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Interface n° 129 Décembre 2012
La question de l'eucharistie quotidienne: une difficulté qui
invite à une réflexion profonde
(Monastère d'Ermeton, 17-20 septembre 2012)
Réponse au Questionnaire
Le sous-signé ne peut évidemment pas parler «au nom de» la Communauté de Maredsous. Et, pour celle-ci, jusqu'à présent, la question se pose plutôt dans l'autre sens: faut-il encore et pourra-t-on toujours envoyer des prêtres pour célébrer l'eucharistie à Ermeton ou à Maredret?
À titre personnel, par ailleurs, je plaide depuis très longtemps pour que l'eucharistie quotidienne ne soit pas une sorte d'absolu. La tradition monastique conserve au fond d'elle-même, et au-delà des différentes couches de cléricalisation dont elle est l'héritière, ce riche lien avec les premières communautés chrétiennes qui se réunissaient pour célébrer la résurrection au premier jour de la semaine, le Jour du Seigneur, en partageant le pain (et le vin) eucharistiquement avec la conscience de faire croître ainsi le Corps ressuscité du Christ. La communion ou l'union personnelle au Christ étant, par ailleurs, le critère suprême qui justifie toutes les formes d'érémitisme, de célébrations non-rituelles ou non-cléricales de l'unique double commandement de l'amour où se résume toute la Loi et les Prophètes qui sont faits pour l'humain et non le contraire!
J'ai donc souvent prôné, ici à Maredsous, - mais en criant dans le désert! - que l'on commence par équilibrer les choses en créant au moins «un» jour a-liturgique par semaine. Par exemple le Samedi, à l'exemple du Grand Samedi de la Semaine Sainte.
Mais je pense qu'il faut aller beaucoup plus loin pour rejoindre aujourd'hui un grand nombre de situations où les «laïcs» se retrouvent sans «prêtres» à leur disposition! Cette pauvreté devrait pouvoir être vécue comme une richesse spirituelle, obligeant ces «laïcs» à vivre entre eux le grand sacrement de la communion qui fait croître le Corps du Christ: «lorsque 2 ou 3 sont rassemblés en mon nom, je suis au milieu d'eux» (présence réelle!). Le lavement des pieds pourrait, dans ce cadre, redevenir un vrai sacrement, au-delà d'une histoire sacramentelle qui a privilégié le partage du pain (et du vin) – en les matérialisant d'ailleurs tellement en froment et raisin qu'on en a exclu le simple partage de nourriture et de boisson qui est pourtant la base universelle de la première «charité»!
Le programme de la session d'Ermeton me semble aller tout à fait dans cette direction. Une vraie «laïcisation» du mouvement liturgique relancerait celui-ci au plus grand profit de tous les non-clercs, c'est-à-dire, de l'immense majorité du Peuple de Dieu dont Vatican II a promu la participation active et plénière comme participation à l'unique acte sacerdotal et sacrificiel qui est celui de Jésus.
Ce serait bien dans la tradition de la communauté d'Ermeton. Mais je crains que Maredsous ne puisse pas être d'une grande aide dans cette orientation avant longtemps!!
Fr. R.-Ferdinand Poswick, o.s.b.