Il est temps!

Avril 2022

Si l'on peut faire remonter une réflexion chrétienne sur le développement de la culture informatique (numérique) dans le domaine francophone à Georges Bernanos (La France contre les Robots, 1947) ou à Jacques Ellul (La Technique: enjeu du siècle, 1954)… avec des initiatives pionnières dans l'action (Informatique & Bible, 1970), dans l'enseignement (Institut d'Informatique des FUNDP de Namur, 1970-71) ou dans la réflexion sociétale (Journées de Réflexion sur l'Informatique, Namur, 1982). Mais les premières affirmations ecclésiales catholiques sur ces sujets se trouvent dans le message du 24 janvier 1990 du Pape Jean-Paul II à l'occasion de la Journée Catholique des Médias sous le titre: Message chrétien et culture informatique actuelle. Ce texte est à relire et met en relief la timidité des réflexions que je présente ci-dessous… 30 années plus tard! 

Le numérique provoque (enfin?!) des questionnements jusque dans les cercles ecclésiaux catholiques les plus “classiques”. À preuve, le numéro 3752 du 14 janvier 2022 du magazine France Catholique. L'image de couverture a saisi la calotte violette d'un évêque dont on perçoit, par dessus son épaule, qu'il prend une photo avec son smartphone au cours d'une réunion à laquelle participent, devant lui, des “calottes rouges” (cardinaux)! Le titre sur cette photo: “Face à l'empire du numérique. L'urgence de l'intériorité”.
Les contenus sur ce sujet couvrent les pages 12-17 et 28-29 avec les titres suivants:
- “Les dangers du numérique – L'être humain se coupe du spirituel” (se référant au livre récent de Robert Redeker, Réseaux sociaux: la guerre des Léviathans, Le Rocher, 2021, 280 pp).
- “Comment résister à l'envahissement?” signé par Véronique Jacquier et rendant compte du livre d'Antoine Vidalin, Personne [voir Février 2022, Veille spirituelle].
- “Les Métavers – Opportunité ou menace?” Par Guillaume Bonnet.
- “Demain vivrons-nous dans MATRIX?” Par Frédéric Guillaud (qui recommande la lecture de Michel Desmurget, La Fabrique du Crétin Digital [voir Novembre 2020, Veille technologique].

Robert Redeker “décrit un inquiétant transhumanisme, face auquel la résistance ne peut être que spirituelle” (p. 12). Et encore: “L'habitation du futur est faite de transparence, d'espace ouvert, tout est lisse à l'image d'un homme devenu une surface: un corps sans épaisseur, sans profondeur, sans recoin caché. Il n'écrit plus, il ne pense plus, il communique. Il accepte de tout déléguer à des machines, en commençant par son téléphone qui devient une partie de son cerveau” (p. 12). Et encore: “Avec la fin de l'intériorité disparaît l'âme” (p. 13). Cette emprise du numérique est comparée, voir assimilée au pire totalitarisme que l'humain ait rencontré dans toute son évolution historique (p. 14).

Plus loin, on retient, à partir de la lecture du livre d'Antoine Vidalin que “Le numérique conduit à la désincarnation puisque la chair dans sa matérialité sensible est court-circuitée” (p. 16). Quant au Métavers (un univers “meta” = “autre”) proposé depuis le 28 octobre 2021 par Mark Zuckerberg pour tenter de sauver l'image de Facebook mise à mal de différents côtés: “comment peut-on imaginer que les métavers ne connaîtront pas les mêmes dérives que connaît l'Internet, mais de manière démultipliée: virtualisation complète des relations humaines, pillage et exploitation des données personnelles, prolifération des contenus toxiques, …sans compter, enfin et surtout, l'impact anthropologique d'une technologie ayant totalement évacué le réel au profit du virtuel, et dont l'âme pourrait être la première victime” (p. 17).

C'est bien là la parabole du film et de la série MATRIX évoquée plus loin: un modèle imaginaire mais vers lequel la masse humaine, manipulée par le Capital, se laisse entraîner: “occuper l'esprit du consommateur en permanence… pour que l'être humain devienne le carburant de l'économie [numérique]” (p.28-29).

Au total donc, une présentation globale plutôt alarmiste. La seule note qui donnerait une vision plus positive – mais n'est-elle pas un peu mièvre? – est celle de l'image d'un vrai humain, Carlo Acutis, jeune italien décédé à l'âge de 15 ans (1991-2006) et béatifié le 10 octobre 2020: un geek qui a mis toute sa passion et sa compétence au service des communautés chrétiennes de sa paroisse de Milan (sites webs, base de données des “miracles eucharistiques” reconnus par l'Église, etc). Une reconnaissance ecclésiale qui annoncerait un “printemps ”?

On peut en effet s'étonner de voir que l'on en est encore aux premières réactions (justifiées) de méfiance, de prise de conscience et de peur panique!

Quelles seraient les pistes d'utilisation des technologies numériques qui rencontreraient le vrai développement de l'humain et de l'humanité tels qu'ils se dégagent de plus de 3000 ans de foi abrahamique confirmées par l'incarnation du Dieu d'Abraham en Jésus de Nazareth ouvrant la voie à une humanité ressuscitée?

Dans une “Veille spirituelle” ultérieure que je me propose de présenter, avec commentaire actualisé, les questions que j'avais déjà posées sur ces sujets aux évêques européens responsables des Médias en 1983 (il y aura bientôt 40 ans!) …et qui furent au cœur des Journées de Réflexion sur l'Informatique que le Centre Informatique et Bible de Maredsous avait organisées en collaboration avec l'Institut d'Informatique des Facultés Universitaires Notre-Dame de la Paix à Namur en 1982 (il y a 40 ans!).