Écoutons les (vrais) prophètes: Jacques Ellul en fut!
Juillet 2020
Je reviendrai certainement sur la figure et le message de Jacques Ellul (1912-1994). À mon invitation, il était venu parler aux premières Journées de Réflexion sur l'Informatique (JRI) organisées par Jacques Berleur (†26.04.2020) à l'instigation du Centre Informatique et Bible de Maredsous en 1982.
En effet tout un numéro de l'hebdomadaire protestant Réforme (n° 3854, 11 juin 2020) lui a été consacré. Il annonce la publication par son fils et sa belle-fille, Yves et Danièle Ellul, d'une de ses œuvres majeures (plus de 1.000 pages de manuscrit) et jamais publiée à ce jour : L'Éthique de la sainteté!
De vieilles connaissances et amis de cet authentique prophète du monde en voie de technologisation rappellent les grandes lignes de sa très forte pensée, fondée sur le droit (qu'il enseignait à l'université de Bordeaux), sur les Saintes Écritures (dont il fut un intelligent commentateur et metteur en œuvre au sein du Directorat protestant français), sur l'analyse de l'empreinte technologique qui marque l'humanité (Le Système Technicien, 1977).
Patrick Chastenet, l'un de ses amis, souligne notamment ceci dans sa contribution à Réforme:
“Ellul avait très tôt repéré le phénomène de la mondialisation néolibérale en insistant sur ce qu'il appelait l'universalisation de la technique, qui faisait qu'à terme le monde serait de plus en plus unifié, mais aussi de plus en plus dépendant des experts. […] Au début des années 1950, il écrivait que “chaque habitant sera suivi dans toutes les étapes de sa vie, géographiquement, biologiquement, économiquement, et la police saura avec exactitude tout ce qui est nécessaire pour contrôler chacun”. En France ce pronostic fut accueilli comme une dystopie [utopie négative]. À l'heure de la géolocalisation, du traçage numérique, du big data et du capitalisme de surveillance, il peut devenir notre horizon. C'est la raison pour laquelle Ellul avait fait sienne la maxime d'Ortega y Gasset: “Exister, c'est résister”. Mais c'est aussi pourquoi il avait mis tout son cœur dans l'espérance oubliée.”
Cela devrait nous faire réfléchir concrètement sur la responsabilité culturelle, intellectuelle et spirituelle de tous ceux qui ont en main les outils d'une réflexion et d'une action sur l'avenir de l'humanité!
Comment éveiller l'esprit des digital natives pour qu'ils ne soient pas absorbés par La Fabrique du Crétin digital (selon le titre du livre de Michel Desmurget qu'on recensera dans une prochaine livraison)? Comment contribuer à la lutte pour une nouvelle attitude vis-à-vis de la gestion financière du monde dont parle, à la suite de Naomi Klein (Ne laissons pas les GAFAM contrôler nos vies) l'un des derniers numéros du Courrier International (1547, 25 juin-1er juillet 2020) sous le titre Le Numérique tout-puissant? Comment soulever ou appuyer la révolte des “Actionnaires” où se trouve l'un des plus puissants levier de ces évolutions comme le pensent des économistes de plus en plus nombreux (Jorion, Larouturou, Rifkin, Klein… dont on parlera aussi)? Intelligence et bêtise humaines doivent guider les gourous des algorithmes… car la conscience des limites est la porte de la sagesse!