Des propos qui valent pour tous
Novembre 2024
Quelques propos venant du Pape ou du Vatican (avec l’aval du Pape François donc) me semblent valoir une mention plus qu’honorable et un appel à en prendre intégralement connaissance, car, parmi les voix, souvent discordantes, ou devant l’absence de “voix” sur les grands problèmes de notre humanité planétaire, il me semble que, sans “bondieuseries”, ces propos méritent l’attention de tous et de chacun et un appel à prendre ses responsabilités !
Le Climat — Fratello Sole
Sous ce titre le Pape François a informé le 21 Juin
2024 que l’État du Vatican investissait désormais dans un champ de capteurs
photovoltaïques sur des terrains au Nord de Rome qui appartiennent au Vatican
afin que toute l’énergie consommée dans l’État du Vatican soit, dès que
possible, entièrement basée sur une source d’énergie renouvelable.
Un
exemple de prise au sérieux des recommandations face aux risques climatiques
pour la planète!… même si le tout petit État vaticanais peut se permettre ce
geste!
La Culture
Lettre du Pape François sur le rôle de la littérature dans un authentique développement humain
Publiée en 8 langues (dont l’arabe) dans le site du Vatican, cette Lettre a été publiée le 17 Juillet 2024.
Elle encourage d’abord les jeunes en formation (et particulièrement les “séminaristes” ou “religieux” en formation) à “lire”… et pas seulement la Bible ou des ouvrages de piété, mais à plonger franchement dans la “littérature” dont le “roman” constitue, pour le Pape François, la ressource la plus importante et la plus accessible.
Contrairement aux médias audiovisuels où le produit est plus complet et où la marge et le temps pour enrichir le récit et l’interpréter sont généralement réduits, le lecteur est beaucoup plus actif dans la lecture d’un livre. (n° 3)
Cela m’amène à apprécier très positivement le fait que, au moins dans certains séminaires, l’on dépasse l’obsession des écrans – et des fausses nouvelles empoisonnées, superficielles et violentes – pour consacrer du temps à la littérature, à des moments de lecture sereine et gratuite, et à parler de ces livres, nouveaux ou anciens, qui continuent de nous dire tant de choses. (n° 4)
Nous devons tous veiller à ne jamais perdre de vue la “chair” de Jésus-Christ: cette chair faite de passions, d’émotions, de sentiments, de récits concrets, de mains qui touchent et guérissent, de regards qui libèrent et encouragent, d’hospitalité, de pardon, d’indignation, de courage, d’intrépidité: en un mot, d’amour.
Et c’est précisément à ce niveau qu’une fréquentation assidue de la littérature peut rendre les futurs prêtres et tous les agents pastoraux encore plus sensibles à la pleine humanité du Seigneur Jésus, dans laquelle se répand pleinement sa divinité… (n° 14-15)
Borges expliquait cette idée à ses étudiants en leur disant qu’au début ils ne comprendraient peut-être pas grand-chose à ce qu’ils liraient; mais, en tout cas, ils entendraient “la voix de quelqu’un”. C’est une définition de la littérature que j’aime beaucoup: écouter la voix de quelqu’un. Et n’oublions pas combien il est dangereux de ne plus écouter la voix de l’autre qui nous interpelle! On tombe immédiatement dans l’auto-isolement, on entre dans une sorte de “surdité spirituelle” qui affecte aussi négativement notre relation avec nous-même et notre relation avec Dieu, quelque soit la théologie ou la psychologie que nous avons pu étudier. (n° 20)
Une autre belle image pour dire le rôle de la littérature vient de la physiologie du corps humain et en particulier de l’acte de digestion. Ici, son modèle est la ruminatio de la vache comme l’affirmaient le moine Guillaume de Saint-Thierry au 11e siècle et le jésuite Jean-Joseph Surin au 17e siècle. Ce cernier parle de “l’estomac de l’âme” et le jésuite Michel de Certeau a évoqué une véritable “physiologie de la lecture digestive”. La Littérature nous aide à dire notre présence au monde, à la “digérer” et à l’assimiler en saisissant ce qui va au-delà de la surface du vécu; elle sert donc à interpréter la vie en discernant ses significations et tensions fondamentales. (n° 33)
Bref, un appel au réalisme de notre condition charnelle sans laquelle toutes nos “bondieuseries” risquent de n’être que “bondieuseries” !!
La finance
Deux textes récents du Vatican méritent l’attention
dans le domaine de la finance internationale dont on sait qu’elle commande et
gouverne presque toute l’économie mondiale, et, par ce biais, les politiques
nationales et internationales.
Ces textes ont fait l’objet d’une Journée de
Réflexion (Samedi 31 août 2024) organisée par les Oblats de l’Abbaye de
Maredsous, sous le titre “Dieu et l’argent” , avec la participation de
Jean-François Steurs, Expert-Comptable, Étienne de Callataÿ, Financier
international, et, Fr. R.-Ferdinand Poswick qui a présenté ces textes du
Vatican.
Œconomicae et Pecuniariae Questiones (Questions économiques et financières), avec en sous-titre: “Considérations pour un discernement éthique de certains aspects du système économique et financier actuel” publié par la Congrégation pour la Doctrine de la Foi en collaboration avec le Dicastère pour le Service du Développement Intégral, le 6 Janvier 2018.
La référence récurrente à la “crise financière récente” et la mise en évidence du caractère peu “moral” de la crise des sub-prime indique que le document a été créé comme réaction de l’Église catholique par rapport à cette crise financière et économique mondiale des années 2007-2008.
Il s’agit d’un document de 14 pages (+ 4 pages de références) qui prend réellement et intelligemment la mesure de la financiarisation mondiale et qui tente de proposer des développements humanistes (ou chrétiens) aux risques planétaires que la financiarisation à outrance engendre!
Dans une première partie, le
document donne quelques bases anthropologiques:
• le caractère
fondamentalement relationnel de l’être humain qui est le socle de toute éthique
d’action (4/18)
• la nécessité que ces notions éthiques soient à la base de
tous les engagements dans ces domaines de l’économie et de la finance (avec un
jugement très sévère sur une évaluation de ces domaines uniquement en termes de
Produit Intérieur Brut (PIB) – alors que le Christianisme, et le principe
relationnel de l’humain, appelle la Règle d’Or: faire à autrui ce que l’on
voudrait pour soi.
Face à cette vision de base, le Document analyse une
série de dangers liés à ce qu’il appelle “l’industrie financière” (5/18):
•
Danger d’une financiarisation déconnectée de l’économie réelle qui devrait être
son premier objectif
• Danger pour le “travail” face à un capital
“déconnecté”
• Danger d’une mondialisation de la financiarisation liée à la
numérisation.
Et, comme tout cela se tient, il faut regarder l’ensemble comme un grand organisme vivant dont on doit veiller à la “bonne santé” (n°18):
Le marché financier doit se baser sur des présupposées anthropologiques et éthiques qu’il n’est pas en mesure, à lui seul, de donner ou de produire (n°23, p. 9/18). Cela demande une “culture d’entreprise” réellement “humaine”.
Ce qui amène à quelques suggestions pratiques
pour une saine gestion de la finance:
• Création de Comités d’éthique dans
les banques ou les firmes qui gèrent des finances.
• Évaluation critique des
“Agences de Notation” dont les avis favorisent les tendances d’investissement
• Élimination des CDS (Credit Default Swap) qui spéculent sur les faillites
• Contrôle des taux d’intérêts
• Lutte contre les Shadows Banking Systems,
les marchés Off Shore et les Paradis fiscaux
• Exigence de transparence dans
toutes les opérations avec pénalisation de ceux qui détournent les finances de
leur utilisation dans l’économie réelle
• Conseil fait à tous et à chaque
“particulier” d’encourager, par son utilisation de l’argent, les bonnes
pratiques (“voter avec son portefeuille” selon un mot du Pape François).
Mensuram Bonam [La Bonne Mesure] a été publié le 10 Novembre 2022 par l’Académie Pontificale des Sciences et des Sciences Sociales et signé par le cardinal Peter Turkson (qui signait aussi le document précédent au titre de son Dicastère). Mensuram bonam
Ce texte donne l’impression d’être un dossier préparé en
parallèle du texte de 2018, mais qui n’y aurait pas trouvé place.
Il se
présente un peu comme un catalogue des investissements “bons” ou “mauvais”.
Le document développe (pp. 33ss) des conseils pour un engagement direct ou
actionnariat actif.
Un Appendice (pp. 45-47) met en garde contre des
investissements qu’il faudrait exclure:
1. qui iraient contre la dignité de la
vie humaine;
2. qui conduiraient à des abus ou des addictions;
3. qui
auraient un impact sur un développement durable;
4. qui iraient contre la
protection de l’évolution climatique.
Fin de Vie — Humana Communitas, Piccolo Lessico del Fine-Vita
Ce texte proposé en Septembre 2024 par Mgr Paglia et l’Académie Pontificale pour la Vie, n’existe à ce jour que dans sa version italienne.
Il fait le tour
des différentes problématiques autour des discussions sur la “fin de vie”.
Il ouvre donc la discussion sur ces sujets en présentant alphabétiquement les
différents termes/thèmes du domaine: Accompagnement, autonomie, Coma ou vie
végétative, Crémation, Soins Palliatifs, Dispositions anticipées, Douleur et
soulagement de la douleur, Don d’organes, Euthanasie, médecine intrusive,
médecine néonatale, mort, nutrition artificielle, proportionnalité des
traitements, etc.
Tout en donnant chaque fois clairement la position de
l’Église catholique, ces textes rassemblent les avis et perspectives diverses.
L’Introduction annonce qu’une prise en compte ultérieure examinera les
différentes législations ou prises de positions de différents pays qui
discutent démocratiquement de ce sujet.
Conclusion personnelle
Il m’a semblé intéressant de noter cette ouverture d’une des grandes voix de l’humanité qui se cherche aux problèmes réels des humains sur notre planète aujourd’hui!