L'anthropocène
Septembre 2020
L'ensemble des modes de vie et d'action de l'humain sur terre conditionne l'avenir de l'humanité! L'empreinte humaine sur notre petite planète ne se limite pas au réchauffement climatique.
Après le Pleistocène qui a duré depuis
4 millions d'années jusqu'à environ 10.000
ans de maintenant (et comporte tout le
paléolithique ainsi que l'apparition de l'homo
erectus, du néandertalien, puis de l'homo
sapiens), on serait entré dans l'ère
Holocène il y a environ 10.000 ans. Mais,
dans cette ère qu'on pourrait faire
coïncider avec le début de l'ère
Anthropocène, l'empreinte transformatrice
due aux actions des humains commence à
laisser des traces dès lors que les
humains se mettent à cultiver la terre il
y a quelques 8.000 ans.
Ce serait une
des façons la plus critique de
caractériser une ère géologique dans
laquelle c'est l'action humaine qui
apporte des modifications à l'évolution
dite “ naturelle ” de notre planète. Une
empreinte qui a été en s'accélérant depuis
3.000 ou 4.000 ans ... et plus encore
depuis le développement de la civilisation
dite “ occidentale ” avec ses inventions
scientifiques et techniques étendues
progressivement à la planète depuis 500
ans à peine et avec une accélération de
ces développements dus aux humains!
L'origine de cette appellation remonte semble-t-il au prix Nobel hollandais Robert Crutzen (1995). Cette nouvelle ère géologique débuterait, selon lui, avec les débuts de l'industrialisation à la fin du 18e siècle, quand l'empreinte humaine sur l'environnement explose dans tous les domaines et partout sur la planète.
Le sujet commence à être étudié systématiquement comme en témoignent des publications récentes comme le Dictionnaire critique de l'Anthropocène, édité par Fabien Rousseau chez CNRS Éditions en mai 2020 (927 pages); ou encore un Atlas de l'Anthropocène, publié sous la direction de François Gemenne et Aleksander Rankovic de l'Atelier de cartographie de SciencesPo, chez SciencesPo Presses en novembre 2019 (160 pages). On peut aussi trouver une assez large bibliographie sur le sujet dans l'article Anthropocène de l'encyclopédie Wikipédia.
Nous limitant actuellement à l'Atlas de l'Anthropocène cité ci-dessus, on peut faire quelques constats sur cette vision de l'humanité dans sa trajectoire globale.
Comme le disent les auteurs:
“ La crise écologique est si générale et si diverse à la fois qu'il est difficile de la représenter. Comment rendre compte, en quelques planches, en quelques graphiques, de transformations aussi énormes que celles qui entraînent une sixième extinction des espèces et menacent d'effondrement de la civilisation industrielle … Pour donner à voir cette crise globale, pour espérer saisir un peu de l'insaisissable – et de l'irréversible, il faut toucher à tous les domaines du savoir, de l'organisation sociale et de la vie planétaire ” (p.12).
“ … la théorie politique … tend à considérer le monde humain comme une entité distincte de la Terre, l'un régi par les lois des sciences sociales, l'autre régie par celles des sciences naturelles. … Sans doute, devons-nous apprendre à réfléchir politiquement sur des questions qui dépassent l'échelle temporelle et spatiale de l'expérience humaine ” (p. 11).
“ Au changement climatique, à l'érosion de la biodiversité et la destruction de la couche d'ozone s'ajoutent donc de nombreuses pollutions, qui laisseront leur empreinte sur les écosystèmes pour des centaines ou des milliers d'années. La radioactivité en est sans doute le meilleur exemple, au point que certains géologues proposent de faire coïncider le début de l'Anthropocène avec l'émission massive de particules radioactives dans l'atmosphère après les bombardements d'Hiroshima et de Nagasaki, au Japon, et les nombreux essais nucléaires qui ont suivi ” (p. 84-85).
Suivent 47 présentations des différents aspects des développements planétaires avec des graphiques et statistiques très parlants fondés sur des sources bien documentées. Ces présentations sont réparties en 6 chapitres : Ozone, Climat, Biodiversité, Pollutions, Démographie, Politiques de l'Anthropocène.
Dans la Postface, Bruno Latour propose un réalisme planétaire:
“ Pourtant la source de la peur, de l'angoisse, du désespoir, c'est exactement ce que la description de plus en plus fouillée de cette Terre dont nous dépendons et qui réagit si vivement à nos actions, permet d'assécher. Plus nous décrivons la situation réelle, moins nous avons peur. Enfin, nous savons où nous nous trouvons, dans quelle époque de l'histoire humaine et géologique – l'Anthropocène ‒, quel lieu nous habitons – la Terre qui réagit à nos actions. Cela vaut mieux que de rêver comme les autres que nous allons résoudre nos problèmes sur Mars ou revenir aux pays d'autrefois. Reste à savoir, à découvrir, à explorer, non seulement où et quand nous sommes dorénavant situés, mais qui nous sommes, quel genre d'humain, quel genre de citoyen. … [Et, depuis Mercator] l'Atlas n'est plus un monde qu'on porte sur le dos et qui nous écrase, mais la Terre qu'on domine, que l'on possède et que l'on maîtrise totalement. […] Près de 5 siècles après, paraît un “ Atlas ” qui permet au lecteur de comprendre pourquoi il est tout à fait vain de prétendre dominer, maîtriser, posséder la Terre … au risque de se trouver écrasé par elle! ” (p. 145)
Très
intéressante ressource, avec ses sources
bibliographiques et un bon Index.
On peut
être étonné qu'il n'y ait nulle part la
moindre allusion aux visions si riches du
précurseur que fut Pierre Teilhard de
Chardin. On pourrait arguer que ce n'était
pas le rôle d'un Atlas de proposer des voies
en vue de choix “ politiques ” sur base des
constats dressés. Et l'on reste là un peu
sur sa faim.
L'intérêt certain d'une telle présentation, c'est qu'il ne faut pas limiter la problématique au “ réchauffement climatique ”. Ce sont toutes les façons dont l'humain se comporte sur la planète Terre et par rapport aux ressources limitées de cette petite planète qu'il faut avoir devant les yeux pour modifier une trajectoire qui, sinon, peut mener assez rapidement à l'extinction de la race humaine!
R.-F. Poswick