Peut-on sauver l'humanité et la planète de l'enfer numérique et financier?
Mars 2022
Il faut prendre conscience que l'enfer n'est pas dans la numérisation généralisée et foudroyante des relations et des activités humaines, mais dans la monopolisation des profits par quelques oligarques planétaire sans empathie ni pour leurs semblables, ni pour l'écosystème planétaire dont ils extorquent ces profits abusifs … et finalement appauvrissant pour la plus grande masse d'humains! Nos lectures antérieurs pointent toutes dans cette direction, mais la convergence de faits vérifiés dans trois livres récemment lus et/ou publiés, appelle notre lucidité et le devoir d'en faire saisir les grands traits. Si écrire et attirer l'attention sont déjà une “action”, le signataire ne voit pas, autour de lui des mouvements structurés qui auraient le poids pour faire modifier le cours des choses dans des délais rapides!
1. Un “enfer numérique”
S'il faut se garder de démoniser ce qui pourrait être considéré comme une évolution majeure de l'emprise humaine sur le développement de l'humanité et de ses relations avec sa planète Terre, voire avec les réseaux stellaires au sein desquels elle se situe, mettant en place, non sans douleurs, les ramifications nerveuses d'un grand corps d'humanité, ces développements numériques ne peuvent se faire au détriment des humains actuels et à venir, ni de notre planète dans sa bio-diversité!
Et pourtant, le livre de Guillaume Pitron, L'enfer numérique. Voyage au bout d'un like, LLL, 2021 (septembre), ISBN 979-10-209-0996-1, 351 pp, par l'Auteur qui avait déjà attiré l'attention sur La Guerre des métaux rares (2018), nous montre, sur base d'une énorme documentation d'investigation, les usages stupides et abusifs du développement numérique sur la planète.
En exergue Guillaume Pitron donne ce mot de Stephen Hawking: “Notre avenir est une course entre la puissance croissante de notre technologie et la sagesse avec laquelle nous l'utiliserons”!
C'est tout l'enjeu de ce livre qui tente de faire prendre conscience, à partir de données factuelles et contrôlées, de l'impact des Technologies de l'Information et de la Communication (TIC) telles qu'elles se développent de plus en plus vite depuis la généralisation de la communication numérique. Un impact qui pourrait devenir la menace la plus lourde que l'humain ait jamais fait peser sur son avenir et sur la santé climatique de notre très petite planète Terre!
L'abondance des sources précises citées et des personnes effectivement rencontrées et interviewées en 2020 et 2021 par l'Auteur, excluent une falsification type fake news, même si le propos de l'Auteur est de l'ordre d'un avertissement vigoureux et rigoureux au sujet des dangers que fait courir à l'humanité (telle que nous croyons la connaître) le développement mal contrôlé et trop rapide des TIC.
Les smart-cities
Ainsi du soutien européen au
développement de smart-cities:
“Le
marché annuel mondial des technologies au
service des villes intelligentes, qui
avoisinait 97,4 milliards de dollars
américains en 2019, atteindra 263 milliards
en 2028” (p.29).
Et cela, malgré des
Rapports d'experts en 2014 et en 2016
énonçant que:
“Il est probable que plus
une ville devient intelligente, plus elle
produira de déchets électroniques.”
ou
encore:
“Il n'y a pas de preuves
définitives que les technologies
intelligentes … joueront un rôle majeur dans
l'amélioration des performances
environnementales des villes”(p.30, note
2).
Voire même, selon une étude danoise
de 2019:
“Le développement de solutions
de villes intelligentes génère, d'une
manière générale, une influence négative sur
les performances environnementales d'un
système urbain” (p. 31).
L'Auteur
conclut donc:
“Si vous consultez des
géographes ou des urbanistes, 95% d'entre
eux demeurent sceptiques à propos de la
ville intelligente. Comment une telle cécité
a-t-elle été rendue possible?” (p. 32).
L'Auteur met, notamment, en question les
Rapports du GESI (Global E-Sustainability
Initiative) basé à Bruxelles et dont une
chercheuse du CNRS, Françoise Berthoud, dit:
“Peu de contre-feux ont été engagés par des
études indépendantes. Faute de temps, faute
d'argent: c'est David contre Goliath.
L'industrie a confisqué le discours sur les
bénéfices environnementaux d'Internet. Elle
a essayé par tous les moyens de vendre cette
idée et elle continue …” (p. 43).
Et
l'Auteur de conclure:
“Le numérique
pollue. Énormément. Compte tenu, notamment,
de sa consommation d'eau, d'énergie et de sa
contribution à l'épuisement des ressources
minérales, ce secteur génère … une empreinte
équivalente à deux ou trois fois celle d'un
pays comme la Grande-Bretagne ou la France
[…] Le numérique représenterait un peu moins
de 4% des émissions globales de gaz à effet
de serre” […] et la consommation électrique
du numérique … pourrait solliciter 20% de
l'électricité mondiale en 2025” (pp.
44-45).
Il y a donc lieu de mieux
connaître et d'essayer de comprendre les
principales causes de la pollution
numérique.
Matières premières, concurrence accélérée entre les États-Unis et la Chine, développement des Data Centers, l'obsolescence programmée des logiciels et applications.
La principale cause
de pollution numérique?
“… les matières
premières [notamment les mines de graphites
en Chine] nécessaires pour fabriquer les 34
milliards de téléphones, tablettes et autres
ordinateurs qui circulent aujourd'hui dans
le monde. Ces équipements que l'on appelle
également “interfaces” ou “terminaux”
sont la porte d'entrée de 4,6 milliards
d'utilisateurs au réseau informatique
mondial – et à l'infinité de services qu'il
offre… Et ce n'est qu'un début, puisqu'en
2025, chacun d'entre nous générera 5.000
interactions digitales par jour” (p. 58).
Mais dans ce gigantesque marché planétaire,
la Chine se présente désormais comme un
concurrent sérieux et agressif des
États-Unis:
“… Pékin a annoncé [en 2019]
que toutes les Administrations et
entreprises de l'Empire du Milieu devraient,
sous trois ans, remplacer leurs ordinateurs
et logiciels de marques américaines Dell, HP
ou encore Microsoft par des produits
chinois” (p.73).
Et les industries
favorisent partout le concentration du
pouvoir sur les TIC, notamment par des
stratégies d'obsolescence programmée:
“En 2025, 80% des entreprises auront fermé
leurs propres data centers pour leur
préférer le stockage de data chez des
prestataires externalisés offrant des
service de cloud. Cette transition va
logiquement conduire à liquider des millions
de serveurs à travers le monde. […] Les
éditeurs de logiciels portent une large
responsabilité dans cette affaire. Les
applications et programmes installés sur les
interfaces s'avèrent de plus en plus lourds
… baptisés dorénavant “obésiciels”: des
logiciels complexes, intégrant pléthore de
fonctionnalités énergivores. […] Ces
éléments expliquent pourquoi la durée de vie
d'un ordinateur est passée, en trois
décennies, de onze à seulement quatre ans.
Sapiens est logiquement devenu un Homo
detritus qui produit chaque année
l'équivalent de 5.000 Tours Eiffel de
déchets électroniques [et, en conséquence,]
une part substantielle de la créativité des
générations futures ne sera plus occupée à
donner vie à des produits révolutionnaires,
mais à pérenniser ce qui existe déjà” (pp.
74-77).
Comment mieux évaluer les nuisances et tenter de limiter leurs effets?
Il existe des solutions et des conseils comme ceux donnés par le Guide de l'ADEME, La face cachée du numérique – Réduire les impacts du numérique sur l'environnement, janvier 2021 (p.80 et note 1).
Il faut pouvoir mesurer
correctement les nuisances ou les sources
principales de détériorations humaines ou
planétaires. À cet effet une mesure a été
créée: le MIPS (Material Input per Service
unit) qui est utilisée depuis les années
1990ss.
“Ainsi, un ordinateur de 2kg
mobilise, entre autres, 22 kilos de produits
chimiques, 240 kg de combustible et 1,5
tonne d'eau claire. Le MIPS d'une télévision
varie de 200 à 1000/1 quand celui d'un
smartphone est de 1.200/1 (183 kg de
matières premières pour 150 grammes de
produit fini). Mais c'est le MIPS d'une puce
électronique qui bat tous les records: 32 kg
de matière pour un circuit intégré de 2
grammes, soit un ratio ahurissant de
16.000/1” (pp. 89-90).
Les Data Centers, sont-ils les plus gros pollueurs … et la source d'un nouvel impérialisme?
“Pour des raisons de coût et de sécurité,
un nombre croissant d'entreprises préfèrent
confier la gestion de leurs serveurs à des
groupes spécialisés tels qu'Equinix,
Interxion, EdgeConneX, CyrusOne,
Alibabacloud, AmazonWebService … en “bon”
hébergeur, ces derniers accueillent leurs
clients dans des data centers de
“co-location”, autrement dit des “hôtels
pour serveurs” reliés à Internet.
L'ensemble de ces installations constitue le
“nuage” [“cloud”], un service
externalisé de stockage de data, accessible
depuis n'importe quelle interface, tellement
populaire qu'un tiers des données produites
aujourd'hui dans le monde transite par lui”
(p.113).
“Il existerait aujourd'hui près
de 3 millions de Data Centers d'une surface
d'au moins 500 m² dans le monde, 85.000 de
dimension intermédiaire et une petite
dizaine de milliers dont la taille avoisine
celle de l'EquinixAM4 [à Amsterdam]. Et, au
cœur de cette Toile de béton et d'acier
prospèrent plus de 500 Data Centers dits
hyperscale, souvent vastes comme un terrain
de football” (p.115).
“C'est que
l'humanité produit déjà un invraisemblable
déluge de data: 5 exaoctets [un exaoctet
correspond à un milliard de milliards
d'octets] par jour, soit autant que toutes
celles produites depuis les débuts de
l'informatique jusqu'en 2003” (p. 116).
“Le marché mondial de ces infrastructures
([data centers]) qui avoisine 124 milliards
d'euros annuels, croit de près de 7% par
an” (p. 116).
D'où viennent ces data qui nourrissent les Data Centers et qui en profite?
“Pour aspirer
toujours davantage de données (data), il
faut appâter le consommateur en lui offrant
des services supposément “gratuits”.
Champion de ce modèle économique, Facebook
est devenu la régie publicitaire la plus
performante du monde …” (p. 127) [Pas pour
rien qu'il a installé l'un de ses plus gros
Data Centers à 20 km de Bluffdate (Utah,
USA) où la NSA (National Security Agency),
champion de la surveillance publique hors la
Chine, avait établi le sien!].
“Chaque
minute, 1,3 millions de personnes se
connectent sur Facebook et 4,1 millions de
recherches sont effectuées sur Google, 4,7
millions de vidéos sont consultées sur
YouTube et 1,1 million de dollars sont
dépensés sur des sites de vente en ligne.
Mais il arrive que ce flux se détraque à
cause de ce que l'on appelle, dans
l'industrie, un “noir complet”: une panne
de Data Center” (p. 141).
“Ce qui
coûte, écologiquement, c'est d'avoir accès à
tout, tout le temps, tout de suite” (p.
150).
“Nous sommes rendus compte que les
Data Centers [de la région parisienne]
allaient capter un tiers de l'électricité du
Grand Paris. Quant à AmazonWebService, qui
s'étend depuis 2017 en Île-de-France, il
aurait signé, en France, un contrat de
fourniture de 155 mégawatts d'électricité,
soit les besoins d'une ville de plusieurs
millions d'habitants” (p. 150).
Des énergivores en quête d'une image (illusoire?) de verdeur?
Derrière la
production d'électricité indispensable au
fonctionnement du numérique, on trouve toute
la problématique de l'énergie qui est
toujours majoritairement produite à partir
du charbon (émetteur de CO² nuisible pour la
planète) ou du nucléaire (amoncelant pour
longtemps des déchets nocifs).
Les grands
producteurs et consommateurs industriels
(GAFAM – BATHX) et autres (dont les Data
Centers) se sont mis à rechercher des
modalités d'énergie verte et tentent d'en
trouer dans le grand Nord car “la
température de certains composants des data
centers peut atteindre 60° … énergivores,
les systèmes de refroidissement peuvent
mobiliser jusqu'à la moitié de l'électricité
d'un centre de données” (p. 172).
“Comment consommer moins d'énergie? Et
comment s'approvisionner en une électricité
qui n'émette pas de gaz à effet de serre?
Voilà deux interrogations existentielles qui
agitent les grandes firmes en quête de
respectabilité. Car les enjeux d'image sont
colossaux: pas question de voir son nom
associé à une vaste gabegie d'énergie,
encore moins au réchauffement climatique”
(p. 172).
Responsabilités civiles et citoyennes
Cela pose aussi le problème
de la responsabilité civile et citoyenne
détournée par les géants du Web.
Un
problème amplifié par une finance mondiale
débridée et sur laquelle les États ont de
moins en moins de pouvoir au moment où les
géants (souvent clandestins) de la finance
mondiale développent la monnaie électronique
(comme le Bitcoin) et tentent d'imposer la
monnaie électronique, or à lui seul “
le Bitcoin engloutirait 0,5% de la
production d'électricité mondiale, soit
l'équivalent des besoins du Danemark”
(p.193).
Face à ces “prises de pouvoir”
et dangers qui échappent au contrôle
démocratique, il y a certaines réactions:
“ … un nouveau paradigme de puissance
consiste moins, aujourd'hui, à étendre ses
positions à travers le vaste monde qu'à les
consolider chez soi! Depuis 2015, la Russie
impose ainsi la localisation des données
personnelles de ses citoyens sur son
territoire. Le projet européen
d'infrastructures de données GAIA-X vise
également à enraciner un cloud souverain sur
le vieux continent, sans recours aux
services proposés par des plateformes
américaines” (p. 194).
Le rôle de l'homme de la rue
Mais tant que
l'homme de la rue, Monsieur Tout-le-monde,
ne prendra pas sur lui de modifier
(éduquer?) ses habitudes, les réactions aux
nuisances du numérique seront insuffisantes.
Or il existe des attitudes dé “décroissance
bénéfique” en ce domaine:
“… chacun
d'entre nous peut reproduire des gestes a
priori bénins, sans se lever de son
fauteuil, avec des résultats ahurissants:
regarder une vidéo en utilisant le signal
WiFi, ce qui amène à consommer 23 fois moins
d'énergie qu'en passant par la 4G; éteindre
sa box en quittant son domicile car celle-ci
consommerait autant d'électricité qu'une
grand réfrigérateur; se connecter sur un
site Web sans passer par Google, puisqu'une
requête effectuée sur le moteur de recherche
capterait autant de courant qu'une ampoule
allumée pendant 1 ou 2 minutes; visionner un
film en basse plutôt qu'en haute définition,
ce qui diviserait par 4, voire même par 10
la consommation d'énergie. D'ailleurs si 70
millions d'internautes abaissaient la
qualité de diffusion des vidéos qu'ils
regardent, 3,5 million de tonnes de CO² ne
seraient pas relâchées, chaque mois, dans
l'atmosphère, soit l'équivalent de 6% de la
production de charbon des États-Unis! Nous
tourner vers des services respectueux de la
vie privée permet également de limiter la
ponction de data et donc leur stockage
énergivore. Pour ce faire, préférer les
applications de messagerie Signal et Olvid,
ouvrir une adresse mail sur ProtonMail et
passer par le service de cloud de
l'E-Foundation, quitte à débourser quelques
euros pour effectuer un don. Pour vos
recherches pourquoi ne pas essayer
DuckDuckGo, un moteur de recherche américain
qui n'enregistre pas les requêtes effectuées
par ses utilisateurs? Ces conseils
pourraient être multipliés à l'infini et
montrent combien chacun de nous est capable
d'agir, concrètement et simplement, pour un
Internet plus propre et plus sobre.” (p.
197-198).
Et si l'on veut faire croire à
l'homme de la rue que le numérique peut
sauver la planète, il faut lui ouvrir les
yeux:
“il ne faut pas confondre les
répercussions économiques, sociales et
psychologiques du numérique avec sa fonction
écologique. Bien qu'il stimule l'éclosion de
formidables initiatives destinées à protéger
le climat et la biodiversité, le réseau n'a
pas été pensé pour “sauver la planète”, et
tout discours liant la résilience de la vie
sur Terre à la performance des outils
digitaux relève de la mystification, de la
fable. D'ailleurs, avons-nous entendu dans
la bouche d'un expert des technologies
numériques: “les TIC ont réellement rendu
le monde meilleur, mais, en termes d'impact
environnemental, c'est la pire chose qui
pouvait advenir” (p. 216).
Un homme de la rue manipulé
Il faut, en
effet, prendre conscience que s'est
développée chez les maîtres de la nouvelle
publicité une vraie science de la
“captologie”. Il faut lire Nir Eyal,
Comment créer un produit ou un service qui
ancre des habitudes (Eyrolles, 2018):
“L'ouvrage décrypte la “matrice des
manipulations” perfectionnée par les
développeurs aux fins de nous faire
consulter notre téléphone pas moins de 150
fois par jour” (p. 222) notamment en jouant
avec la couleur bleue testée sur des
millions de personnes comme la couleur la
plus addictive: “Le bleu, couleur la plus
sombre après le noir, favorise la lisibilité
des contenus sur les écrans” (p. 223, note
1).
Mais aussi:
“La mécanique du
rouge est précisément celle analysée par Nir
Eyal: ce stimulus visuel œuvre comme un
déclencheur induisant l'action d'ouvrir
l'application en vue d'obtenir une
récompense… Cette boucle de rétroaction est
parfaitement connue des scientifiques: … des
armadas de chercheurs observent depuis des
années des comportements similaires chez les
souris avant de proposer aux entreprises d'y
soumettre des milliards d'humains auxquels
ils pourront soutirer plus d'attention, donc
davantage d'argent. [Mais …] nous n'agissons
guère plus intelligemment que des rongeurs”
(pp. 225-226).
Il y a pourtant des moyens
de réagir:
“De nombreuses solutions
visant à reprendre le contrôle de nos
existences peuvent être trouvées:
désactivation des notifications, suppression
des applications les plus addictives
(Facebook, Snapchat, Tiktok, Instagram),
prise de distance avec les réseaux sociaux
dont les algorithmes encouragent
l'indignation des utilisateurs …
bannissement du téléphone de sa chambre ou
encore déconnexion une journée par semaine
(voir le site Take Control sur
humantech.com)” (p.227).
“Au sein de
l'association les Designers éthiques
(designersethiques.org) des chercheurs et
concepteurs Web offrent également de
“dégraisser” les sites les plus gourmands
en bande passante au profit de pages Web
sobres et épurées. Un bon exemple de cette
philosophie est le site Wikipedia …” (p.
228)
Le prochain danger (lié à la 5G) viendra de la robotisation des communications humaines
“Contrairement à
la 4G, avertit Jean-Pierre Raskin (2020), la
5G va changer notre nature: ce n'est rien de
moins que la colonisation de l'homme par la
machine” (p. 230).
Et tout ceci sous la
pression des quants funds:
“Révolution
numérique aidant, les quants assimilaient
une masse toujours plus faramineuse de
variables et d'informations. Leur puissance
de calcul dépassait à ce point toutes la
capacités humaines existantes qu'ils
commencèrent à générer … davantage de
profits que les fonds traditionnels. […]
L'une des multinationales qui a perfectionné
cette stratégie d'analyse quantitative n'est
autre que Blackrock, le plus grand
gestionnaire d'actifs au monde. […] sa
plateforme Aladdin gère environ 15.000
milliards de dollars d'actifs (soit 7% des
actifs mondiaux) […] et, selon Juan Pablo
Pardo-Guerra: “il vaut mieux pour BlackRock
dépenser de l'argent dans une machine plutôt
que dans le salaire d'analystes qui sont
chers et moins efficaces” (pp. 237-239).
“Les quants funds ne sont donc que la face
émergée de l'iceberg: dans leur sillage,
c'est l'ensemble de la finance qui devient,
de plus en plus, une affaire de lignes de
codes, d'algorithmes et d'ordinateurs” (p.
240).
“Outre que ces fonds s'opposent
peu volontiers à la stratégie menée par les
sociétés dont ils sont actionnaires, leurs
poids complique les velléités d'actionnaires
plus écoresponsables d'influer sur la
politique du haut management. À l'évidence,
la vague des fonds passifs accélère la crise
climatique davantage qu'elle ne la résout,
puisqu'elle pompe des capitaux au profit des
entreprises à forte intensité carbone,
s'alarme le Rapport du Sunrise Project” (p.
243).
“En 2017, un fonds hongkongais
(DKV) a même annoncé le nomination d'un
robot, baptisé Vital, à son conseil
d'administration, au point que plus aucune
décision ne sera prise sans avoir recueilli
son analyse. Quant à la société américaine
EquBot, elle s'attache désormais les
services d'une “intelligence artificielle”
qui surpasse “les faiblesses émotionnelles
et psychologiques qui encombrent le
raisonnement humain” comme le déclare le
fondateur de la société” (pp.244-245).
Conclusion provisoire:
“il serait
possible que les objectifs que nous
assignons à l'IA la conduisent à annihiler
purement et simplement l'espèce humaine
(selon Nick Bostrom) … et la protection de
la nature n'irait pas forcément de pair avec
celle de l'homme dans la nature” (p. 252 et
notes 1 et 2).
Les autoroutes de l'information: aux mains des GAFAM?
Exactement comme les autoroutes, créées avec
le développement majeure du trafic
automobile principal moteur de l'industrie
et du commerce des 75 dernières années, le
numérique ceinture la planète de câbles
sous-marins de communication. Cette pieuvre
touche de près la Belgique notamment:
“[L'Auteur] a assisté aux opérations
d’atterrage (installation) du Dunant, le
deuxième câble Internet international dont
l'entreprise Google est propriétaire … Avec
ses douze paires de fibres et sa capacité de
près de 300 térabits par seconde, voici l'un
des câbles les plus puissants jamais mis en
service. Dans quelques mois, il reliera, sur
6.600 km, la ville américaine de Virginia
Beach, au sud de Washington, à un data
center de Google édifié dans la ville belge
de Saint-Ghislain” (p. 256).
“Les
progrès de la fibre [optique] ont été
exceptionnels depuis la pose du premier
câble optique le TAT-8, entre les États-Unis
et l'Europe, en 1988. Songez que celui-ci
pouvait permettre de passer 40.000 appels
téléphoniques simultanés. Aujourd'hui, le
Dunant pourrait en supporter 5 milliards ou,
si vous préférez, transmettre le triple des
informations contenues dans la bibliothèque
du Congrès américain en une seule seconde”
(p. 261).
“Sur l'axe atlantique, la part
de marché des GAFAM était de 5% il y a trois
ans. Elle a dépassé aujourd'hui 50% et l'on
pense que d'ici trois ans elle sera de 90%,
souligne un expert des télécommunications
sous-marines dans Les Échos du 6 avril
2019” (p. 266).
En conclusion: un contrôle politique, démocratique, sociétal sur tous ces développements est-il possible?
L'Auteur décrit quelques
initiatives dans le dernier chapitre de son
livre intitulé Rue de l'Avenir (pp.
309-320). Un exemple:
“Un passionnant
rapport du think tank The Shift Project
affirme que, face à l'aggravation de
l'impact écologique de la vidéo en ligne, le
“rôle des pouvoirs publics … est de
permettre la priorisation de certains usages
par rapport à d'autres, sur la base de leur
pertinence, de leur caractère essentiel, au
service de l'intérêt général … [premiers
signes d'une prise en main “politique”] un
régime fort qui œuvrerait à limiter la
pollution numérique au moyen de politiques
restreignant certaines libertés publiques”
(p.314)
On notera que la Chine
(avec toutes les réserves que l'on peut
faire à l'adresse d'un pays plutôt
totalitaire) a pris deux mesures phares dès
l'année 2020 et 2021 : a) la première
concerne la santé mentale des cervelles
humaines en développement en interdisant aux
enfants les jeux sur consoles ou autres
électroniques plus que 3 heures par semaine
le week-end; b) la seconde concerne
l'autonomie nationale des sources
logicielles (applications, programmes, etc)
et des données personnelles. On y opposera
évidemment l'utilisation des TIC pour une
surveillance généralisée des citoyens!
2. Maîtriser le numérique, n'est-ce pas d'abord maîtriser les finances et le commerce international?
La
complexité et le manque de transparence
(voulue) des grands acteurs du commerce et
de la finance mondiales nous empêchent de
voir clairement où il faudrait,
démocratiquement et de façon humaniste,
prendre des mesures pour mieux piloter les
développements actuels qui, pratiquement
tous, sont liés aux supports et
développements numériques.
Pour tenter de
comprendre les enjeux et les mécanismes de
la finance et du commerce planétaires, je
conseille vraiment à ceux qui, comme moi, ne
sont pas “dans le métier” de lire:
a)
Pierre-Noël Giraud, Le Commerce des
Promesses. Petit traité sur la finance
moderne, Paris, Le Seuil, janvier 2001
(2009²), ISBN 2-02-038110-9, 384 pp.
b)
Arnaud Zacharie, Refonder le Commerce
Mondial, Bruxelles, CAL, octobre 2021, ISBN
978-2-87504-42-8, 144 pp.
Le message
clair et majeur de ces deux ouvrages est
que:
1° Depuis l'abandon en 1971 des
accords de Bretton Woods (1944) qui liaient
les finances à un étalon-or, y préférant des
taux de change flottants et négociés, la
finance internationale s'est détachée
progressivement de l'économie réelle
(production, innovation, service, etc).
2° Cette finance est puissamment liée à des
accords entre les États-Unis et l'Arabie
Saoudite (membre majoritaire de l'OPEP) pour
des payements du pétrole uniquement en
dollars américains (les pétro-dollars).
3° Cette finance a, de plus en plus, été
dirigée par des professionnels, (parmi
lesquels les Fonds de Pension américains
seraient majoritaires); des professionnels
qui exigent un rendement maximum et au plus
court terme pour leurs actionnaires, faisant
ainsi pression sur toutes les activités
“financées” et donc: tout type
d'investissement.
4° Cette pression des
gestionnaires financiers obligent
l'industrie, la recherche et même les
services à baisser sans cesse les coûts des
matières premières (venant souvent des pays
émergents) ainsi que les coûts du travail.
5° Cette pression est accentuée par
l'extension rapide du numérique (et donc de
la robotisation) qui écarte du travail les
masses humaines non-spécialisées et qui
limite les salaires et charges sociales.
6° Enfin, cet “argent fou” est de plus en
plus géré, au-delà des “professionnels”
cités plus haut, et en concurrence avec eux,
par les développements esclavagistes des
GAFAM (Google, Alibaba, Facebook, Apple,
Microsoft) et des BATHX (Baïdu, Alibaba,
Tencent, Huawei Xiaomi).
7° Les
dirigeants industriels et les États n'ont
plus beaucoup de moyens (sauf régimes très
autoritaires?) pour résister aux puissants
lobbies planétaires de ceux qui sont à la
manœuvre de la finance et du commerce et qui
se jouent de tous les traités et lois (tant
nationaux qu'internationaux).
2.1. Le commerce des promesses
Le titre donné à son livre résume bien la conclusion que l'on se fait à la lecture de ce “Petit traité sur la finance moderne” de P.-N. Giraud.
La globalisation mondiale de la finance
Qui détient
vraiment quoi … sinon en “crédit”: une
promesse inscrite (et aujourd'hui sous forme
de quelques bits et bytes) dans les comptes
d'une Banque ou d'un organisme de crédit?
“Vous avez raison de commencer par
la finance, car c'est certainement dans ce
domaine que l'entreprise destructrice qu'est
la globalisation est la plus avancée. Son
objectif est bien, en effet, de détruire le
fragile équilibre qu s'était mis en place
dans l'après-guerre 40-45 entre le capital
et le travail, sous menace de contagion
communiste. Cet équilibre, malgré ses
injustices flagrantes, a tout de même permis
en Europe, au Japon et aux États-Unis
l'augmentation générale des niveaux de vie.
Il est aujourd'hui détruit au seul profit du
capital. La globalisation financière a privé
les États, garants de ce fragile équilibre,
de tout moyen de contrôler les appétits
désormais sans limites de l'argent qui ne
cherche qu'à se transformer en plus
d'argent. Les marchés financiers dictent
désormais aux États leur politique
monétaire: ce que doivent être les taux de
change et les taux d'intérêt. Ils se mêlent
même de dicter les politiques budgétaires,
exigeant que l'État “maigrisse”, que les
système d'assurance sociale et les
entreprises de service public soient
démantelées et privatisées, que les impôts
et les prestations sociales soient réduits.
Tendanciellement, si l'on n'y met fin, le
monde sera gouverné par un groupe
d'institutions financières et de firmes
multinationales sans aucune légitimité
démocratique” (pp. 19-20).
Les investissements et les fondamentaux (faute d'équivalent-or)
Après avoir donné une
histoire de la finance mondiale, l'Auteur
tente d'expliquer les mécanismes, notamment
celui des investissements sur lesquels il
conclut:
“Retenons à ce stade deux
choses. Un investissement n'est qu'une
promesse de revenus futurs. La décision
d'investir ne peut être entièrement
calculable, elle dépend nécessairement en
partie d'une vision subjective de l'avenir
de cette promesse” (p. 80).
Une autre
notion importante est celle des
fondamentaux:
“Avec les taux d'intérêt
et la prime de risque, les fondamentaux du
prix d'une action sont les bénéfices qui
seront réalisés dans le futur par
l'entreprise. Notons, que, contrairement aux
coupons d'une obligation à taux fixe, ils ne
sont pas du tout observables. Ce qui l'est,
ce sont les bénéfices passés. Mais
l'information sur les bénéfices passés ne
vaut pas grand chose pour prévoir les
bénéfices futurs, sauf, à l'extrême rigueur,
dans le cas d'une entreprise bien établie
dans un secteur à maturité où les parts de
marché, les prix et les profits sont
stables. La preuve a contrario en est
l'augmentation vertigineuse du prix de
certaines actions dites “Internet” alors
que les entreprises en question n'ont fait
que des pertes depuis leur introduction en
Bourse” (p. 104-105).
Et
l'Auteur n'exclut pas qu'il s'agit là
souvent d'un “jeu” assimilable aux jeux de
Casino:
“La capitalisation boursière
reflète le niveau des paris qui sont pris
par les acteurs rationnels “joueurs”, ceux
qui ont le goût du risque” (p. 110).
Quelles sont alors les règles de ce
jeu?
“Appliqué aux marchés des actions,
cela signifie que, pour réussir, les
investisseurs doivent se préoccuper non de
la valeur véritable d'un investissement,
mais de la valeur que le marché, sous
l'influence de la psychologie de masse, lui
attribuera un mois ou un an plus tard”. Ce
comportement est le seul rationnel: il ne
sert à rien d'avoir raison contre la
majorité, on gagne en ayant tort avec la
majorité. Car si la majorité pense qu'un
prix va monter, les achats l'emportent sur
les ventes et le prix monte effectivement:
il est alors rationnel d'acheter” (p. 110).
“Même pour l'acteur le plus
fondamentaliste, celui dont le modèle
n'admet comme paramètre d'entrée que des
faits observables, et non l'opinion des
autres, ce n'est jamais qu'un modèle
d'interprétation. Il est fondé sur une
“vision” du monde à venir saturée de
croyances purement subjectives. Il est donc
susceptible de modifications profondes sous
l'effet d'événements éventuellement
minuscules, mais qui mettent en doute la
cohérence et la pertinence du modèle ancien
et obligent à en reconstruire un nouveau,
qui peut être très différent” (p. 119).
La monnaie flottante
Et la
monnaie dans tout cela? D'où vient-elle? À
quoi sert-elle?
“Comment la monnaie
est-elle créée? Dans les systèmes monétaires
contemporains, ce sont les banques
commerciales qui ont l'initiative de la
création monétaire. Une banque crée de la
monnaie en faisant crédit à ses clients”
(p. 132).
Il faut donc y “croire” (mot
de la même racine que “crédit” -
“credo”) ce qui vaut également pour la
valeur de la monnaie. Et là, outre les
mécanismes de l'offre et de la demande qui
font varier les valorisations, l'Auteur
souligne la puissance “chamanique” des
déclarations des Banques Centrales (et
particulièrement de la FED (banque centrale
américaine):
“Restent heureusement
les moyens chamaniques. On ne peut qu'être
frappé … de l’importance que semblent avoir
actuellement les déclarations des présidents
des banques centrales et, en premier lieu,
de celui de la banque centrale américaine,
la FED (Alan Greenspan au moment où ce livre
est écrit). On peut même avoir l'impression
qu'Alan Greenspan gouverne en quelque sorte,
sinon le monde, du moins l'essentiel de
l'économie mondiale par la simple puissance
de sa parole” (p. 141).
Vers des Réformes du système financier mondial
Mais le système actuel de la finance
mondiale est dangereux et ne tient pas
suffisamment compte, selon l'Auteur, du
caractère “contingent” de l'avenir:
“La finance, dans les systèmes monétaires
contemporains où ce sont les banques
commerciales qui créent un pure monnaie de
crédit, produit inévitablement des droits en
excès sur la richesse future. Cela provoque
des purges périodiques des droits en excès,
de nature différentes selon les systèmes
financiers (poussées inflationnistes ou
crises financières), qui engendrent des
conflits de répartition et des transferts de
richesse” (p. 192).
Les membres
du G7 ou le FMI réfléchissent aux limites et
dangers du système financier mondial et ils
ont fait des propositions. Et ces instances
officielles ne sont pas les seules à
réfléchir:
“Particulièrement depuis
l'échec de la conférence de l'OMC
(Organisation Mondiale du Commerce) à
Seattle en 1999, de nombreux ONG,
associations et partis débattent des moyens
de “maîtriser la globalisation”. La
proposition la plus discutée est
certainement la taxation des mouvements de
capitaux, dite “taxe Tobin”. Cependant, ni
les réformes envisagées dans les cercles
officiels, ni la taxe Tobin ne visent à une
profonde transformation du système actuel”
(p. 271-272).
L'Auteur présente et
propose les principales suggestions de
réforme du système financier et monétaire
mondial faites par le Professeur Maurice
Allais (1911-2010, Prix Nobel d'économie en
1968):
“Tel est le cœur des réformes
proposées par Allais. Elles prévoient
d'autres mesures [En note: “En particulier:
le retour à un régime de change fixe mais
ajustable entre monnaies, une réforme du
fonctionnement des Bourses qui ne coteraient
chaque valeur qu'une fois par jour, au lieu
de l'actuelle cotation en continu, et une
réglementation drastique des marché
dérivés”], mais l'essentiel est la
séparation et le cloisonnement des activités
bancaires ainsi que le fait de réserver à
l'État la création monétaire. L'intérêt de
ces propositions est qu'elles désignent très
clairement la racine de l'instabilité du
système monétaire et financier contemporain:
la possibilité pour la finance de créer des
droits en excès grâce à une création
monétaire par le crédit bancaire qui échappe
largement au contrôle de l'État. C'est cette
possibilité que les réformes d'Allais visent
à supprimer. Mais à quel prix? Au prix de la
suppression du pouvoir de création monétaire
des banques, pouvoir désormais réservé à
l'État” (pp. 274-275).
Les Fonds de Pension et les Sociétés professionnelles de financement sont-elles les nouveaux propriétaires de toute l'économie mondiale?
“Pour certains, ce sont [les Fonds de
Pension] qui partout imposent désormais la
loi implacable et destructrice du profit
maximum. D'autres y voient cependant,
paradoxalement, un espoir de socialisation
du capital. À leurs yeux, les fonds de
pension et plus généralement les
gestionnaires des autres formes d'épargne
salariale seraient la seule voie moderne
d'une maîtrise retrouvée des rapports entre
capital et travail, la voie étatique étant
désormais barrée par la globalisation”
(p.297).
“Au total, l'épargne
financière gérée par l'ensemble des
“institutionnels” en 1996 était de 13.400
milliards de dollars, soit 181% du PNB aux
États-Unis, et de 1.300 milliards de
dollars, soit 83% du PNB en France (Annuaire
statistique de l'OCDE, 1998)” (p. 300).
“Pour des raisons démographiques,
et parce que la libéralisation financière a
engendré une complexité et un risque accrus
dans la gestion de patrimoines financiers,
faisant reculer la gestion directe, les
gestionnaires d'épargne pour compte de tiers
des pays riches sont devenus “les” acteurs
prépondérants de la finance globale et sont
désormais des actionnaires très important
des entreprises cotées en Bourse. Quelles en
sont les conséquences?” (p. 305) “Je
soutiendrai que les institutionnels sont
devenus les véritables propriétaires des
grandes entreprises cotées. […] Dans un très
grand nombre d'entreprises cotées, les
institutionnels détiennent désormais le
droit de contrôle résiduel” (p. 310).
“Il en résulte que, pour la première fois
dans l'histoire des capitalismes, les
entreprises sont gérées selon l'objectif
unique de “maximisation des profits”,
objectif que leur attribuaient, à tort
jusqu'ici, l'essentiel des modèles
microéconomiques. […] Le paradoxe fascinant,
c'est que ce grand pas du fonctionnement
réel des capitalismes vers les comportements
et mécanismes capitalistes “pur” que
décrivent les modèles théoriques de
l'économie, se produit grâce au fait que des
gens, qui sont pour l'essentiel des
salariés, sont, par l'intermédiaire des
institutionnels , devenus ou en passe de
devenir les propriétaires des plus grandes
entreprises. […] la question est de savoir
si les salariés, par l'intermédiaire des
fonds qui gèrent leur épargne, peuvent
espérer influencer les dirigeants des
entreprises et fonder ainsi de nouvelles
relations entre le capital et le travail. Ce
sont des questions très difficiles et
partant controversées” (pp. 314-315).
Et
les choix industriels, même ceux qui
seraient importants par exemple pour une
gestion prévisionnelle du climat, dépendent
aujourd'hui de décisions de ce
“capitalisme- propriétaire” des
gestionnaires de Fonds financiers:
“si
l'on pense que l'humanité ne pourra se
passer du nucléaire pour lutter contre
l'effet de serre, faut-il accuser les fonds
de pension et la privatisation des sociétés
électriques du non-développement d'une
technologie indispensable à l'avenir de
l'humanité? Puisque l'utilisation du gaz
dans la production de l'électricité y
contribue, contrairement au nucléaire, il
faut taxer le gaz (et tous les combustibles
fossiles) … Le prix de l'électricité
augmentera d'autant, et l'EPR (réacteur de
nouvelle génération) deviendra rentable même
pour le fonds de pension le plus exigeant.”
(p. 318).
Et la globalisation
capitalisante dirigée par les gestionnaires
professionnels de finances augmente
également les inégalités entre les revenus
du capital et ceux du travail:
“On sait
que les fonds de pension “exigent” une
rentabilité de l'ordre de 15% ou plus des
fond qu'ils investissent, et qu'ils
l'obtiennent, du moins, pour le moment. … la
rémunération du capital financier est
aujourd'hui historiquement élevée, tandis
que les salaires moyens réels n'augmentent
que modérément. En conséquence, les
inégalités de patrimoine s'accroissent
encore plus vite que celles des revenus”
(p. 331-332).
Résolution brutale des conflits
“Dans la finance de marché globale, les conflits se résolvent dans des crises financières et les récessions qu'elles engendrent. Les transferts sont imprévisibles, brutaux, internationaux et n'épargnent aucune forme de revenus. De plus, ils échappent très largement (mais pas totalement) au contrôle des États nationaux, donc à la possibilité de choix politique sur le “qui va payer?”. […] La finance globale a rendu le monde plus dangereux pour la prévisibilité et la stabilité des revenus de chacun” (pp. 353, 355).
2.2. La réforme du Commerce international: Arnaud Zacharie.
Très lié par nature à la gestion de
la finance internationale, le commerce
planétaire est fait d'une interaction
terriblement complexe entre les lobbies
financiers et industriels au travers
d'institution internationales qui ont
tendance, de nouveau, à maximiser le gain
maximum immédiat à ce que l'Auteur appelle:
l'échange durable. “L'échange durable
consiste à faire du commerce mondial un
puissant levier au service de l'emploi, du
climat, de la santé, et, in fine, de la
démocratie” (p. 11).
L'analyse d'A.
Zacharie en 2021 confirme, 20 ans après – et
la crise financière de 2008 ayant confirmé
toutes ses analyses –, l'ensemble des propos
du livre de Giraud.
“Alors que le
système international des Trente glorieuse
était fondé sur des règles financières
contraignantes et des règles commerciales
souples, c'est la logique inverse qui a
gouverné la mondialisation néolibérale: des
règles commerciales contraignantes et un
système financier et monétaire basé sur la
déréglementation et la libéralisation. […]
La solution idéale serait d'instaurer un
nouveau système international de réserve
s'inspirant … des accords de Bretton Woods …
et des conseils de J.M. Keynes [… et comme
l'on ne peut toucher au “pétrodollar”] …
une solution intermédiaire consisterait à
confier au FMI la mission de coordonner des
accords décentralisés d'échange de réserves
entre banques centrales, en créant une
facilité de dépôt mondial fondée sur son
unité de compte – les Droits de Tirage
Spéciaux (DTS) … mais en l'absence de
régulation multilatérale du système
monétaire international, la réhabilitation
des contrôles des capitaux permettrait aux
États d'enrayer les mouvement erratiques des
flux de capitaux internationaux. … De tels
contrôles permettent d'enrayer les entrées
et sorties excessives de capitaux à
l'origine de l'instabilité des taux de
change.” (pp. 130-131).
“Plus
généralement, la refondation du commerce
mondial devrait chercher à mondialiser le
travail décent. […] … le corollaire du
travail décent est de mettre fin à
l'exigence excessivement élevée de
rentabilité du capital pour les
actionnaires. … Mettre fin à cette
financiarisation des firmes transnationales
nécessite de renforcer la démocratie
économique en donnant autant de pouvoir aux
travailleurs qu'aux actionnaires au sein des
conseils d'administration, en répartissant
plus équitablement les gains de productivité
et en donnant la priorité aux modes de
production durables” (pp. 132-133).
Aider à mieux comprendre les enjeux
demande de maîtriser un très grand nombre de
paramètres, ce qui commence par la
connaissance des sigles désignant acteurs et
actions du domaine, le livre de A. Zacharie,
dans sa brièveté (recommandable et aidant à
la clarification) aurait gagné à donner le
petit Index suivant (créé par mes soins):
- ADPIC : Accord sur les Droits de
Propriété relatifs au Commerce, en vigueur
dans l'OMC depuis 1995
- ALENA : Accord
sur le libre-échange Nord-Américain de 1994,
renégocié en 2018 et renommé USMCA
-
BATHX : multinationales chinoises Baidu,
Alibaba, Tencent, Huawei, Xiaomi
- CETA :
Accord entre l'Union européenne et le Canada
(2016)
- FMI : Fonds Monétaire
International : né en juillet 1944
(conférence de Bretton Wood); gère notamment
les DTS; siège à Washington (USA)
- GAFAM
: multinationales américaines: Google,
Amazon, Facebook, Apple, Microsoft
- GATT
: Accord Général sur les Tarifs douaniers et
le Commerce, signé en 1947; remplacé par
l'OMC en 2001; siège à Genève (Suisse)
-
ICS : International Court System: mécanisme
d'arbitrage instauré en 2016 par l'Europe en
place de l'ISDS
- ISDS : Investor-State
Dispute Settlement: USA et Canada s'en sont
retiré en 2018 en modifiant l'ALENA devenu
USMCA
- OCDE : Organisation de
Coopération et de Développement Économiques:
succède en 1961 à l'OECE 'Organisation de
Coopération Européenne Économique = Plan
Marshall) ; siège à Paris
- OIC :
Organisation Internationale du Commerce,
prévue dans la Charte de La Havane (1948) et
remplacée par l'OMC en 1995
- OIT :
Organisation Internationale du Travail
(1946): agence liée à l'ONU (183 États en
sont membres en 2012)
- OMC :
Organisation Mondiale du Commerce (anglais
WTO World Trade Organization): créée sur les
cendres du GATT en 2001 (adhésion de la
Chine en 2001) – siège à Genève (Suisse) –
voir aussi ADPIC, ORD, PMA
- OMS :
Organisation Mondiale pour la Santé, créée
en 1948, siège à Pregny-Chambesy (Genève –
Suisse)
- ORD : organe de règlement des
différents dans l'OMC
- PMA : Pays les
moins avancés : comporte 46 pays dans l'OMC
- RCEP : Regional Comprehensive Economic
Partnership: partenariat régional économique
global adopté en 2020 par 15 pays d'Asie et
du Pacifique (entré en vigueur le
01.01.2022)
- SPG et SPG+ : système de
préférences généralisées, créé en Europe en
1971 en faveur des économies des pays
émergents; en vigueur depuis le 01.01.2014;
compléments français au 14.02.2018
- TCE
: Traité sur la Charte de l'Énergie, signé
par 40 États le 17.12.1994; comportant 75
pays en 2015; siège à Bruxelles, Belgique
- TTIP : Traité transatlantique USA-Europe :
non signé
- TPP : Traité Transpacifique :
abandonné par l'Administration Trump
-
USMCA : successeur de l'accord ALENA
(USA-Canada)
- WTO : World Trade
Organization (voir OMC)
CONCLUSION de cette Veille Technologique portant sur la Finance et le Commerce planétaires tels que confortés par l'emprise galopante du Numérique
Un faible espoir de nouvelles régulations pourrait venir du conflit entre les États-Unis et la Chine … s'ils ne conduisent pas à des confrontations violentes!
Mais la
numérisation à outrance pousse aujourd'hui
les Banques et Financiers à éliminer la
monnaie papier et acier pour les remplacer
par des monnaies électroniques, ce qui
renforcera le contrôle absolu par traçage
téléphonique et autres de tous les citoyens
désormais dépouillés de tout moyen autonome
de payement … sauf à en revenir au troc! La
Norvège qui a tenté l'expérience en est déjà
revenue!
La grande masse des
citoyens, plongés dans un monde
hyper-médiatisé, envahissant et distrayant,
est poussée vers une isolation
individualiste que les deux années de
pandémies covid-19 ont accentué et qui
empêche les citoyens d'exercer leur poids
démocratique sur l'évolution de la société
(planétaire) dans laquelle l'humain se
développe et vit. Cela provoque même une
dangereuse contestation du “système
démocratique” (voir INTERFACE_2020 de
décembre 2021).
Tableau trop noir? Lisez Pitron, Giraud, Zacharie, Téterel, McNamee, Turckle, Klein, Smith et d'autres dont je vous ai présenté les réflexions depuis plus de 3 ans!