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Incarnation et Résurrection de la Parole
Causerie du Fr. R.-Ferdinand Poswick, o.s.b., pour les amis de la Maison de la Bible à Rixensart, le 21 septembre 2014
1. Mon Credo
2. Comment connaissons-nous ce Dieu philanthrope?
3. Hominisation et humanisation
4. L'écriture alphabétique, vecteur de la révélation, mène à l'incarnation du Verbe
L'écriture alphabétique est née il y a près de 3.500 ans à Babylone. Elle a, très progressivement, remplacé des modes de communication et de mémorisation de type pictographique: hiéroglyphes (tels qu'on les trouve toujours dans l'écriture chinoise): des “dessins sacrés” selon le sens des mots grecs “hieros” et “glyphos”. Dessins sacrés qui précèdent l'Écriture sainte?
L'écriture alphabétique est en réalité une sorte de sténographie représentant les sons prononcés: B = “Bé, Be”, comme dans le mot Beith dans les langues sémitiques au sein desquelles cette façon de représenter la parole humaine s'est développée. Beith a été choisi pour représenter le “B” et le son qui y correspond parce qu'il faisait partie des mots simples de tous les jours. Et la classification créée des différents signes pour représenter les différents sons (par exemple “Maïm”, “les eaux” pour “M”) est presque totalement arbitraire. Désormais ce sera donc les sons que l'on représente (les “ phonèmes ” disent les linguistes). C'est un peu comme une notation musicale. Il faudrait donc parler plutôt d'écriture alphaphonétique.
Ce système d'écriture, à partir de ses racines sémitiques, s'est diversifié tout autour de la Méditerranée. Il a donné naissance à presque tous les “alphabets”: le grec qui commence par “alpha-bêta”… et puis tous les autres: copte, phénicien, arménien, syriaque, éthiopien, arabe, arménien, latin, cyrillique, etc.
C'est au temps de l'Exode et de Moïse que l'hébreu carré, ancêtre direct des caractères hébreux que nous connaissons encore aujourd'hui, a commencé à se fixer. Saintes Écritures! C'était la révolution dans la communication qui a permis d'écrire l'histoire, mais qui a probablement permis aussi à l'humain, grâce à l'abstraction que suppose son maniement, de concevoir le Dieu unique comme le suggère Régis Debray (Dieu, un itinéraire, Paris, éd. Odile Jacob, 2001). En effet, la synthèse entre l'image et le mot se fait désormais dans notre cerveau et non plus en projetant l'élément à communiquer dans une image (hiéroglyphe, pictogramme, représentant la réalité que l'on voit: bœuf, oiseau, maison, eau, etc.). L'adoption de ce nouveau moyen de communication aurait-il un lien avec le rejet puissant des “images” (“eidolè”, idoles en grec: “Tu ne feras pas d'image” Exode 20.3-4 – juste avant les 10 commandement en Exode 20.7-17) dont témoigne la Torah?
Ce qui est certain, c'est que l'Ecriture alphabétique a été sacralisée. Le rôle des Scribes est devenu majeur et la minutie sacrale qui présidait (et préside toujours) à la rédaction manuelle du texte des Saintes Écritures est devenu un élément de la “religion” dans le Judaïsme.
Ce type d'approche de l'écriture alphabétique sera proprement divinisé pour ce qui regarde le Coran. Deux cheiks chargés d'imprimés des Corans pour les pèlerins qui venaient à Médine sont venus me voir à Maredsous dans les années '80. Ils avaient appris que nous traitions de l'arabe informatiquement et ils venaient voir si nous n'avions pas la possibilité de les aider. En effet, une fois le texte du Coran gravé (manuellement) sur les platines cuivrées qui serviront pour l'impression, on ne peut plus toucher au texte et la platine est considérée comme sacrée. S'il y a eu une faute à la gravure, toute l'édition est à mettre au pilon! N'y avait-il donc pas une façon de repérer, automatiquement et sans toucher à la platine, les fautes sur les platines avant de passer à l'impression de façon à pouvoir éliminer la plaque fautive et la faire refaire avant l'impression? Malgré les pétro-dollars annoncés, nous n'avions malheureusement pas les compétences d'ingénierie nécessaires pour résoudre ce problème!! Mais le caractère “sacré” attribué à une écriture alphaphonétique (que l'Islam prétend venir directement du doigt de Dieu), est bien présent.
Pour la tradition judéo-chrétienne, malgré tout le respect pour la “lettre” du texte, un respect que Jésus soutiendra à sa manière (“ ciel et terre passeraient plutôt qu'un iôta de la Loi, Matthieu 5.18), le cœur essentiel de l'enseignement biblique ne se trouve ni dans les images, ni dans les textes, ni dans les rituels, il se trouve dans l'amour de Dieu et du prochain (Matthieu 22.36 et les textes parallèles). Et tout le développement de ce que la théologie appellera la “révélation” amène à une réalité précise: l'incarnation de la Parole (de l'Expression divine du divin) en une personne concrète, Jésus de Nazareth.
Le Dieu auquel croient les judéo-chrétiens est donc un Dieu qui révèle à l'humanité qu'il veut la “sauver”, donc lui donner son sens ultime, à travers l'humanité elle-même. Il entre dans l'humanité (c'est cela l'incarnation). Il la vit entièrement jusqu'à la mort en Jésus de Nazareth. Et, pour les croyants chrétiens, il ressuscite cet homme Jésus pour en faire la tête d'un développement de l'humanité qui mène celle-ci tout entière, “en corps”, à la résurrection.
Réalité difficilement concevable, mais que l'humanité médite et cherche à comprendre et à réaliser depuis plus de 2.000 ans à travers tous les “témoins” de la résurrection.
Ne sommes-nous pas arrivés, avec l'écriture électronique, à une mutation d'humanité qui va permettre à celle-ci de prendre plus clairement conscience de son être en mouvement de résurrection?
5. L'écriture numérique, signe d'une mutation
6. Vers une humanité transformée, un processus de résurrection
est-il en cours?
7. En guise de conclusion