Peut-on sauver l'humanité et la planète de l'enfer numérique et financier?

Mars 2022

G. Pitron G. Pitron Giraud Giraud Zacharie Zacharie

Il faut prendre conscience que l'enfer n'est pas dans la numérisation généralisée et foudroyante des relations et des activités humaines, mais dans la monopolisation des profits par quelques oligarques planétaire sans empathie ni pour leurs semblables, ni pour l'écosystème planétaire dont ils extorquent ces profits abusifs … et finalement appauvrissant pour la plus grande masse d'humains! Nos lectures antérieurs pointent toutes dans cette direction, mais la convergence de faits vérifiés dans trois livres récemment lus et/ou publiés, appelle notre lucidité et le devoir d'en faire saisir les grands traits. Si écrire et attirer l'attention sont déjà une “action”, le signataire ne voit pas, autour de lui des mouvements structurés qui auraient le poids pour faire modifier le cours des choses dans des délais rapides!

1. Un “enfer numérique”

S'il faut se garder de démoniser ce qui pourrait être considéré comme une évolution majeure de l'emprise humaine sur le développement de l'humanité et de ses relations avec sa planète Terre, voire avec les réseaux stellaires au sein desquels elle se situe, mettant en place, non sans douleurs, les ramifications nerveuses d'un grand corps d'humanité, ces développements numériques ne peuvent se faire au détriment des humains actuels et à venir, ni de notre planète dans sa bio-diversité!

Et pourtant, le livre de Guillaume Pitron, L'enfer numérique. Voyage au bout d'un like, LLL, 2021 (septembre), ISBN 979-10-209-0996-1, 351 pp, par l'Auteur qui avait déjà attiré l'attention sur La Guerre des métaux rares (2018), nous montre, sur base d'une énorme documentation d'investigation, les usages stupides et abusifs du développement numérique sur la planète.

En exergue Guillaume Pitron donne ce mot de Stephen Hawking: “Notre avenir est une course entre la puissance croissante de notre technologie et la sagesse avec laquelle nous l'utiliserons”!

C'est tout l'enjeu de ce livre qui tente de faire prendre conscience, à partir de données factuelles et contrôlées, de l'impact des Technologies de l'Information et de la Communication (TIC) telles qu'elles se développent de plus en plus vite depuis la généralisation de la communication numérique. Un impact qui pourrait devenir la menace la plus lourde que l'humain ait jamais fait peser sur son avenir et sur la santé climatique de notre très petite planète Terre!

L'abondance des sources précises citées et des personnes effectivement rencontrées et interviewées en 2020 et 2021 par l'Auteur, excluent une falsification type fake news, même si le propos de l'Auteur est de l'ordre d'un avertissement vigoureux et rigoureux au sujet des dangers que fait courir à l'humanité (telle que nous croyons la connaître) le développement mal contrôlé et trop rapide des TIC.

Les smart-cities

Ainsi du soutien européen au développement de smart-cities:
“Le marché annuel mondial des technologies au service des villes intelligentes, qui avoisinait 97,4 milliards de dollars américains en 2019, atteindra 263 milliards en 2028” (p.29).
Et cela, malgré des Rapports d'experts en 2014 et en 2016 énonçant que:
“Il est probable que plus une ville devient intelligente, plus elle produira de déchets électroniques.”
ou encore:
“Il n'y a pas de preuves définitives que les technologies intelligentes … joueront un rôle majeur dans l'amélioration des performances environnementales des villes”(p.30, note 2).
Voire même, selon une étude danoise de 2019:
“Le développement de solutions de villes intelligentes génère, d'une manière générale, une influence négative sur les performances environnementales d'un système urbain” (p. 31).
L'Auteur conclut donc:
“Si vous consultez des géographes ou des urbanistes, 95% d'entre eux demeurent sceptiques à propos de la ville intelligente. Comment une telle cécité a-t-elle été rendue possible?” (p. 32).
L'Auteur met, notamment, en question les Rapports du GESI (Global E-Sustainability Initiative) basé à Bruxelles et dont une chercheuse du CNRS, Françoise Berthoud, dit:
“Peu de contre-feux ont été engagés par des études indépendantes. Faute de temps, faute d'argent: c'est David contre Goliath. L'industrie a confisqué le discours sur les bénéfices environnementaux d'Internet. Elle a essayé par tous les moyens de vendre cette idée et elle continue …” (p. 43).
Et l'Auteur de conclure:
“Le numérique pollue. Énormément. Compte tenu, notamment, de sa consommation d'eau, d'énergie et de sa contribution à l'épuisement des ressources minérales, ce secteur génère … une empreinte équivalente à deux ou trois fois celle d'un pays comme la Grande-Bretagne ou la France […] Le numérique représenterait un peu moins de 4% des émissions globales de gaz à effet de serre” […] et la consommation électrique du numérique … pourrait solliciter 20% de l'électricité mondiale en 2025” (pp. 44-45).
Il y a donc lieu de mieux connaître et d'essayer de comprendre les principales causes de la pollution numérique.

Matières premières, concurrence accélérée entre les États-Unis et la Chine, développement des Data Centers, l'obsolescence programmée des logiciels et applications.

La principale cause de pollution numérique?
“… les matières premières [notamment les mines de graphites en Chine] nécessaires pour fabriquer les 34 milliards de téléphones, tablettes et autres ordinateurs qui circulent aujourd'hui dans le monde. Ces équipements que l'on appelle également “interfaces” ou “terminaux” sont la porte d'entrée de 4,6 milliards d'utilisateurs au réseau informatique mondial – et à l'infinité de services qu'il offre… Et ce n'est qu'un début, puisqu'en 2025, chacun d'entre nous générera 5.000 interactions digitales par jour” (p. 58).
Mais dans ce gigantesque marché planétaire, la Chine se présente désormais comme un concurrent sérieux et agressif des États-Unis:
“… Pékin a annoncé [en 2019] que toutes les Administrations et entreprises de l'Empire du Milieu devraient, sous trois ans, remplacer leurs ordinateurs et logiciels de marques américaines Dell, HP ou encore Microsoft par des produits chinois” (p.73).
Et les industries favorisent partout le concentration du pouvoir sur les TIC, notamment par des stratégies d'obsolescence programmée:
“En 2025, 80% des entreprises auront fermé leurs propres data centers pour leur préférer le stockage de data chez des prestataires externalisés offrant des service de cloud. Cette transition va logiquement conduire à liquider des millions de serveurs à travers le monde. […] Les éditeurs de logiciels portent une large responsabilité dans cette affaire. Les applications et programmes installés sur les interfaces s'avèrent de plus en plus lourds … baptisés dorénavant “obésiciels”: des logiciels complexes, intégrant pléthore de fonctionnalités énergivores. […] Ces éléments expliquent pourquoi la durée de vie d'un ordinateur est passée, en trois décennies, de onze à seulement quatre ans. Sapiens est logiquement devenu un Homo detritus qui produit chaque année l'équivalent de 5.000 Tours Eiffel de déchets électroniques [et, en conséquence,] une part substantielle de la créativité des générations futures ne sera plus occupée à donner vie à des produits révolutionnaires, mais à pérenniser ce qui existe déjà” (pp. 74-77).

Comment mieux évaluer les nuisances et tenter de limiter leurs effets?

Il existe des solutions et des conseils comme ceux donnés par le Guide de l'ADEME, La face cachée du numérique – Réduire les impacts du numérique sur l'environnement, janvier 2021 (p.80 et note 1).

Il faut pouvoir mesurer correctement les nuisances ou les sources principales de détériorations humaines ou planétaires. À cet effet une mesure a été créée: le MIPS (Material Input per Service unit) qui est utilisée depuis les années 1990ss.
“Ainsi, un ordinateur de 2kg mobilise, entre autres, 22 kilos de produits chimiques, 240 kg de combustible et 1,5 tonne d'eau claire. Le MIPS d'une télévision varie de 200 à 1000/1 quand celui d'un smartphone est de 1.200/1 (183 kg de matières premières pour 150 grammes de produit fini). Mais c'est le MIPS d'une puce électronique qui bat tous les records: 32 kg de matière pour un circuit intégré de 2 grammes, soit un ratio ahurissant de 16.000/1” (pp. 89-90).

Les Data Centers, sont-ils les plus gros pollueurs … et la source d'un nouvel impérialisme?

“Pour des raisons de coût et de sécurité, un nombre croissant d'entreprises préfèrent confier la gestion de leurs serveurs à des groupes spécialisés tels qu'Equinix, Interxion, EdgeConneX, CyrusOne, Alibabacloud, AmazonWebService … en “bon” hébergeur, ces derniers accueillent leurs clients dans des data centers de “co-location”, autrement dit des “hôtels pour serveurs” reliés à Internet. L'ensemble de ces installations constitue le “nuage” [“cloud”], un service externalisé de stockage de data, accessible depuis n'importe quelle interface, tellement populaire qu'un tiers des données produites aujourd'hui dans le monde transite par lui” (p.113).
“Il existerait aujourd'hui près de 3 millions de Data Centers d'une surface d'au moins 500 m² dans le monde, 85.000 de dimension intermédiaire et une petite dizaine de milliers dont la taille avoisine celle de l'EquinixAM4 [à Amsterdam]. Et, au cœur de cette Toile de béton et d'acier prospèrent plus de 500 Data Centers dits hyperscale, souvent vastes comme un terrain de football” (p.115).
“C'est que l'humanité produit déjà un invraisemblable déluge de data: 5 exaoctets [un exaoctet correspond à un milliard de milliards d'octets] par jour, soit autant que toutes celles produites depuis les débuts de l'informatique jusqu'en 2003” (p. 116).
“Le marché mondial de ces infrastructures ([data centers]) qui avoisine 124 milliards d'euros annuels, croit de près de 7% par an” (p. 116).

D'où viennent ces data qui nourrissent les Data Centers et qui en profite?

“Pour aspirer toujours davantage de données (data), il faut appâter le consommateur en lui offrant des services supposément “gratuits”. Champion de ce modèle économique, Facebook est devenu la régie publicitaire la plus performante du monde …” (p. 127) [Pas pour rien qu'il a installé l'un de ses plus gros Data Centers à 20 km de Bluffdate (Utah, USA) où la NSA (National Security Agency), champion de la surveillance publique hors la Chine, avait établi le sien!].
“Chaque minute, 1,3 millions de personnes se connectent sur Facebook et 4,1 millions de recherches sont effectuées sur Google, 4,7 millions de vidéos sont consultées sur YouTube et 1,1 million de dollars sont dépensés sur des sites de vente en ligne. Mais il arrive que ce flux se détraque à cause de ce que l'on appelle, dans l'industrie, un “noir complet”: une panne de Data Center” (p. 141).
“Ce qui coûte, écologiquement, c'est d'avoir accès à tout, tout le temps, tout de suite” (p. 150).
“Nous sommes rendus compte que les Data Centers [de la région parisienne] allaient capter un tiers de l'électricité du Grand Paris. Quant à AmazonWebService, qui s'étend depuis 2017 en Île-de-France, il aurait signé, en France, un contrat de fourniture de 155 mégawatts d'électricité, soit les besoins d'une ville de plusieurs millions d'habitants” (p. 150).

Des énergivores en quête d'une image (illusoire?) de verdeur?

Derrière la production d'électricité indispensable au fonctionnement du numérique, on trouve toute la problématique de l'énergie qui est toujours majoritairement produite à partir du charbon (émetteur de CO² nuisible pour la planète) ou du nucléaire (amoncelant pour longtemps des déchets nocifs).
Les grands producteurs et consommateurs industriels (GAFAM – BATHX) et autres (dont les Data Centers) se sont mis à rechercher des modalités d'énergie verte et tentent d'en trouer dans le grand Nord car “la température de certains composants des data centers peut atteindre 60° … énergivores, les systèmes de refroidissement peuvent mobiliser jusqu'à la moitié de l'électricité d'un centre de données” (p. 172).
“Comment consommer moins d'énergie? Et comment s'approvisionner en une électricité qui n'émette pas de gaz à effet de serre? Voilà deux interrogations existentielles qui agitent les grandes firmes en quête de respectabilité. Car les enjeux d'image sont colossaux: pas question de voir son nom associé à une vaste gabegie d'énergie, encore moins au réchauffement climatique” (p. 172).

Responsabilités civiles et citoyennes

Cela pose aussi le problème de la responsabilité civile et citoyenne détournée par les géants du Web.
Un problème amplifié par une finance mondiale débridée et sur laquelle les États ont de moins en moins de pouvoir au moment où les géants (souvent clandestins) de la finance mondiale développent la monnaie électronique (comme le Bitcoin) et tentent d'imposer la monnaie électronique, or à lui seul “ le Bitcoin engloutirait 0,5% de la production d'électricité mondiale, soit l'équivalent des besoins du Danemark” (p.193).
Face à ces “prises de pouvoir” et dangers qui échappent au contrôle démocratique, il y a certaines réactions:
“ … un nouveau paradigme de puissance consiste moins, aujourd'hui, à étendre ses positions à travers le vaste monde qu'à les consolider chez soi! Depuis 2015, la Russie impose ainsi la localisation des données personnelles de ses citoyens sur son territoire. Le projet européen d'infrastructures de données GAIA-X vise également à enraciner un cloud souverain sur le vieux continent, sans recours aux services proposés par des plateformes américaines” (p. 194).

Le rôle de l'homme de la rue

Mais tant que l'homme de la rue, Monsieur Tout-le-monde, ne prendra pas sur lui de modifier (éduquer?) ses habitudes, les réactions aux nuisances du numérique seront insuffisantes. Or il existe des attitudes dé “décroissance bénéfique” en ce domaine:
“… chacun d'entre nous peut reproduire des gestes a priori bénins, sans se lever de son fauteuil, avec des résultats ahurissants: regarder une vidéo en utilisant le signal WiFi, ce qui amène à consommer 23 fois moins d'énergie qu'en passant par la 4G; éteindre sa box en quittant son domicile car celle-ci consommerait autant d'électricité qu'une grand réfrigérateur; se connecter sur un site Web sans passer par Google, puisqu'une requête effectuée sur le moteur de recherche capterait autant de courant qu'une ampoule allumée pendant 1 ou 2 minutes; visionner un film en basse plutôt qu'en haute définition, ce qui diviserait par 4, voire même par 10 la consommation d'énergie. D'ailleurs si 70 millions d'internautes abaissaient la qualité de diffusion des vidéos qu'ils regardent, 3,5 million de tonnes de CO² ne seraient pas relâchées, chaque mois, dans l'atmosphère, soit l'équivalent de 6% de la production de charbon des États-Unis! Nous tourner vers des services respectueux de la vie privée permet également de limiter la ponction de data et donc leur stockage énergivore. Pour ce faire, préférer les applications de messagerie Signal et Olvid, ouvrir une adresse mail sur ProtonMail et passer par le service de cloud de l'E-Foundation, quitte à débourser quelques euros pour effectuer un don. Pour vos recherches pourquoi ne pas essayer DuckDuckGo, un moteur de recherche américain qui n'enregistre pas les requêtes effectuées par ses utilisateurs? Ces conseils pourraient être multipliés à l'infini et montrent combien chacun de nous est capable d'agir, concrètement et simplement, pour un Internet plus propre et plus sobre.” (p. 197-198).
Et si l'on veut faire croire à l'homme de la rue que le numérique peut sauver la planète, il faut lui ouvrir les yeux:
“il ne faut pas confondre les répercussions économiques, sociales et psychologiques du numérique avec sa fonction écologique. Bien qu'il stimule l'éclosion de formidables initiatives destinées à protéger le climat et la biodiversité, le réseau n'a pas été pensé pour “sauver la planète”, et tout discours liant la résilience de la vie sur Terre à la performance des outils digitaux relève de la mystification, de la fable. D'ailleurs, avons-nous entendu dans la bouche d'un expert des technologies numériques: “les TIC ont réellement rendu le monde meilleur, mais, en termes d'impact environnemental, c'est la pire chose qui pouvait advenir” (p. 216).

Un homme de la rue manipulé

Il faut, en effet, prendre conscience que s'est développée chez les maîtres de la nouvelle publicité une vraie science de la “captologie”. Il faut lire Nir Eyal, Comment créer un produit ou un service qui ancre des habitudes (Eyrolles, 2018):
“L'ouvrage décrypte la “matrice des manipulations” perfectionnée par les développeurs aux fins de nous faire consulter notre téléphone pas moins de 150 fois par jour” (p. 222) notamment en jouant avec la couleur bleue testée sur des millions de personnes comme la couleur la plus addictive: “Le bleu, couleur la plus sombre après le noir, favorise la lisibilité des contenus sur les écrans” (p. 223, note 1).
Mais aussi:
“La mécanique du rouge est précisément celle analysée par Nir Eyal: ce stimulus visuel œuvre comme un déclencheur induisant l'action d'ouvrir l'application en vue d'obtenir une récompense… Cette boucle de rétroaction est parfaitement connue des scientifiques: … des armadas de chercheurs observent depuis des années des comportements similaires chez les souris avant de proposer aux entreprises d'y soumettre des milliards d'humains auxquels ils pourront soutirer plus d'attention, donc davantage d'argent. [Mais …] nous n'agissons guère plus intelligemment que des rongeurs” (pp. 225-226).
Il y a pourtant des moyens de réagir:
“De nombreuses solutions visant à reprendre le contrôle de nos existences peuvent être trouvées: désactivation des notifications, suppression des applications les plus addictives (Facebook, Snapchat, Tiktok, Instagram), prise de distance avec les réseaux sociaux dont les algorithmes encouragent l'indignation des utilisateurs … bannissement du téléphone de sa chambre ou encore déconnexion une journée par semaine (voir le site Take Control sur humantech.com)” (p.227).
“Au sein de l'association les Designers éthiques (designersethiques.org) des chercheurs et concepteurs Web offrent également de “dégraisser” les sites les plus gourmands en bande passante au profit de pages Web sobres et épurées. Un bon exemple de cette philosophie est le site Wikipedia …” (p. 228)

Le prochain danger (lié à la 5G) viendra de la robotisation des communications humaines

“Contrairement à la 4G, avertit Jean-Pierre Raskin (2020), la 5G va changer notre nature: ce n'est rien de moins que la colonisation de l'homme par la machine” (p. 230).
Et tout ceci sous la pression des quants funds:
“Révolution numérique aidant, les quants assimilaient une masse toujours plus faramineuse de variables et d'informations. Leur puissance de calcul dépassait à ce point toutes la capacités humaines existantes qu'ils commencèrent à générer … davantage de profits que les fonds traditionnels. […] L'une des multinationales qui a perfectionné cette stratégie d'analyse quantitative n'est autre que Blackrock, le plus grand gestionnaire d'actifs au monde. […] sa plateforme Aladdin gère environ 15.000 milliards de dollars d'actifs (soit 7% des actifs mondiaux) […] et, selon Juan Pablo Pardo-Guerra: “il vaut mieux pour BlackRock dépenser de l'argent dans une machine plutôt que dans le salaire d'analystes qui sont chers et moins efficaces” (pp. 237-239).
“Les quants funds ne sont donc que la face émergée de l'iceberg: dans leur sillage, c'est l'ensemble de la finance qui devient, de plus en plus, une affaire de lignes de codes, d'algorithmes et d'ordinateurs” (p. 240).
“Outre que ces fonds s'opposent peu volontiers à la stratégie menée par les sociétés dont ils sont actionnaires, leurs poids complique les velléités d'actionnaires plus écoresponsables d'influer sur la politique du haut management. À l'évidence, la vague des fonds passifs accélère la crise climatique davantage qu'elle ne la résout, puisqu'elle pompe des capitaux au profit des entreprises à forte intensité carbone, s'alarme le Rapport du Sunrise Project” (p. 243).
“En 2017, un fonds hongkongais (DKV) a même annoncé le nomination d'un robot, baptisé Vital, à son conseil d'administration, au point que plus aucune décision ne sera prise sans avoir recueilli son analyse. Quant à la société américaine EquBot, elle s'attache désormais les services d'une “intelligence artificielle” qui surpasse “les faiblesses émotionnelles et psychologiques qui encombrent le raisonnement humain” comme le déclare le fondateur de la société” (pp.244-245).

Conclusion provisoire:
“il serait possible que les objectifs que nous assignons à l'IA la conduisent à annihiler purement et simplement l'espèce humaine (selon Nick Bostrom) … et la protection de la nature n'irait pas forcément de pair avec celle de l'homme dans la nature” (p. 252 et notes 1 et 2).

Les autoroutes de l'information: aux mains des GAFAM?

Exactement comme les autoroutes, créées avec le développement majeure du trafic automobile principal moteur de l'industrie et du commerce des 75 dernières années, le numérique ceinture la planète de câbles sous-marins de communication. Cette pieuvre touche de près la Belgique notamment:
“[L'Auteur] a assisté aux opérations d’atterrage (installation) du Dunant, le deuxième câble Internet international dont l'entreprise Google est propriétaire … Avec ses douze paires de fibres et sa capacité de près de 300 térabits par seconde, voici l'un des câbles les plus puissants jamais mis en service. Dans quelques mois, il reliera, sur 6.600 km, la ville américaine de Virginia Beach, au sud de Washington, à un data center de Google édifié dans la ville belge de Saint-Ghislain” (p. 256).
“Les progrès de la fibre [optique] ont été exceptionnels depuis la pose du premier câble optique le TAT-8, entre les États-Unis et l'Europe, en 1988. Songez que celui-ci pouvait permettre de passer 40.000 appels téléphoniques simultanés. Aujourd'hui, le Dunant pourrait en supporter 5 milliards ou, si vous préférez, transmettre le triple des informations contenues dans la bibliothèque du Congrès américain en une seule seconde” (p. 261).
“Sur l'axe atlantique, la part de marché des GAFAM était de 5% il y a trois ans. Elle a dépassé aujourd'hui 50% et l'on pense que d'ici trois ans elle sera de 90%, souligne un expert des télécommunications sous-marines dans Les Échos du 6 avril 2019” (p. 266).

En conclusion: un contrôle politique, démocratique, sociétal sur tous ces développements est-il possible?

L'Auteur décrit quelques initiatives dans le dernier chapitre de son livre intitulé Rue de l'Avenir (pp. 309-320). Un exemple:
“Un passionnant rapport du think tank The Shift Project affirme que, face à l'aggravation de l'impact écologique de la vidéo en ligne, le “rôle des pouvoirs publics … est de permettre la priorisation de certains usages par rapport à d'autres, sur la base de leur pertinence, de leur caractère essentiel, au service de l'intérêt général … [premiers signes d'une prise en main “politique”] un régime fort qui œuvrerait à limiter la pollution numérique au moyen de politiques restreignant certaines libertés publiques” (p.314)
On notera que la Chine (avec toutes les réserves que l'on peut faire à l'adresse d'un pays plutôt totalitaire) a pris deux mesures phares dès l'année 2020 et 2021 : a) la première concerne la santé mentale des cervelles humaines en développement en interdisant aux enfants les jeux sur consoles ou autres électroniques plus que 3 heures par semaine le week-end; b) la seconde concerne l'autonomie nationale des sources logicielles (applications, programmes, etc) et des données personnelles. On y opposera évidemment l'utilisation des TIC pour une surveillance généralisée des citoyens!

2. Maîtriser le numérique, n'est-ce pas d'abord maîtriser les finances et le commerce international?

La complexité et le manque de transparence (voulue) des grands acteurs du commerce et de la finance mondiales nous empêchent de voir clairement où il faudrait, démocratiquement et de façon humaniste, prendre des mesures pour mieux piloter les développements actuels qui, pratiquement tous, sont liés aux supports et développements numériques.
Pour tenter de comprendre les enjeux et les mécanismes de la finance et du commerce planétaires, je conseille vraiment à ceux qui, comme moi, ne sont pas “dans le métier” de lire:
a) Pierre-Noël Giraud, Le Commerce des Promesses. Petit traité sur la finance moderne, Paris, Le Seuil, janvier 2001 (2009²), ISBN 2-02-038110-9, 384 pp.
b) Arnaud Zacharie, Refonder le Commerce Mondial, Bruxelles, CAL, octobre 2021, ISBN 978-2-87504-42-8, 144 pp.
Le message clair et majeur de ces deux ouvrages est que:
1° Depuis l'abandon en 1971 des accords de Bretton Woods (1944) qui liaient les finances à un étalon-or, y préférant des taux de change flottants et négociés, la finance internationale s'est détachée progressivement de l'économie réelle (production, innovation, service, etc).
2° Cette finance est puissamment liée à des accords entre les États-Unis et l'Arabie Saoudite (membre majoritaire de l'OPEP) pour des payements du pétrole uniquement en dollars américains (les pétro-dollars).
3° Cette finance a, de plus en plus, été dirigée par des professionnels, (parmi lesquels les Fonds de Pension américains seraient majoritaires); des professionnels qui exigent un rendement maximum et au plus court terme pour leurs actionnaires, faisant ainsi pression sur toutes les activités “financées” et donc: tout type d'investissement.
4° Cette pression des gestionnaires financiers obligent l'industrie, la recherche et même les services à baisser sans cesse les coûts des matières premières (venant souvent des pays émergents) ainsi que les coûts du travail.
5° Cette pression est accentuée par l'extension rapide du numérique (et donc de la robotisation) qui écarte du travail les masses humaines non-spécialisées et qui limite les salaires et charges sociales.
6° Enfin, cet “argent fou” est de plus en plus géré, au-delà des “professionnels” cités plus haut, et en concurrence avec eux, par les développements esclavagistes des GAFAM (Google, Alibaba, Facebook, Apple, Microsoft) et des BATHX (Baïdu, Alibaba, Tencent, Huawei Xiaomi).
7° Les dirigeants industriels et les États n'ont plus beaucoup de moyens (sauf régimes très autoritaires?) pour résister aux puissants lobbies planétaires de ceux qui sont à la manœuvre de la finance et du commerce et qui se jouent de tous les traités et lois (tant nationaux qu'internationaux).

2.1. Le commerce des promesses

Le titre donné à son livre résume bien la conclusion que l'on se fait à la lecture de ce “Petit traité sur la finance moderne” de P.-N. Giraud.

La globalisation mondiale de la finance

Qui détient vraiment quoi … sinon en “crédit”: une promesse inscrite (et aujourd'hui sous forme de quelques bits et bytes) dans les comptes d'une Banque ou d'un organisme de crédit?
“Vous avez raison de commencer par la finance, car c'est certainement dans ce domaine que l'entreprise destructrice qu'est la globalisation est la plus avancée. Son objectif est bien, en effet, de détruire le fragile équilibre qu s'était mis en place dans l'après-guerre 40-45 entre le capital et le travail, sous menace de contagion communiste. Cet équilibre, malgré ses injustices flagrantes, a tout de même permis en Europe, au Japon et aux États-Unis l'augmentation générale des niveaux de vie. Il est aujourd'hui détruit au seul profit du capital. La globalisation financière a privé les États, garants de ce fragile équilibre, de tout moyen de contrôler les appétits désormais sans limites de l'argent qui ne cherche qu'à se transformer en plus d'argent. Les marchés financiers dictent désormais aux États leur politique monétaire: ce que doivent être les taux de change et les taux d'intérêt. Ils se mêlent même de dicter les politiques budgétaires, exigeant que l'État “maigrisse”, que les système d'assurance sociale et les entreprises de service public soient démantelées et privatisées, que les impôts et les prestations sociales soient réduits. Tendanciellement, si l'on n'y met fin, le monde sera gouverné par un groupe d'institutions financières et de firmes multinationales sans aucune légitimité démocratique” (pp. 19-20).

Les investissements et les fondamentaux (faute d'équivalent-or)

Après avoir donné une histoire de la finance mondiale, l'Auteur tente d'expliquer les mécanismes, notamment celui des investissements sur lesquels il conclut:
“Retenons à ce stade deux choses. Un investissement n'est qu'une promesse de revenus futurs. La décision d'investir ne peut être entièrement calculable, elle dépend nécessairement en partie d'une vision subjective de l'avenir de cette promesse” (p. 80).
Une autre notion importante est celle des fondamentaux:
“Avec les taux d'intérêt et la prime de risque, les fondamentaux du prix d'une action sont les bénéfices qui seront réalisés dans le futur par l'entreprise. Notons, que, contrairement aux coupons d'une obligation à taux fixe, ils ne sont pas du tout observables. Ce qui l'est, ce sont les bénéfices passés. Mais l'information sur les bénéfices passés ne vaut pas grand chose pour prévoir les bénéfices futurs, sauf, à l'extrême rigueur, dans le cas d'une entreprise bien établie dans un secteur à maturité où les parts de marché, les prix et les profits sont stables. La preuve a contrario en est l'augmentation vertigineuse du prix de certaines actions dites “Internet” alors que les entreprises en question n'ont fait que des pertes depuis leur introduction en Bourse” (p. 104-105).
Et l'Auteur n'exclut pas qu'il s'agit là souvent d'un “jeu” assimilable aux jeux de Casino:
“La capitalisation boursière reflète le niveau des paris qui sont pris par les acteurs rationnels “joueurs”, ceux qui ont le goût du risque” (p. 110).
Quelles sont alors les règles de ce jeu?
“Appliqué aux marchés des actions, cela signifie que, pour réussir, les investisseurs doivent se préoccuper non de la valeur véritable d'un investissement, mais de la valeur que le marché, sous l'influence de la psychologie de masse, lui attribuera un mois ou un an plus tard”. Ce comportement est le seul rationnel: il ne sert à rien d'avoir raison contre la majorité, on gagne en ayant tort avec la majorité. Car si la majorité pense qu'un prix va monter, les achats l'emportent sur les ventes et le prix monte effectivement: il est alors rationnel d'acheter” (p. 110).
“Même pour l'acteur le plus fondamentaliste, celui dont le modèle n'admet comme paramètre d'entrée que des faits observables, et non l'opinion des autres, ce n'est jamais qu'un modèle d'interprétation. Il est fondé sur une “vision” du monde à venir saturée de croyances purement subjectives. Il est donc susceptible de modifications profondes sous l'effet d'événements éventuellement minuscules, mais qui mettent en doute la cohérence et la pertinence du modèle ancien et obligent à en reconstruire un nouveau, qui peut être très différent” (p. 119).

La monnaie flottante

Et la monnaie dans tout cela? D'où vient-elle? À quoi sert-elle?
“Comment la monnaie est-elle créée? Dans les systèmes monétaires contemporains, ce sont les banques commerciales qui ont l'initiative de la création monétaire. Une banque crée de la monnaie en faisant crédit à ses clients” (p. 132).
Il faut donc y “croire” (mot de la même racine que “crédit” - “credo”) ce qui vaut également pour la valeur de la monnaie. Et là, outre les mécanismes de l'offre et de la demande qui font varier les valorisations, l'Auteur souligne la puissance “chamanique” des déclarations des Banques Centrales (et particulièrement de la FED (banque centrale américaine):
“Restent heureusement les moyens chamaniques. On ne peut qu'être frappé … de l’importance que semblent avoir actuellement les déclarations des présidents des banques centrales et, en premier lieu, de celui de la banque centrale américaine, la FED (Alan Greenspan au moment où ce livre est écrit). On peut même avoir l'impression qu'Alan Greenspan gouverne en quelque sorte, sinon le monde, du moins l'essentiel de l'économie mondiale par la simple puissance de sa parole” (p. 141).

Vers des Réformes du système financier mondial

Mais le système actuel de la finance mondiale est dangereux et ne tient pas suffisamment compte, selon l'Auteur, du caractère “contingent” de l'avenir:
“La finance, dans les systèmes monétaires contemporains où ce sont les banques commerciales qui créent un pure monnaie de crédit, produit inévitablement des droits en excès sur la richesse future. Cela provoque des purges périodiques des droits en excès, de nature différentes selon les systèmes financiers (poussées inflationnistes ou crises financières), qui engendrent des conflits de répartition et des transferts de richesse” (p. 192).

Les membres du G7 ou le FMI réfléchissent aux limites et dangers du système financier mondial et ils ont fait des propositions. Et ces instances officielles ne sont pas les seules à réfléchir:
“Particulièrement depuis l'échec de la conférence de l'OMC (Organisation Mondiale du Commerce) à Seattle en 1999, de nombreux ONG, associations et partis débattent des moyens de “maîtriser la globalisation”. La proposition la plus discutée est certainement la taxation des mouvements de capitaux, dite “taxe Tobin”. Cependant, ni les réformes envisagées dans les cercles officiels, ni la taxe Tobin ne visent à une profonde transformation du système actuel” (p. 271-272).
L'Auteur présente et propose les principales suggestions de réforme du système financier et monétaire mondial faites par le Professeur Maurice Allais (1911-2010, Prix Nobel d'économie en 1968):
“Tel est le cœur des réformes proposées par Allais. Elles prévoient d'autres mesures [En note: “En particulier: le retour à un régime de change fixe mais ajustable entre monnaies, une réforme du fonctionnement des Bourses qui ne coteraient chaque valeur qu'une fois par jour, au lieu de l'actuelle cotation en continu, et une réglementation drastique des marché dérivés”], mais l'essentiel est la séparation et le cloisonnement des activités bancaires ainsi que le fait de réserver à l'État la création monétaire. L'intérêt de ces propositions est qu'elles désignent très clairement la racine de l'instabilité du système monétaire et financier contemporain: la possibilité pour la finance de créer des droits en excès grâce à une création monétaire par le crédit bancaire qui échappe largement au contrôle de l'État. C'est cette possibilité que les réformes d'Allais visent à supprimer. Mais à quel prix? Au prix de la suppression du pouvoir de création monétaire des banques, pouvoir désormais réservé à l'État” (pp. 274-275).

Les Fonds de Pension et les Sociétés professionnelles de financement sont-elles les nouveaux propriétaires de toute l'économie mondiale?

“Pour certains, ce sont [les Fonds de Pension] qui partout imposent désormais la loi implacable et destructrice du profit maximum. D'autres y voient cependant, paradoxalement, un espoir de socialisation du capital. À leurs yeux, les fonds de pension et plus généralement les gestionnaires des autres formes d'épargne salariale seraient la seule voie moderne d'une maîtrise retrouvée des rapports entre capital et travail, la voie étatique étant désormais barrée par la globalisation” (p.297).
“Au total, l'épargne financière gérée par l'ensemble des “institutionnels” en 1996 était de 13.400 milliards de dollars, soit 181% du PNB aux États-Unis, et de 1.300 milliards de dollars, soit 83% du PNB en France (Annuaire statistique de l'OCDE, 1998)” (p. 300).
“Pour des raisons démographiques, et parce que la libéralisation financière a engendré une complexité et un risque accrus dans la gestion de patrimoines financiers, faisant reculer la gestion directe, les gestionnaires d'épargne pour compte de tiers des pays riches sont devenus “les” acteurs prépondérants de la finance globale et sont désormais des actionnaires très important des entreprises cotées en Bourse. Quelles en sont les conséquences?” (p. 305) “Je soutiendrai que les institutionnels sont devenus les véritables propriétaires des grandes entreprises cotées. […] Dans un très grand nombre d'entreprises cotées, les institutionnels détiennent désormais le droit de contrôle résiduel” (p. 310).
“Il en résulte que, pour la première fois dans l'histoire des capitalismes, les entreprises sont gérées selon l'objectif unique de “maximisation des profits”, objectif que leur attribuaient, à tort jusqu'ici, l'essentiel des modèles microéconomiques. […] Le paradoxe fascinant, c'est que ce grand pas du fonctionnement réel des capitalismes vers les comportements et mécanismes capitalistes “pur” que décrivent les modèles théoriques de l'économie, se produit grâce au fait que des gens, qui sont pour l'essentiel des salariés, sont, par l'intermédiaire des institutionnels , devenus ou en passe de devenir les propriétaires des plus grandes entreprises. […] la question est de savoir si les salariés, par l'intermédiaire des fonds qui gèrent leur épargne, peuvent espérer influencer les dirigeants des entreprises et fonder ainsi de nouvelles relations entre le capital et le travail. Ce sont des questions très difficiles et partant controversées” (pp. 314-315).
Et les choix industriels, même ceux qui seraient importants par exemple pour une gestion prévisionnelle du climat, dépendent aujourd'hui de décisions de ce “capitalisme- propriétaire” des gestionnaires de Fonds financiers:
“si l'on pense que l'humanité ne pourra se passer du nucléaire pour lutter contre l'effet de serre, faut-il accuser les fonds de pension et la privatisation des sociétés électriques du non-développement d'une technologie indispensable à l'avenir de l'humanité? Puisque l'utilisation du gaz dans la production de l'électricité y contribue, contrairement au nucléaire, il faut taxer le gaz (et tous les combustibles fossiles) … Le prix de l'électricité augmentera d'autant, et l'EPR (réacteur de nouvelle génération) deviendra rentable même pour le fonds de pension le plus exigeant.” (p. 318).
Et la globalisation capitalisante dirigée par les gestionnaires professionnels de finances augmente également les inégalités entre les revenus du capital et ceux du travail:
“On sait que les fonds de pension “exigent” une rentabilité de l'ordre de 15% ou plus des fond qu'ils investissent, et qu'ils l'obtiennent, du moins, pour le moment. … la rémunération du capital financier est aujourd'hui historiquement élevée, tandis que les salaires moyens réels n'augmentent que modérément. En conséquence, les inégalités de patrimoine s'accroissent encore plus vite que celles des revenus” (p. 331-332).

Résolution brutale des conflits

“Dans la finance de marché globale, les conflits se résolvent dans des crises financières et les récessions qu'elles engendrent. Les transferts sont imprévisibles, brutaux, internationaux et n'épargnent aucune forme de revenus. De plus, ils échappent très largement (mais pas totalement) au contrôle des États nationaux, donc à la possibilité de choix politique sur le “qui va payer?”. […] La finance globale a rendu le monde plus dangereux pour la prévisibilité et la stabilité des revenus de chacun” (pp. 353, 355).

2.2. La réforme du Commerce international: Arnaud Zacharie.

Très lié par nature à la gestion de la finance internationale, le commerce planétaire est fait d'une interaction terriblement complexe entre les lobbies financiers et industriels au travers d'institution internationales qui ont tendance, de nouveau, à maximiser le gain maximum immédiat à ce que l'Auteur appelle: l'échange durable. “L'échange durable consiste à faire du commerce mondial un puissant levier au service de l'emploi, du climat, de la santé, et, in fine, de la démocratie” (p. 11).
L'analyse d'A. Zacharie en 2021 confirme, 20 ans après – et la crise financière de 2008 ayant confirmé toutes ses analyses –, l'ensemble des propos du livre de Giraud.
“Alors que le système international des Trente glorieuse était fondé sur des règles financières contraignantes et des règles commerciales souples, c'est la logique inverse qui a gouverné la mondialisation néolibérale: des règles commerciales contraignantes et un système financier et monétaire basé sur la déréglementation et la libéralisation. […] La solution idéale serait d'instaurer un nouveau système international de réserve s'inspirant … des accords de Bretton Woods … et des conseils de J.M. Keynes [… et comme l'on ne peut toucher au “pétrodollar”] … une solution intermédiaire consisterait à confier au FMI la mission de coordonner des accords décentralisés d'échange de réserves entre banques centrales, en créant une facilité de dépôt mondial fondée sur son unité de compte – les Droits de Tirage Spéciaux (DTS) … mais en l'absence de régulation multilatérale du système monétaire international, la réhabilitation des contrôles des capitaux permettrait aux États d'enrayer les mouvement erratiques des flux de capitaux internationaux. … De tels contrôles permettent d'enrayer les entrées et sorties excessives de capitaux à l'origine de l'instabilité des taux de change.” (pp. 130-131).
“Plus généralement, la refondation du commerce mondial devrait chercher à mondialiser le travail décent. […] … le corollaire du travail décent est de mettre fin à l'exigence excessivement élevée de rentabilité du capital pour les actionnaires. … Mettre fin à cette financiarisation des firmes transnationales nécessite de renforcer la démocratie économique en donnant autant de pouvoir aux travailleurs qu'aux actionnaires au sein des conseils d'administration, en répartissant plus équitablement les gains de productivité et en donnant la priorité aux modes de production durables” (pp. 132-133).
Aider à mieux comprendre les enjeux demande de maîtriser un très grand nombre de paramètres, ce qui commence par la connaissance des sigles désignant acteurs et actions du domaine, le livre de A. Zacharie, dans sa brièveté (recommandable et aidant à la clarification) aurait gagné à donner le petit Index suivant (créé par mes soins):

- ADPIC : Accord sur les Droits de Propriété relatifs au Commerce, en vigueur dans l'OMC depuis 1995
- ALENA : Accord sur le libre-échange Nord-Américain de 1994, renégocié en 2018 et renommé USMCA
- BATHX : multinationales chinoises Baidu, Alibaba, Tencent, Huawei, Xiaomi
- CETA : Accord entre l'Union européenne et le Canada (2016)
- FMI : Fonds Monétaire International : né en juillet 1944 (conférence de Bretton Wood); gère notamment les DTS; siège à Washington (USA)
- GAFAM : multinationales américaines: Google, Amazon, Facebook, Apple, Microsoft
- GATT : Accord Général sur les Tarifs douaniers et le Commerce, signé en 1947; remplacé par l'OMC en 2001; siège à Genève (Suisse)
- ICS : International Court System: mécanisme d'arbitrage instauré en 2016 par l'Europe en place de l'ISDS
- ISDS : Investor-State Dispute Settlement: USA et Canada s'en sont retiré en 2018 en modifiant l'ALENA devenu USMCA
- OCDE : Organisation de Coopération et de Développement Économiques: succède en 1961 à l'OECE 'Organisation de Coopération Européenne Économique = Plan Marshall) ; siège à Paris
- OIC : Organisation Internationale du Commerce, prévue dans la Charte de La Havane (1948) et remplacée par l'OMC en 1995
- OIT : Organisation Internationale du Travail (1946): agence liée à l'ONU (183 États en sont membres en 2012)
- OMC : Organisation Mondiale du Commerce (anglais WTO World Trade Organization): créée sur les cendres du GATT en 2001 (adhésion de la Chine en 2001) – siège à Genève (Suisse) – voir aussi ADPIC, ORD, PMA
- OMS : Organisation Mondiale pour la Santé, créée en 1948, siège à Pregny-Chambesy (Genève – Suisse)
- ORD : organe de règlement des différents dans l'OMC
- PMA : Pays les moins avancés : comporte 46 pays dans l'OMC
- RCEP : Regional Comprehensive Economic Partnership: partenariat régional économique global adopté en 2020 par 15 pays d'Asie et du Pacifique (entré en vigueur le 01.01.2022)
- SPG et SPG+ : système de préférences généralisées, créé en Europe en 1971 en faveur des économies des pays émergents; en vigueur depuis le 01.01.2014; compléments français au 14.02.2018
- TCE : Traité sur la Charte de l'Énergie, signé par 40 États le 17.12.1994; comportant 75 pays en 2015; siège à Bruxelles, Belgique
- TTIP : Traité transatlantique USA-Europe : non signé
- TPP : Traité Transpacifique : abandonné par l'Administration Trump
- USMCA : successeur de l'accord ALENA (USA-Canada)
- WTO : World Trade Organization (voir OMC)

CONCLUSION de cette Veille Technologique portant sur la Finance et le Commerce planétaires tels que confortés par l'emprise galopante du Numérique

Un faible espoir de nouvelles régulations pourrait venir du conflit entre les États-Unis et la Chine … s'ils ne conduisent pas à des confrontations violentes!

Mais la numérisation à outrance pousse aujourd'hui les Banques et Financiers à éliminer la monnaie papier et acier pour les remplacer par des monnaies électroniques, ce qui renforcera le contrôle absolu par traçage téléphonique et autres de tous les citoyens désormais dépouillés de tout moyen autonome de payement … sauf à en revenir au troc! La Norvège qui a tenté l'expérience en est déjà revenue!
La grande masse des citoyens, plongés dans un monde hyper-médiatisé, envahissant et distrayant, est poussée vers une isolation individualiste que les deux années de pandémies covid-19 ont accentué et qui empêche les citoyens d'exercer leur poids démocratique sur l'évolution de la société (planétaire) dans laquelle l'humain se développe et vit. Cela provoque même une dangereuse contestation du “système démocratique” (voir INTERFACE_2020 de décembre 2021).

Tableau trop noir? Lisez Pitron, Giraud, Zacharie, Téterel, McNamee, Turckle, Klein, Smith et d'autres dont je vous ai présenté les réflexions depuis plus de 3 ans!