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Incarnation et Résurrection de la Parole
Causerie du Fr. R.-Ferdinand Poswick, o.s.b., pour les amis de la Maison de la Bible à Rixensart, le 21 septembre 2014
1. Mon Credo
2. Comment connaissons-nous ce Dieu philanthrope?
3. Hominisation et humanisation
4. L'écriture alphabétique, vecteur de la révélation, mène à
l'incarnation du Verbe
5. L'écriture numérique, signe d'une mutation
Si l'informatisation généralisée nous fait peur, cette peur n'est pas nouvelle. Dès 1927 dans son film Metropolis, Fritz Lang montrait les risques d'une humanité robotisée. Avec une touche plus humoristique, Charlie Chaplin reflétait la même crainte dans Les Temps modernes. Tandis que George Orwell revenait à l'aspect sombre et effrayant d'un monde dominé par un Big Brother omniprésent dans son roman 1984. Mais la critique le plus virulente se trouve dans le livre de Georges Bernanos, La France contre les robots, écrit en 1950. Et puis nous avons également un pan important de l'œuvre du penseur chrétien Jacques Ellul mettant en garde contre les dérives de la société technicienne.
On pressent donc que quelque chose d'important est
en train de se passer.
La rapidité de l'évolution fait plus penser à une mutation qu'à un
lent développement. Ne se trouve-t-on pas un peu comme en ce moment
où l'eau commence à bouillir avant de se transformer en vapeur?
Les projections comme celles du livre du Dr Laurent Alexandre,
La mort de la mort, 2012 suggèrent que
la convergence des technologies (informatique, biotechnologie,
nanotechnologies, intelligence artificielle, robotisation) pourrait
mener à une modification de l'humain. La série suédoise
Real Humans (2013), présente avec
beaucoup de réalisme un monde où les robots seraient tellement
“humanoïdes” qu'ils risqueraient de devenir comme des esclaves qui
un jour se révolteront contre leurs maîtres!
L'écriture numérique n'est-elle pas à la fois le signe et le moteur d'une telle mutation?
Dans l'affirmative, il faut peut-être prendre mieux
conscience d'où l'on vient et où l'on va au niveau de ce marqueur
majeur qu'est la fixation intelligente de la mémoire humaine et le
développement des moyens de communiquer et de s'exprimer. Les signes
de la mutation se trouvent principalement dans l'ampleur du
phénomène de l'écriture électronique.
Il s'agit d'un système de communication et de fixation des mémoires
humaines (et donc des connaissances) fondé sur un nouveau niveau
d'abstraction: tout peut être représenté mais par des impulsions
électroniques invisibles, incolores, inodores… le courant passe ou
ne passe pas, un support est magnétisé dans une direction ou dans
une autre, etc . Tout peut s'exprimer en écriture logique binaire: 1
= positif (le courant passe), 0 (zéro) = négatif (le courant ne
passe pas). Mr Morse avait déjà tout compris avec son invention du
code télégraphique : “tit-tit-tit tât-tât-tât tit-tit-tit S.O.S.”.
Cette écriture se présente comme un système complet
de communication: acquisition d'information, traitement de celle-ci,
communication, réception, stockage.
Mais, surtout, son développement est foudroyant.
Les tout premiers ordinateurs naissent dans le contexte de la guerre
1940-45. Ce sont des machines qui peuvent traiter des “logiques”,
d'abord des chiffres, elles “comptent” (d'où leur nom de “computer”
= “calculateur”).
Mais une première génération fera encore largement appel au
traitement mécanographique avec la carte perforée reliée à des
calculateurs électroniques. Nous sommes dans les années 1960ss.
Les ordinateurs commenceront à communiquer entre eux par la
téléphonie dans les années '70. (“time sharing”).
Puis, de calculateur spécialisé et gigantesque, utilisant des lampes (types radio) puis des transistors, l'ordinateur devient “mini” (IBM-Series-1, Digital, Univac, Bull, etc), et puis, très vite “micro” (avec Apple en 1981 et IBM-Personnal Computer (PC) en 1983).
Entre temps naissent les communications en réseau (d'abord militaires et universitaires) qui seront libéralisées par l'administration Clinton en 1992. À ce moment encore on pensait que la télématique (informatique en communication) occuperait seulement une niche dans les différents types de supports de communication. Mais, en 2000, avec l'Internet et le WWWeb, la communication à base d'écriture électronique envahit la totalité des champs de la communication. Et cette extension devient “portable” (téléphones, tablettes) à partir de 2008-2010.
Progression foudroyante que l'on peut toucher également sous d'autres aspects.
Dans notre petit musée je montre au moins trois éléments de développement qui me semblent témoigner non d'une évolution, mais d'une mutation:
a) les machines: première machine acquise en 1970: machine à perforer des cartes, moyen de communiquer des données à traiter sur les gros ordinateurs de première génération (main frames, IBM-360 qui ne tiennent pas dans une pièce); deuxième machine acquise en 1979: un mini-ordinateur IBM Series-1 (deux grandes armoires de 2 mètres de haut, de 60 x 60 cm, de plus de 200 kg); troisième machine acquise en 1982: un micro-ordinateur Apple-II.
b) un plateau de disque dur pour les main frames: plateau de 65cm de diamètre qui pouvait stocker 1 Mb (1 million de caractères… il y en a 7 millions dans une Bible) dans les années 1970; aujourd'hui une clef USB de 128 Gigabytes (= 128 milliards de caractères) sur 5cm².
c) passage en 2002-2003 des bandes magnétiques classiques aux bandes IBM-3480: pour transférer intelligemment 30 milliards de caractères il fallu 1.500 heures de travail, soit pratiquement une “année-homme”; aujourd'hui (2013-2014) on gère 500 milliards de caractères et la copie de sécurité prend quelques heures la nuit.
Il y a donc une accélération du temps d'écriture et de transmission de l'information et une réduction de l'espace dans lequel peut tenir cette information.
Les caractéristiques de l'écriture électronique
soulignent bien tous ces changements :
a) une écriture parfaitement logique et contrôlée par programme
(validité)
b) une écriture instantanée et transformable à volonté (versatilité)
c) une écriture qui peut communiquer à la vitesse de la lumière
(vitesse)
d) une écriture qui peut accumuler des informations presqu'à
l'infini dans des espaces de plus en plus réduits (volume)
e) une écriture universelle: multimédia et multisensorielle, capable
de représenter toutes les écritures alphabétiques ou pictographiques
du monde et, pratiquement, tous les autres phénomènes observables
par l'humain, répandue sur l'ensemble de la planète et en faisant de
cette planète un “village universel”.
6. Vers une humanité transformée, un processus de résurrection
est-il en cours?
7. En guise de conclusion