Transhumanistes et post-humanistes veulent tous changer d'humanité!
Mai 2024
Partout on en parle, et les prévisionnistes informés sont de plus alarmistes tant sur la vitesse de développement des applications d'intelligence artificielle que sur les “choix” et les “dangers” liés à ces développements!
Transhumanistes et Posthumanistes cherchent tous à supprimer la mort. Les uns en faisant migrer l'intelligence humaine sur des puces de silicium gérée par des programmes (algorithmes) auto-régénateurs; les autres en augmentant l'intelligence humaine artificiellement et en assurant une pérennité aux éléments biologiques du corps humain!
Aucun des deux camps ne peut se satisfaire de l'idée qu'un jour l'Univers lui-même disparaîtrait! Et des deux côtés, c'est l'humain qui devient Dieu (Homo Deus)!
La valeur “humaine” et positive de la mort serait-elle une alternative?
La Recherche, Avril/Juin 2024, Intelligence Artificielle pp.16-71
Ce numéro de La Recherche fait le point sur les avancées de la recherche dans ce domaine de l'informatique la plus avancée à l'aide des réflexions de 16 chercheurs.
Un avenir qui transformera nos façons de faire et de penser.
Les limites de ces développements: absence du “bon sens” difficilement “programmable”!
L'emprise de la finance “privée” sur tous ces développements.
Les besoins d'éthique et d'encadrement légal.
Les modèles de “langues”.
L'édition scientifique.
Un nouvel outil pour le calcul scientifique.
Astrophysique, Réseaux de neurones, molécules, santé, programmation, archéologie, sciences sociales, etc!!
On retrouvera à peu près tous ces thèmes dans les ouvrages de Laurent Alexandre! L'article-interview de Yann Le Cunn (pp.20-23), français, pionnier de ce domaine, reste assez “réservé” sur les potentialités actuelles de l'IA: ”si l'on veut une IA qui puisse planifier des tâches, il leur faut appréhender un modèle du monde. Or cela ne fonctionne pas avec un système génératif. Ensuite les LLM (grands modèles langues) ne disposent pas de mémoire associative…”!
L. Alexandre, La Guerre des Intelligences à l'heure de ChatGPT, J.C. Lattès, mai 2023, 478 pp., ISBN 978-2-7096-7255-9
L. Alexandre, ChatGPT va nous rendre immortels, J.C. Lattès, avril 2024, 416 pp., ISBN 978-2-7096-7382-2
On est toujours dans ces avancées fulgurantes du développement des
programmes d'”Intelligence Artificielle”– une appellation, je ne me lasserai
pas de le rappeler, largement usurpée pour des programmes informatiques qui, à
la base, ne sont que du “Renseignement codé” (seule traduction correcte de
l'anglais Artificial Intelligence) traité à la vitesse de transfert de
l'électricité avec un code composé de Zéros (0) et de Uns (1) et que l'on peut
mémoriser sur des supports de plus en plus millimétriques, voir nanométriques,
supports accessibles planétairement par câbles ou satellites!
Avec
l'explosion de l'usage du téléphone portable ou des tablettes électroniques, la
très grande majorité des humains sur la planète est touchée par l'explosion
commerciale de ces immenses potentialités d'informations (…peu “contrôlées”)!
Cela fait basculer, même les plus attentifs et les plus critiques (comme le
Docteur Laurent Alexandre) dans le camp des post-humanistes, sinon dans celui
des trans-humanistes!
Les post-humanistes verraient bien une nouvelle
humanité très “améliorée” par rapport à celle de l'homo sapiens (dont
nous sommes les héritiers et représentants).
Les trans-humanistes pensent
que l'humanité pensante va se libérer de son corps pour s'implanter dans des
puces de silicium auto-régénératives qui géreront éternellement le futur
“immortel” de ce qui aura été l'humanité!
Ces deux volumes publiés à moins d'un an l’un de l'autre (mai 2023-avril 2024) doivent être lus dans la foulée l'un de l'autre et comme s'il s'agissait d'une unique recherche par le même Auteur qui nous avait déjà donné La mort de la mort en 2011, La Guerre des Intelligences en 2017 et L'IA va-t-elle aussi tuer la démocratie en 2019!
Tout en fustigeant les principaux promoteurs de l'IA aux États-Unis pour
leur obsession à tenter d'éviter ou à repousser la mort, l'Auteur malgré le
réalisme biologique auquel sa formation le contraint, se sent pousser de plus
en plus vers une position transhumaniste qu'il dit, par ailleurs, refuser en
faveur d'une position post-humaniste: trouver une immortalité en améliorant
l'humain et non en supprimant sa corporéité pour ne garder que l'esprit
“pensant” sur des supports de silicium (ou autres) qui seraient
auto-régénateurs et donc potentiellement “éternels”!
On voit clairement,
derrière toute cette recherche (très largement documentée), que l'on se trouve
devant un refus a priori de tout soupçon de “déisme” fut-il le plus
“scientifique” (comme celui de Pierre Teilhard de Chardin).
Dans un “Avertissement” que l'on trouve en tête des deux volumes, l'Auteur
tient à préciser que “pas une ligne de ce livre n'a été écrite par ChatGPT
(sauf les pp. 412-414 au second volume)”.
Il y rappelle que GPT (Generative
Pre-Trained Transformer) désigne la structure des algorithmes (programmes)
permettant des recherches sur de très larges bassins de données moissonnées à
toutes les sources accessibles (= “non-protégées) dans Internet et les Réseaux
Sociaux! (= simulation structurée de “réseaux de neurones artificiels” créés
par programme et pouvant générer d'autres structures du même type!!).
L'Auteur constate d’abord l'accélération du développement de ces programmes dits d'Intelligence Artificielle, une accélération de la “loi de More” qui stipulait la multiplication par 2 des capacités informatiques tous les 10 ans … et puis sur des temps de plus en plus courts! (Gordon Moore est décédé le lendemain du lancement de ChatGPT4!).
Si ces algorithmes rendent l'école/l'enseignement actuel obsolète et fait de milliards d'humains connectés la matière première de ce nouveau “capitalisme de la connaissance”, lequel fait et fera de plus en plus la loi (code is law) – volume 1, pp. 42-105 – l'Auteur dénonce une attitude timorée de l'Europe qui tente de se protéger légalement au lieu d'investir dans le développement de ses propres outils dans ce domaine qui est actuellement dominé et financé par et pour les GAFAM (USA) et les BATX (Chine) – volume 1, pp.158-194).
La résistance des “Écolos” de tous poils (Greta Thunberg en tête) distrait,
selon l'Auteur, de la vraie et nécessaire évolution en cours et sert une
divinité (Gaïa) aussi illusoire que toutes les autres, car, pour l'Auteur,
l'avenir est à l'Homo Deus selon le titre emprunté à
l'ouvrage de Y.N. Harrari, Homo Deus: a Brief History of Tomorrow,
2015 – volume 1, pp. 197-224.
Face à ces évolutions, l'Auteur prône avant
tout une réforme de l’école et de l'éducation. Elle devrait se faire à pas
forcés pour ne pas prendre le risque d'une humanité devenant l'esclave d'une
grande machinerie - volume 1, pp. 258-436… un thème qui fait penser à tout ce
qui fut déjà dit par Georges Bernanos dans La France contre les robots en
1950!!
Il faut que cela soit mis en place avant 2030 et se développe avec
toutes les conséquences sociales (chômage généralisé; revenu universel; et
autres) d'ici 2060!
Mais pour l'Auteur, il faut que trois composantes soient
respectées et développées: le corps, l'esprit et le hasard (volume 1 – p. 407)…
mais il rejette l'idée de “noosphère” de Pierre Teilhard de Chardin dans
laquelle il voit (erronément?) comme une fusion inadmissible des consciences!
L'Auteur verrait plutôt l'avenir dans une fusion de l'IA avec l'humain qui
ferait devenir l'humain un Homo Deus (volume 1, pp. 434-436)… tout en
concluant qu'il manque vraiment un “Théologiciel” (volume 1, p. 439)!
Le volume d'Avril 2024 – (nous sommes dans le début de Mai 2024 quand
j'écris ces lignes) – confirme une position de l'Auteur qui serait plus
post-humaniste que transhumaniste. Car, sans jamais le citer (trop “catho”?) le
vertige pascalien d'un Univers sans borne (les deux infinis qui donnent le
vertige et le sens de sa petitesse à Blaise Pascal), mais surtout d'un Univers
qui pourrait “se terminer” – fut-ce dans des milliards d'années – semble
inacceptable pour un esprit bien fait et en pleine conscience d'humanité!
Pour cette raison le transhumanisme (= une autre forme d'humanité) n'est plus
un “choix”, mais une “nécessité” - volume 2, pp. 185ss.
Si l'Auteur craint
que la finance internationale ne fasse de cet avenir un enfer Fasciste plutôt
qu'un paradis égalitaire – volume 2, pp. 241ss – il écrit, avec son fils Thomas
Alexandre, un chapitre sur L'avenir (qui) sera post-humain ou ne sera pas
– volume 2, pp. 307Ss – où il évoque une sorte de “divinisation” de
l'humanité (peut-être pas de façon un peu naïve et traditionnelle comme
l'Église Way of the Future fondée par Anthony Levandowsky en 2015) –
volume 2, pp. 346-347!
Quelques traits conclusifs de ce livre
Modifier le destin de l'univers supposerait un consensus futur de l'humanité sur l'absence de Dieu. Il est, en effet, peu probable que des croyants adhèrent à un tel projet démiurgique. Cette interrogation ouvre la voie à un questionnement vertigineux: si nous pouvons fabriquer après-demain des univers, le nôtre pourrait aussi être la création d'une civilisation de démiurge. C'est la conviction d'Elon Musk, qui est persuadé que nous vivons dans une simulation. […] Le plus qu'humain mène à n'être plus humain. Le trans-humain sera le marchepied du post-humanisme. Pour survivre à la fin des temps, on n'aura pas d'autre choix que de devenir dieu à la place de dieu. Sacrilège ultime qui clôt la boucle commencée par la transgression prométhéenne. Au fond, c'est sans doute pour cela que Zeus en voulait à ce pauvre Prométhée: il savait bien où menait la première technologie. Au coup d'État final sur l'Olympe. (volume 2, pp. 30-381)
Et la Conclusion de l'Auteur
Je ne suis ni transhumaniste, ni post-humaniste, mais un sceptique fasciné par un spectacle de mon temps. Le seul procès qu'on peut me faire, à la rigueur, est le pessimisme. […] Les milliardaires du numérique pensaient que l'IA allait tranquillement faire reculer la mort. La dynamique actuelle nous mène à vive allure vers un monde de post-humains immortels mais dépourvus de corps biologiques. (volume 2, p. 383)
Ma conclusion personnelle
Il y a lieu de prendre très au sérieux
toute l'information apportée de façon “lisible par tous” par Laurent Alexandre.
Comme “Chrétien croyant” je serais moins pessimiste que l'Auteur en m'étonnant
que son constat de la nécessité biologique de la mort pour que la vie se
développe ne l'ait pas logiquement mené à une réflexion sur les vertus de la
mortalité pour qu'une meilleure vie se développe! L'embryogenèse, et
particulièrement celle du cerveau humain, montrerait peut-être des voies
d'avenir pour toute l'humanité en cours d'unification (et donc, d'accord avec
lui) un avenir proche de transformations majeures incluant le sauvetage de
notre enracinement sur la planète Terre et dans des corps destinés à un futur
encore lointain (car la mort sera le dernier élément qui sera éliminé par le
développement de la Vie – voir I Corinthiens 15.26).