant robotique”?) c'est-à-dire: “le
développement d'un état d'esprit par lequel
nous commençons à concéder à des artefacts
sociaux plus que ce qui leur est vraiment
du” (p. XXI) – un état d'esprit où “les
promesses des machines exploitent nos
vulnérabilités: nous voulons être reconnus
et nous ne voulons pas rester seul” (p.
XXI).
Un accroissement certain d'un
manque d'empathie entre les personnes est
clairement lié à une utilisation (ou
présence) abusive des téléphones portables.
Les gens commencent à craindre et tende à
éviter la “conversation” directe (toute
comme le coup de téléphone vocal), car, en
situation de relation directe, on ne
maîtrise pas ce qui va se passer!
“En
2011, je percevais les robots sociables et
les réseaux sociaux comme deux mondes
différents. Aujourd'hui, prenant en
considération le “tournant robotique” qui
prend une nouvelle forme dans le monde des
“applications”, on voit mieux ce que
parler à des machines et parler entre nous à
travers des machines ont en commun. Les
machines font tout pour qu'on les utilise.
C'est comme cela qu'elles peuvent obtenir
plus de données de vous pour vous en vendre
plus à vous et à d'autres. Les machines nous
gardent dans un monde de machines ” (p.
XXV).
Mais l'empathie ne peut se mettre
dans une application: “c'est nous, l'être
humain, qui sommes l'application empathie”
(p. XXVI).
Dégager le spécifique humain transformé par des prothèses électroniques?
S.T. y revient,
au-delà de ses deux Préfaces, dans son
Introduction: “La technologie est
séductrice quand ce qu'elle offre rejoint
nos vulnérabilités humaines” (p.1).
Et
le premier exemple est celui de ce champion
d'échec contre des programmes d'échec sur
ordinateurs, David Levy. Il crée des robots
pour rencontres sexuelles dont il décrit
l'avenir dans Love and Sex with Robots
(2007). Pour lui, vers 2050, le robot sexuel
sera opérationnel et très utilisé pour mieux
apprendre à faire l'amour sous toutes ses
formes, bon substitut pour ceux qui
n'arrivent pas à faire l'amour avec un être
réel! Avec le robot sexuel, pas de tracas,
pas de ruptures dramatiques, pas de
frustrations, pas de reproches, etc. Pour la
psychanalyste, cette approche est intenable,
car le robot n'aura jamais les traits de
l'authenticité qui est de savoir se mettre,
en connaissance de cause, à la place de
l'autre et cela parce qu'on partage des
expériences similaires: naissance, vie de
famille, conscience que l'on peut mourir.
Les robots ne peuvent partager de telles
expériences (p.6).
Mais les
développements en cours et les expériences
comme la consolation apportée par le petit
robot PARO à des personnes isolées et
dépressives en maison de retraite (qui
expriment le besoin de “croire vivante”
des machines), fait penser à S.T. que dans
ce “tournant robotique” nous devenons
prêts à vivre un type nouveau de
“promiscuité technologique”! (p. 9-10).
Ce type de relations “affectives” avec un
robot se trouve surtout et, de plus en plus,
auprès des personnes âgées… mais
également chez les jeunes qui peuvent faire
toutes sortes d'expériences et d'exercices
(y compris sexuels) sans engagement envers
une personne réelle.
Psychanalytiquement
“les robots sociaux servent à la fois de
symptôme et de rêve: comme symptôme, ils
sont la promesse d'éviter des conflits
d'intimité; comme rêve, ils expriment le vœu
de relations avec des limites, une façon
d'être à la fois ensemble et tout seul ” (p.
11).
Après avoir eu des robots
anxiogènes, va-t-on maintenant demander à la
science qu'elle mette au point des robots
qui vont rassurer et prendre soin des
personnes? Ils deviendraient ainsi les
“deus ex machina” du 21e siècle (p.11).
“Mais ce livre ne concerne pas d'abord les
robots. Il s'intéresse plutôt à la façon
dont nous sommes changés quand la
technologie nous offre des substituts pour
entrer en contact réel les uns avec les
autres. On nous propose des robots et tout
un monde de relations médiatisées par des
machines sur des supports en réseau. Quand
on fait des SMS, des courriels, des tweets,
etc… la technologie redessine les
frontières entre intimité et solitude. On
parle d'être débarrassé de ses courriels
comme si ces notes étaient des bagages en
trop. Les jeunes évitent désormais de
téléphoner de peur de “trop se révéler”.
Ils préfèrent envoyer un message écrit que
de parler. Les adultes également préfèrent
le clavier à la voix. C'est plus efficace
disent-ils. Ce qui se fait en “temps réel ”prend trop de temps!” (p. 11).
“L'intimité virtuelle est-elle un facteur
de dégradation de nos autres expérience
d'intimité…. et, par conséquent, également
de tous nos types de contacts ou de
rencontres? ” (p. 12).
Créer une identité
virtuelle en ligne (par la création d'un
avatar comme dans Second Life) pourrait
aider à façonner sa propre identité… mais
si l'on s'est fait un profil virtuel
apparemment meilleur que ce que l'on vit
réellement, cela peut devenir
psychologiquement destructeur!
La
technologie nous promettait de nous libérer
et de nous donner plus de temps pour nous,
mais les smartphones ont commencé à effacer
les frontières entre travail et loisirs…
et, du coup, il n'y a plus jamais assez de
temps! (p. 13).
La technologie de
connexion rend aisée la communication à la
demande … mais également le désengagement!
S.T. fait, au Japon, l'expérience d'une
conférence sur la robotique durant laquelle
pratiquement tous les participants étaient
“scotchés” à leur écran (ordinateur,
tablette ou smartphone) même pendant les
conférences!
L'idéal de la nouvelle
génération est d'avoir le plus de relations
possible, mais en sachant les garder à
distance et les atteindre quand bon leur
semble! “Quand la technologie mécanise
l'intimité, la relation peut se réduire à
une simple connexion … et nous risquons de
considérer cette connexion comme une
relation d'intimité. L'intimité cybernétique
nous mène à la solitude cybernétique” (p.
16).
“Il y a quelques années, on aurait
pu juger comme intrusif, sinon illégal, que
mon téléphone mobile me donne le
positionnement géographique de mes
connaissances qui se trouveraient dans un
rayon de 10 km autour de moi. Mais
aujourd'hui, c'est devenu une habitude. La
vie dans une bulle médiatique en est venue à
sembler naturelle. Tout comme la fin de
certains comportements en public: en rue,
nous parlons à des microphones invisibles
reliés à nos téléphones mobiles, comme si
nous parlions à nous-mêmes. Nous partageons
notre intimité avec l'air environnant sans
nous préoccuper de qui peut nous écouter ou
de l'environnement dans lequel nous nous
trouvons. J'ai décrit jadis l'ordinateur
comme un “Second Moi”, un miroir de
l'esprit. Cette métaphore ne va plus assez
loin. Nos nouveaux outils électroniques
permettent l'émergence d'un nouvel état du
“moi” lui-même, partagé entre l'écran et
le monde réel, câblé à l'existence par la
technologie ” (p. 16).
S.T. décrit
ensuite la structure de son livre.
Dans
la première partie, on trouve une histoire
des robots de compagnie, depuis les plus
anciens (Tamagotchis) jusqu'aux aides pour
les maisons de repos. C'est le “tournant
robotique” (the robotic moment). “De
la curiosité pour des machines animées nous
allons vers une recherche de communion. En
compagnie de la robotique, les personnes
sont seules mais elles se sentent
connectées: nouveau type d'intimité dans la
solitude” (p.14).
La seconde partie,
intitulée “Networked” étudie la vie
connectée et la façon dont elle re-façonne
le Moi. Nous sommes de plus en plus
connectés et sans interruption.
Ce qui
amène S.T. à conclure son Introduction:
“Nous ne nous préparons pas à rejeter
les technologies […même si l'on a des
craintes sur leurs évolutions et les
évolutions auxquelles elles nous mènent…],
mais nous nous préparons à les modeler de
telle façon qu'elles honorent ce que nous
avons de plus cher! Winston Churchill
disait: 'Nous donnons forme à nos
constructions, et puis c'est elles qui nous
modèlent à leur tour' (1924) […on peut aussi
rapprocher ce propos de la thèse bien connue
de Marshall McLuhan: Le message, c'est le
média]. Nous fabriquons nos technologies et
puis, en retour, elles nous façonnent. Et
donc, pour chaque technologie, nous devons
nous demander: sert-elle nos objectifs
humains? …ce qui nous oblige à reconsidérer
ce que sont les objectifs humains! À chaque
génération, les technologies nous donnent
des occasions de réfléchir à nos valeurs et
à nos orientations. J'espère qu'Alone
Together sera une étape pour une telle
opportunité!;”
(p. 19).
Je me suis longuement étendu sur les deux Préfaces (2011 et 2017) et sur l'Introduction de S.T., car c'est là qu'elle résume le mieux l'accumulation de descriptions “cliniques” très pointues et très riches qui vont jalonner le reste des 280 pages du livre, étayées par les 43 pages de Notes très denses, très documentées et souvent avec un complément de réflexion qui vaut la lecture!
Des robots qui nous aiment? Ou des robots que nous aimons?
Du reste du livre, je relève maintenant une série de perles qui peuvent aider à la réflexion.
Les robots sexuels sont bien présents, comme Roxxxy, vendu à 7.000 US$. “Ils sont plus près de nous… non parce qu'ils sont au point, mais parce que nous le sommes!” (p.25).
“La singularité? Cette notion a
migré de la science-fiction vers
l'ingénierie. C'est le “moment” - c'est
mythique, il faut y croire – où
l'intelligence de la machine dépasse un
point critique au-delà duquel, disent ceux
qui y croient, l'intelligence artificielle
va aller au-delà de tout ce que nous pouvons
actuellement concevoir… tout va devenir
possible, y compris des robots qui aiment… c'est un point où nous fusionnerons avec
la robotique pour devenir immortels. La
singularité est cette extase technologique”
(p. 25).
“Dans les années '80ss, les
enfants considéraient les machines comme des
“objets intelligents” par contraste avec
les personnes qui étaient des machines à
“émotion”… avec les Tamagotchis, cette
frontière va s'estomper” (p.30). ”Avec les
Tamagotchis, commence une époque où l'enfant
commence à faire le deuil d'une vie
artificielle” (p. 34). Quant aux Furbies,
qui parlent, ils vous donnent “leurs
idées” disent les enfants (p. 39). Il y a
donc déjà un “échange” que l'on trouve au
cœur de ce que S.T. appelle le “tournant
robotique” (p. 40). Le fait qu'un Furby va
protester si on le met la tête en bas pousse
ses utilisateurs à avoir un réflexe
“éthique” par rapport à ce petit robot,
geste qu'ils n'auraient pas eu avec une
poupée traditionnelle qui ne se plaindra pas
si elle a la tête en bas (cette constatation
pouvant être considérée comme une extension
de type “psy” du Test de Turing) (p.45).
En effet, “on est poussé à croire que les
réalités – y compris des réalités comme les
sensations – peuvent se réduire à ce
qu'elles ont l'air d'être. Notre culture
thérapeutique actuelle nous pousse à sortir
de la vie intérieure pour nous concentrer
sur la mécanique de comportement
correspondante… soit une réalité que les
personnes et les robots pourraient avoir en
commun! ” (p.50).
Et S.T. de conclure le
Chapitre 2: “La vie? Ses espaces
romantiques? Les problèmes d'amitié? Tels
étaient les espaces sacrés de la réaction
romantique. Dans un tel espace seules des
personnes étaient autorisées. Howard
[Gardner] pense que tout cela peut être
réduit à de l'information de telle sorte
qu'un robot pourrait devenir une ressource
d'expertise et un compagnon. Nous voilà donc
au “ tournant robotique ”! Et, comme je l'ai
dit, mon propos actuel n'est pas tant sur
les avancées technologiques, aussi
impressionnantes qu'elles aient été jusqu'à
ce jour. J'attire plutôt l'attention sur
notre forte réponse à celle, très limitée,
que peut donner un robot sociable – et cela
sur base d'un espoir naïf qu'il pourrait
nous apporter plus. Avec chaque nouveau
robot, il y a une croissance de nos
attentes! Et je nous trouve vulnérables –
une vulnérabilité qui, je crois, n'est pas
sans risque” (p.52).
Quant aux relations
des enfants avec les AIBO (un petit chien
robot): “Quand on observe des créatures
avec des sentiments et de l'intelligence
artificielle, nous en venons à réfléchir
autrement sur les nôtres. La question ici
n'est plus de savoir si des machines peuvent
être construites à l'image des personnes,
mais si les personnes ont toujours pensé
comme des machines” (p.54). “Mais ce qui
manque quand vous prenez un robot comme
compagnon, c'est l'altérité: la capacité de
voir le monde avec les yeux de l'autre. Sans
altérité, pas d'empathie” (p. 55)… et
les robots vers lesquels on va sont des
candidats tout trouvés pour devenir les
“self-objects” des pervers narcissiques
qui réduisent toujours l'autre à un objet!
Contrairement à un animal de compagnie (qui
peut “mourir”), “un AIBO permet un
attachement sans responsabilité” (p.60)…
il ne mourra pas si on l'abandonne!
“L'intelligence artificielle est souvent décrite comme l'art et la science de réaliser des machines qui pourraient faire des choses qui seraient considérées comme intelligentes si elles étaient faites par des personnes. Et nous en venons à une définition parallèle pour les émotions artificielles qui seraient l'art de réaliser des machines qui pourraient exprimer des choses qui seraient considérées comme des sentiments si elles étaient exprimées par des personnes” (p. 63). Par ce biais on pourrait créer des compagnons (même un “amoureux”) par rapport auquel on resterait le “centre” de son univers. “Dépendre d'une personne (réelle) comporte des risques - on peut être l'objet d'un rejet – mais cela nous ouvre aussi à une connaissance approfondie de l'autre. Un compagnonnage robotique pourrait paraître une affaire agréable, mais il nous enferme dans un monde fermé: aimer seulement si c'est sûr et fait sur mesure” (p.66). Les robots de compagnie, même limités dans leurs capacités, font espérer qu'on pourrait en construire qui soient vraiment là pour s'occuper de nous (du Real Baby à la Real Babysitter?) (p. 68). Mais, “pour aimer quelqu'un on a besoin d'un corps et d'un cœur” (p. 72). Peut-on “se confier” ou “faire confiance à un robot?
S.T. va
faire l'expérimentation du robot COG au
Laboratoire d'Intelligence Artificielle du
MIT en 1994 (pp. 83ss). Elle réfléchit aux
origines de ces travaux: “Depuis les tout
débuts, l'intelligence artificielle a
travaillé dans cet espace entre une vue
mécanisée des personnes et une vision
psychologique, voire spirituelle, des
machines. Norbert Wiener, le fondateur de la
cybernétique, rêvait, dans les années
1960ss, qu'il était “conceptuellement
possible pour un homme d'être envoyé sur une
ligne télégraphique”; tandis que, vers les
milieux des années 1980ss, il s'étonnait que
Marvin Minsky, pionnier en AI, veuille
vraiment “créer un ordinateur assez beau
pour qu'une âme ait envie de s'y insérer et
de vivre dedans”! (p. 85).
Mais, en fait
ce que l'on demande aux robots met en
évidence ce dont nous avons besoin (p. 87):
la chose est très claire quand on interroge
des enfants en déficit de relations avec
leurs parents et qui reportent sur des
robots une relation qui les rassure!
Mais
quels sont ces besoins? Quand on parle avec
des soignants et soignantes dans des maisons
de retraite, il y a des protestations contre
l'usage du PARO, un robot spécialisé pour
ces milieux. Les soignants refusent que l'on
traite les personnes âgées comme si c'était
des enfants (p. 104). Ils font remarquer
qu'il y a une différence entre “prendre
soin” au sens de “s'occuper de”
quelqu'un, et, “avoir soin” au sens de
“se soucier” de quelqu'un (p. 106).
Mais il faut constater que “la prochaine
génération sera habituée à tout un choix de
relations: certains avec des animaux de
compagnie, d'autres avec des personnes,
d'autres avec des avatars, d'autres avec des
agents sur écran d'ordinateur, et encore
d'autres avec des robots. Se confier ( faire
confiance) à un robot ne sera qu'un choix
parmi d'autres” (p. 119).
Par rapport à
ces tendances, il faut noter que tout un
courant philosophique pense qu'esprit et
corps sont inséparables pour se trouver
devant une vraie intelligence humaine. C'est
la position de Hubert Dreyfus au MIT dès les
années 1960ss: “Les ordinateurs ont besoin
d'un corps pour être intelligents” (p.
134). Et, dans la même ligne Antonio
Damasio: on ne peut séparer pensée et
émotion (p. 134). Sed contra: on constate
que les personnes lourdement “réparées”
après un accident qui les a dotées de
lourdes prothèses, créent une nouvelle
relation entre leur nouveau corps et leur
esprit (voir la note 14, p. 327).
Comment sauver la spécificité humaine?
Ceci mène à des questions fondamentales:
“Les questions pour le futur ne sont pas de
savoir si les enfants vont aimer leur robot
domestique plus que leur animal domestique
ou que leurs parents. Les questions sont
plutôt: que devient l'amour? Et que va
signifier le fait de créer une intimité
toujours plus grande avec nos machines?
Sommes-nous prêts à nous voir au miroir de
la machine et à considérer que l'amour (se
réduit) à nos performances amoureuses?” (p.
138). Les scientifiques ont perçu que
l'émotion manquait aux machines pour
qu'elles soient “intelligentes” et donc,
dans les recherches en AI, la proposition
“les ordinateurs ont besoin d'un corps pour
être intelligents”, devient “les
ordinateurs ont besoin d'émotions (affect)
pour devenir intelligents” (p. 139). Et on
y travaille! Dans cette recherche, Marvin
Minsky (avec Rosalind Picard, Affective
Computing, 1997), pense que les robots
peuvent devenir des machines pensantes avec
émotions. Tandis que pour Damasio, les
machines ne pourront jamais devenir
intelligentes si elles n'ont pas des corps
avec les mêmes caractéristiques et les mêmes
problèmes que les corps humains vivants (p.
140). “L'émotion (affect) perd son sens
quand elle devient quelque chose que
possèdent les ordinateurs. Le mot
“intelligence” se voit également réduit
dans sa signification quand on commence à
l'appliquer à des machines. L'intelligence
jusqu'ici dénotait un attribut dense tramé
et complexe. Elle implique intuition et bon
sens. Mais quand on déclare que les
ordinateurs ont de l'intelligence,
l'intelligence commence à représenter
quelque chose de plus unidimensionnel,
réduit à la seule cognition” (pp. 140-141).
Mais en face “Les Japonais prennent pour
acquis que les téléphones cellulaires, les
SMS, les courriels, les jeux en ligne ont
créé une isolation sociale. Ils voient les
gens s'éloigner de la famille pour
concentrer leur attention sur leurs écrans.
Les gens ne se rencontrent plus face à face;
ils ne rejoignent plus les organisations. Au
Japon, les robots sont présentés comme des
facilitateurs du contact humain que les
réseaux ont supprimé! La technologie nous a
corrompu: les robots vont réparer nos
blessures!
Le cercle est bouclé! Les
Robots qui nous envoûtent avec des relations
de plus en plus intenses avec l'inanimé,
sont ici proposés comme un moyen de guérison
de notre immersion trop intense dans la
connectivité numérique. Les Robots, espoirs
des Japonais, vont nous ramener vers le réel
physique et donc les uns vers les autres! À
voir!” (pp.146-147).
On est devenu des cyborgs ou presque avec les smartphones: “Ma thèse c'est que nous ne savons plus très bien quand nous sommes vraiment seuls et quand nous sommes vraiment ensemble. Dans ma jeunesse, l'idée du “village global” était une abstraction. Mais ma fille vit quelque chose de concret: émotionnellement, socialement, partout où elle va, elle ne quitte, en fait, jamais la maison! ” (p. 156).
“J'ai noté combien de fois j'étais avec des collègues qui étaient en même temps ailleurs: un Conseil d'Administration au cours duquel des membres se rebiffaient quand on leur demandait de couper leur outil mobile; une réunion de Faculté au cours de laquelle les participants faisaient leurs courriels jusqu'au moment où c'était leur tour de parler; une conférence au cours de laquelle des membres de l'assistance se branchaient sur l'Internet pour “chatter” sur la présentation du contributeur au cours-même de cette présentation”(p.156) – et en note 4 (p. 369) S.T. constate que cette dernière pratique est même encouragée par certains types de conférences aujourd'hui – notamment une conférence sur Media Literacy en octobre 2009 [N.B.: J'ai personnellement vécu cette expérience comme contributeur lors d'une conférence au CNAM en 2012].
De plus en plus isolés… à cause de la connexion?
Et les gens, tout en communiquant, sont de
plus en plus isolés: “Beaucoup quittent
même les associations civiles ou religieuses
qui jusqu'ici nous liaient ensemble” (p.
153).
Et des gens vivent même une double
vie (Life-mix) jusqu'au niveau du mariage:
“on passe du multi-tasking au
multi-lifing”(p.160). Et même “le courrier
électronique est considéré désormais, par
les personnes de moins de 25 ans, comme une
technologie dépassée” (p. 162).
Si
certains voient ce multi-tasking comme une
performance humaine supérieure, beaucoup
d'études montrent que les multitaskers ne
sont pas performants dans la plupart des
tâches qu'ils mènent en parallèle, car les
limites entre le travail et les autres
aspects de la vie ont avantage à être
claires pour la santé mentale (p. 163 et
note 15). “En termes pratiques, ce qui
fonctionne le mieux c'est de rappeler aux
étudiants qu'être “ lettré en médias ”
(media literacy) c'est savoir quand il ne
faut pas utiliser la technologie autant que
de savoir comment l'utiliser. Je suis assez
optimiste sur le fait qu'avec le temps on
fera un meilleur usage de la technologie
dans les salles de cours et l'on sera moins
effrayé de couper (les connexions) quand
c'est cela qui fait sens pédagogiquement”
(note 18, pp. 331-332).
Et S.T. de
raconter longuement en pp. 164-166
l'histoire de “Diane”, conservatrice dans
un grand musée de la côte Est des USA,
complètement submergée par une
communicationnite maladive.
“On voit que
notre monde est de plus en plus complexe,
mais nous avons créé une culture de la
communication qui a diminué le temps qui
nous est disponible pour nous asseoir et
réfléchir sans être interrompu. Quand nous
communiquons d'une façon qui demande sans
cesse des réponses immédiates, nous ne
laissons plus assez d'espace pour prendre en
compte des problèmes complexes” (p. 166).
Autre conséquence de ce milieu communiquant
où nous sommes engloutis: “Le nouvel état
du Moi est un Moi-neutre (it-self): la vie
connectée nous encourage à traiter ceux que
nous rencontrons en ligne à peu près de la
même façon que nous traitons des objets…
mais le Moi qui traite des personnes comme
des objets est vulnérable au fait de se
considérer soi-même comme très proche d'être
un objet” (p. 168).
“Aujourd'hui, [avec
des ados qui sont parfois connectés depuis
l'âge de 8 ans] les normes culturelles
changent rapidement. On avait l'habitude de
penser que la croissance (psychologique)
était équivalente à la capacité à
fonctionner de façon autonome. La connexion
permanente d'aujourd'hui nous mène à
reconsidérer les potentialités d'un Moi plus
collaboratif. Toutes les questions relatives
à l'autonomie semblent différentes, si sur
une base quotidienne, nous sommes ensembles
même quand nous sommes seuls!” (p. 169).
Des traits de cette nouvelle culture: les
jeunes n'aiment plus téléphoner; c'est trop
compromettant et cela prend trop de temps
(pp. 204ss); on tente d'utiliser le
Moi-en-ligne (avatars, Second Life, etc)
pour se tester, y compris dans des domaines
aussi sensibles que le fait de faire l'amour
(exemple d'une patiente qui, suite à une
opération craint de ne plus être bien
acceptée par un partenaire et se teste
d'abord “en ligne”) (p. 214).
Et “les
laboratoires de recherche suggèrent que la
façon dont nous agissons et nous nous
montrons dans le virtuel affecte nos
comportements dans le réel” (p. 223). La
sonnerie qui signale répétitivement
l'arrivée de messages électroniques a un
effet cérébral sur l'hypothalamus qui nous
amène à en demander plus, comme pour un rat
auquel on présente un grain de sucre et qui
revient en chercher (voir p. 337, note 14).
Un patient de S.T. lui confie que sa
passion pour le jeu en ligne est comparable,
à son avis, à l'addiction à une drogue
(p. 228).
Jusqu'où va l'intimité en ligne?
Aliénation ou réalité nouvelle?
Tout un chapitre (pp. 229-240) est consacré
aux “Confessions en ligne”! De nombreux
sites de “confessions” pas nécessairement
religieuses sont offerts aujourd'hui dans
l'Internet.
“Quand une confession se
fait dans un espace physique réel, on parle
et on négocie. Se confesser à un ami peut
apporter de la désapprobation. Mais la
désapprobation, même difficile à encaisser,
peut faire partie d'une relation qui se
développe et s'étoffe. Elle peut signifier
que quelqu'un s'intéresse suffisamment à
vous pour prendre en compte votre agissement
et vous parler de ses sentiments. Et si une
confession face-à-face rencontre la
critique, on a une base pour évaluer sa
source. Rien de tout cela ne se produit dans
une confession en ligne avec un étranger”
(p. 231).
Mais ces systèmes d'aveux en
ligne ne règlent pas les problèmes:
“Aujourd'hui, dans les réseaux sociaux, on
voit des conflits en escalade pour aucune
vraie raison apparemment, excepté qu'il n'y
a pas de présence physique pour exercer une
force de modération” (pp. 235-236).
Pour
qu'il y ait une vraie relation communautaire
entre humains, il faut une “proximité
physique, des préoccupations communes, des
responsabilités partagées… et des membres
qui s'aident mutuellement de la façon la
plus pratique” (p. 239)…ce que l'on ne
trouve pas dans les communautés
électroniques!
Un dernier défi qui se
pointe est celui d'une société entièrement
contrôlée et où la privacy est pratiquement
nulle. “privacy est historiquement une idée
nouvelle. C'est vrai. Mais, bien
qu'historiquement nouvelle, la privacy a
bien déservi nos visions modernes de
l'intimité personnelle et de la démocratie.
Sans privacy, les limites de l'intimité
explosent. Mais, bien sûr, quand toute
information [sur les personnes et sur leurs
agissements] est collectée, chacun devient
un informateur… le panopticon sert de
métaphore pour la façon, dans un État
moderne, dont un citoyen peut devenir son
propre policier. La force n'est plus
nécessaire parce que l'État crée sa propre
“citoyenneté” obéissante. …Et, ce qu'il
faut faire …c'est juste d'être bon ” (pp.
261-263). Nous sommes là dans le registre du
célèbre roman de Georges Orwell 1984!!
Contre cette emprise de plus en plus grande
de l'environnement électronique, certains
jeunes commencent à réagir. Ils estiment que
le premier pas à faire (et il le font) c'est
quitter Facebook! (p. 274)
Une modification de la conscience de soi
Encore
quelques traits relevés dans la Conclusion
du livre de S.T.:
“En 1978, lors d'une
journée de réflexion au MIT, Michel
Dertouzos, directeur du Laboratoire pour la
Science Informatique, annonça que bientôt,
monsieur tout-le-monde aurait son ordinateur
– qu'on appelait alors “home computer”.
Les premiers de ceux-ci – qu'on pouvait
acheter sur le marché sans devoir les
construire soi-même – arrivaient alors sur
le marché. Mais que pouvaient en faire les
gens? Il y avait là un potentiel
technologique …mais il fallait leur
donner des choses à réaliser ” (p. 279). Et
des personnalités comme Marvin Minsky ou
Seymour Papert ne voyaient guère comme
tâches à conseiller que la préparation de
dossiers administratifs personnels ou la
programmation de jeux!
Aujourd'hui, il ne
faut plus se préoccuper de ce que les
ordinateurs pourraient faire …c'est eux
qui nous font faire des choses! On consacre
plus de temps à la technologie et moins de
temps à être ensemble (p. 281).
“L'idée
d'un robot de compagnie sert à la fois de
symptôme et de rêve. Comme tous les
symptômes psychologiques, il indique le
problème en le résolvant sans l'affronter.
Le robot va apporter une compagnie et
masquer nos craintes d'intimités trop
risquées. Et comme rêve, les robots révèlent
notre souhait de relations que nous pouvons
contrôler …Quand la technologie est un
symptôme, elle nous déconnecte de nos luttes
réelles ” (p. 283).
“Un robot peut avoir
des besoins, mais il ne peut comprendre le
désir: pour cela on a besoin du langage et
de la chair. On peut décider que pour ce
type de besoin il faut une personne qui
connaît concrètement ce que cela signifie
d'être né, d'avoir des parents et une
famille, de vouloir avoir des relations
amoureuses adultes et peut-être d'avoir des
enfants, et de savoir qu'on peut mourir”
(p. 285).
Et il ne suffit pas de
“ralentir” nos relations avec des écrans
et des réseaux de tous genres. Il faut se
demander “comment faire une nouvelle place
à la réflexion” (p. 289); “comment
utiliser les technologies comme des
prothèses” (p. 290-291)?
Une étude de
2010 montre qu'entre 2000 et 2010, il y a,
chez les jeunes, une chute verticale de leur
“intérêt pour les autres” (p. 293) et les
auteurs attribuent cette attitude aux jeux
en ligne et aux réseaux sociaux. Ce qui
rejoint le constat de nombreux psychologues
et assistants sociaux qu'un grand nombre de
personnes ne montrent même plus une
politesse de base dans leurs comportements
de contacts réels (p. 293).
Et S.T. de se
résoudre à conclure: “Nous avons à trouver
une façon de vivre avec une technologie
réductrice pour la faire fonctionner selon
nos objectifs. C'est dur, et il faudra du
travail! Un simple amour de la technologie
n'aidera pas. Pas plus qu'un enthousiasme
ludique!” (p. 294).
“Nous avons inventé
des technologies qui font rêver et qui sont
un progrès, mais nous leur avons permis de
nous diminuer. La perspective d'aimer une
machine et d'être aimé par une machine
modifie ce que peut être l'amour” (p. 295)!
Sherry Turckle se tient donc très strictement à l'attitude connue des psychanalystes: un constat le plus exact possible des situations pour pouvoir les envoyer comme en miroir à ceux qui voudront bien prendre la mesure de ce qu'ils voient mieux dans ce miroir que dans la réalité qui les entoure …et qui devront décider par eux-mêmes des attitudes nouvelles à prendre devant les situations décrites.
Si les dangers sont cliniquement bien décrits, les remèdes ou voies thérapeutiques pour surmonter ces dangers ne ressortent pas vraiment, hors les quelques traits positifs que j'ai relevé tout au long de ma description de l'apport de Sherry Turckle.
Les exercices personnels et collectifs de “déconnexion” sont certainement une voie pratique de santé mentale dans ces environnements technologiques envahissants.
Mais une bonne utilisation, à titre de
“prothèse”, de différents produits qui
peuvent prolonger ou compenser
l'intelligence humaine individuelle
mériterait un conseil médical ou
pharmaceutique, ainsi qu'une aide
pédagogique à une utilisation vraiment
humaine de ces augmentations par rapport au
corps et à la psychologie humaine!
R.F. Poswick