Mes pensées en dialogue avec celles de Blaise Pascal (2)
Février 2022
Introduction
Je poursuis donc mon dialogue avec certaines Pensées de Blaise Pascal.
Ma sélection de Pensées de Pascal semblera arbitraire aux yeux des vrais connaisseurs de Blaise Pascal… mais j'avoue n'avoir pas pu prendre le temps de fonder de façon critique les choix de ce Florilège en dialogue.
Le regroupement des Pensées ainsi discutées indique tant soit peu mes angles de réflexion.
Je me plais aussi à signaler aux amateurs de Blaise Pascal, l'excellent petit livre de Laurent Lemire,
La machine de Pascal, Bernard Grasset, Paris, 2021 (novembre), 144 pages qui montre en 10 petits chapitres comment la “pascaline” ne fut pas seulement une invention précoce et géniale, mais un vrai souci entrepreneurial et scientifique qui structurera la pensée de Pascal tout au long de sa vie.
Thèmes retenus et regroupements effectués
1. La nature de l'intelligence humaine
Janvier 2022
2. La communication et les signes qu'elle utilise
Février 2022
3. La conscience, le cœur, l'esprit, la mémoire
Mars 2022
4. L'anthropologie et la place de l'humain dans l'univers – l'action parfaite
Avril 2022
5. La connaissance de Dieu et l'Écriture Sainte
Mai 2022
6. Diversité et convivialité: Islam et Judaïsme
Mai 2022
7. La “révolte” de Pascal et la Vérité
Mai 2022
8. Le Credo de Pascal
Mai 2022
2. La communication et les signes qu'elle utilise
2.1. Éloquence et empathie
Pascal 9 (401) et 10 (201)
Comment montrer à un autre qu'il se trompe: d'abord tenter de voir comment lui voit et reconnaître cette vision, car, effectivement, il peut y avoir, au sens presque physique, des “points” de vue différents. Et avouer que l'on croit plus à ce que l'on a trouvé soi-même.
Pascal 15 [130]
…une correspondance qu'on tâche d'établir entre l'esprit et le cœur de ceux à qui l'on parle d'une côté, et, de l'autre les pensées et les expressions dont on se sert… ce n'est pas assez qu'une chose soit belle, il faut qu'elle soit propre au sujet…
À la racine-même de la communication on
trouve, très naturellement – mais cela ne va
souvent pas de soi dans la pratique! –,
l'attention à l'autre (Autre) sans laquelle,
par la nature des choses et par définition,
il n'y a pas “communication” (un mot qui
est de la même racine que “communion”,
c'est-à-dire : quelque chose qui unit
“émetteur” et “récepteur”).
Le
problème est, la plupart du temps, dans la
façon d'entendre ou de recevoir ce que
l'Autre communique et qui, malheureusement,
se réduit, dans beaucoup de cas à ce qu'il
“est” (c'est-à-dire : à sa façon d'agir,
d'être “présent”, de parler, de ses
difficultés à s'exprimer ou à exprimer son
“point de vue” que l'on pourrait même
croire inexistant souvent!).
2.2. La force du “verbe”, du “mot”
Pascal 50 [225]
Un même sens change selon les paroles qui l'expriment. Les sens reçoivent des paroles leur dignité, au lieu de la leur donner. Il en faut chercher des exemples.
La Communication
et ses pièges!
L'emballage fait passer le
cadeau, voire fait croire qu'il s'agit d'un
cadeau!
Si je communique une vérité avec
beaucoup de mots, je puis la noyer.
Un
superbe discours peut être du baratin pur et
n'apporter aucun élément concret, c'est bien
connu en politique ... le beau discours peut
même détourner de la vérité.
Peut-on
aller plus loin et appliquer cette vision à
tout ce qui constituerait une formalisation
trop grande menant à un discours crypté tel
qu'on en trouve dans la Science ou tel que
peut se présenter ou être lu le Dogme par
rapport à la Parole de Salut?
On
rappellera une des rares “vérités”
recueillie de la bouche de Mgr André-Mutien
Léonard, évêque de Namur, puis Primat de
Belgique: le Dogme c'est comme l'écorce de
la vérité de Foi: pour goûter la noix, il
faut casser l'écorce!
Ceci souligne donc
la valeur cruciale (au sens presque originel
du mot crucial/croix) du mode d'expression.
Seule la croix pouvait dire ce que le Dieu
des Chrétiens a voulu dire aux humains.
En régime de chrétienté, cela doit
s'appliquer non seulement au Dogme, mais
également à la Liturgie, au Droit canon et à
tout mode d'expression du message.
2.3. Les langues sont des chiffres
Pascal 45 [10]
Les langues sont des chiffres, où non les lettres sont changées en lettres, mais les mots en mots, de sorte qu'une langue inconnue est déchiffrable.
Pascal 678 [15] et 683 [29]
Les prophéties ou autres écrits de la Bible considérés comme un chiffrage (un code)
Figures: La lettre tue; tout arrivait en figures. Voilà le chiffre que Saint Paul nous donne. Il fallait que le Christ souffrit. Un Dieu humilié. Circoncision du cœur, vrai sacrifice, vrai temple. Les prophètes ont indiqué qu'il fallait que tout cela fut spirituel.
Pascal 691 [31]
Le Vieux Testament est un chiffre.
Cette vision de Pascal est à rapprocher
du dossier de cryptologie pascalienne telle
que l'a mise en valeur par le P.
Pierre-Maurice Bogaert à propos d'un
code cryptologique qui aurait été créé par
Blaise Pascal.
Interchangeabilité des
“codes”: quel est le code le plus
efficace, la langue qui parle de la façon la
plus évidente, la plus compréhensible? On a
souvent vanté la limpidité et la clarté de
la langue française.
La réflexion en ce
domaine devrait envisager toutes les
implications d'une telle vision non
seulement pour l'expression tout court, mais
pour l'expression scientifique,
philosophique, théologique: ce sont toutes
des “langues” ... et, dans cette
perspective, quelle est la langue, les
“mots” (et non les “caractères”) de Dieu
s'il est Parole?
Voir aussi, dans ce
contexte le texte de Blaise Pascal 789 [45]
où Jésus-Christ, expression de Dieu, est
considéré comme une “transsubstantiation”
de l'expression humaine, effectuant une
“présence réelle” de la Parole de Dieu
(comme pour le pain et le vin dans
l'eucharistie) – et cela, au-delà ou en-deçà
de la matérialité des mots, de la syntaxe,
de la sémantique, des éléments analysables
(comme la composition physique du pain ou du
vin) mais non “divine” sans la Foi.
suite au prochain numéro