Cinq années de Veille spirituelle
Un appel à la “conversion” (= un changement non seulement de l’extérieur, mais également de l’intérieur!)?

Décembre 2024

Un Bilan de ces 5 années de Veille Spirituelle est difficile à réaliser.
En regroupant certaines thématiques qui ont fixé l’attention du Veilleur, je ne sais pas à laquelle donner priorité, ni comment classer les autres… il faut donc accepter que nous sommes dans une période de transformation de l’humanité qui bouscule également tout ce qui touche au “spirituel” (pour ne pas étiqueter tout cela comme “religieux”)!

Ce qui semble certain, c’est qu’une humanité “autre” se dessine. Elle lit autrement tant la nature (et notamment la nature humaine) que la façon dont cette nature a été “lue” depuis de longs siècles!

Pour garder vive la présence de l’Esprit (Février 2023) il faut pouvoir “changer de mentalité” sur de très nombreux points qui semblaient jusqu’ici “acquis”: le bien et le mal, les rapports entre femmes et hommes, notre rapport à la finitude (notamment fin de vie, gestion du “temps”), notre rapport à la gestion des biens et des richesses, nos moyens de connaissance à l’heure de l’Intelligence Artificielle généralisée et de la prolifération de réseaux de communication planétaires et instantanés, notre vision de l’avenir de l’humanité, des groupes identitaires (y compris “chrétiens”), voire notre perception du “religieux”.

La galerie de personnes dont j’ai retenu les propos, les actions, les comportements ou les pensées, témoigne de cette vision renouvelée et globale qui semble indispensable à une approche spirituelle et personnalisante du monde: Pierre Teilhard de Chardin, Pierre Babin et Marshall McLuhan, Moïse, Jean Roulin, Armel Guerne, Marie Balmarie, Blaise Pascal, Xavier Dijon, G. Cuchet, Paolo Pascual‒Ferra, Sénèque, Pierre Giorgini, Thierry Magnin, François Euvé, E. Grenal, Dominique Lambert, Isabelle Rivière, Georges Lemaître, Christian Cannuyer, Samir Arbache, Delphine Horvilleur, Jean Bajard, Jacques Ellul, Ivan Illich, David d’Harmonville, Didier van Cauwelaert, J.‒Ch. Cointot, Bernard Pottier… et quelques autres!

Ma dette est donc immense! C’est une des raisons pour ne pas risquer une “synthèse” qui trahirait ces précieux apports dont je considère que chacun façonne notre façon de voir le monde et notre humanité d’aujourd’hui en marche vers un avenir que les générations suivantes vivront avec étonnement… si elles ne sont pas confrontées à une disparition rapide et brutale de l’humanité telle qu’elle s’est développée depuis quelques milliers d’années!

Parions plutôt sur une humanité en vraie mutation d’ici la fin du 21e siècle!

Avons‒nous certaines pistes pour qu’elle soit un rêve et non un cauchemar?

1. Modifier notre façon de penser

Une modification radicale de la façon de penser semble s’annoncer et sera probablement indispensable pour utiliser de façon humainement correcte les “machines à penser” qui se développent avec l’Intelligence Artificielle (ou “Manipulation électronique et programmée de données codées”) qui est gérée planétairement par des ordinateurs quantiques et met tous les humains en interconnexion instantanée, avec “en main”, par le son et par l’image, tout le savoir disponible!

Une “intelligence partagée” comme on peut en voir un modèle physique dans ces Salles de commande des lancements de satellites?

Si l’on se trouve probablement à une étape nouvelle d’une grande embryogenèse d’humanité (cf. S. Paul aux Romains, chapitre 8: “nous savons que jusqu’à ce jour la création tout entière gémit dans les douleurs d’un enfantement”), il ne serait pas anormal que se mettent en place des groupements de neurones humains capables d’exploiter (= conserver intelligemment et utiliser à bon escient) les immenses mémoires en développement!

2. Des modèles pour penser “humainement”

De tous les noms cités plus haut qui ont nourri ces chroniques d’Interface_2020, je retiens, après cinq années de “Veille”, celui de Pierre Teilhard de Chardin.
Il fut, en effet, une des sources de ces réflexions commencées avec la pandémie du Covid‒19 qui a si bien mis en évidence l’unification planétaire du “genre humain”!

L’exploration de cette source m’a amené à la conviction qu’il était le penseur “chrétien” dont le mode d’expression et la vision du réel “humain” donnaient le plus d’atouts pour développer une intelligence vraiment “humaine” et “personnalisante” de l’humain et de l’ensemble de ce que le judéo‒christianisme appelle la “création”.

Une vision et un mode de pensée et d’expression qui ont fait peur aux “gardiens de la Foi” de l’époque de Pierre Teilhard et qui continuent d’effrayer ceux pour lesquels la “Lettre” de la Loi reste plus importante que son “Esprit” pour préserver et promouvoir l’humanité dans laquelle le Dieu de la Foi abrahamique a voulu se révéler, s’incarner et se comprendre lui‒même (“ à son image et à sa ressemblance”)! Cette “incarnation” en “humanité” est “cruciale” pour indiquer la flèche du futur!

3. Une vue positive sur les aspects potentiellement négatifs de la réalité

Cette vision – que j’attribue, quant au fonds, à la pensée de Pierre Teilhard de Chardin ‒… mais enrichie pour moi et par moi à d’autres réflexions – considère les difficultés de la “vie” (et en premier lieu la “mort”) comme un mécanisme obligé de la vraie vie.

Dès lors, les bouleversements, des plus minimes aux plus tragiques (selon la façon dont ils nous concernent plus directement ou violemment), sont à considérer et à assumer comme des étapes nécessaires d’une “croissance”.

Dans cette perspective, la description que donne Delphine Horvilleur (Vivre avec nos morts) de ce qu’elle a appris au cours de ses travaux d’embryologie en faculté de médecine, reste pour moi fascinant et des plus instructif: pour qu’une main humaine se construise ‒ (avec des “doigts” dont on sait que la faculté de préhension est déterminante pour l’apparition de l’intelligence humaine) – il faut que, ce qui est d’abord apparu comme une “palme”, se transforme: “les doigts s’individualisent et se séparent un à un par destruction des cellules qui les joignaient les uns aux autres. Pour le dire autrement, nos corps se sculptent par la mort des éléments qui le composent. […] Nous devons donc la vie à la mort qui a œuvré […] C’est quand la vie et la mort se tiennent la main que l’histoire peut continuer” (op. cit. p. 21).

D’où l’importance capitale, aujourd’hui, d’une vision plus positive sur la fin de vie comme sceau d’une hominisation de plus en plus consciente.

Guerres et catastrophes sont à voir comme des mutations positives de l’évolution. La mort individuelle, pour être une “bonne mort” (en grec “eu‒thanasie”) doit être accueillie le plus positivement possible ‒ (“donner sa vie” se retrouve dans toutes les morts héroïques, à commencer par celle de Jésus de Nazareth, modèle et voie de la “culture occidentale”!).
Ceci devrait guider nos jugements et nos agissements dans les débats sur la fin de vie – comme d’ailleurs ceux sur l’interruption de grossesse!

4. Écologie intégrale

La vision précédente doit être étendue à l’ensemble des éléments du créé qui sont constitutifs de notre existence comme humains.

“Penser global et agir local” selon la formule de Jacques Ellul, pourrait en être la devise!
Cela appelle un regard très critique sur toute “numérisation” qui risquerait de n’être qu’un reflet déformé de ce qu’est réellement, aujourd’hui et pour demain, une “humanité”!
Et la plus dangereuse des numérisations actuelles pourrait bien être celle de la finance qui gouverne toutes les décisions planétaires.

Mais, à chaque “personne” reste la possibilité de “voter avec son portefeuille”, c’est‒à‒dire: influencer les choix majoritaires par ses choix personnels et locaux!
Cela demande aussi de refuser que la “parole” soit réduite à un “code” ‒ ce qui est malheureusement le cas si la Loi (la Torah) devient un “corset technologique” plutôt qu’une ouverture et un rappel (mémoire) du message de l’Esprit… et donc de la relation personnelle!

5. Autre homme autre chrétien à l’ère numérique

Cette vision nous mène à accepter sans réticence (si pas sans difficulté) toute une série d’évolutions dont nous ne percevons probablement pas encore le caractère inéluctable et les effets positifs dans une évolution qui mènerait vers “plus d’humanité”!

Les erreurs possibles dans une telle progression ne doivent pas faire renoncer à “aller de l’avant” comme disait Pierre Teilhard de Chardin.

Parmi les grandes mutations en cours, je ne serais pas étonné qu’un large basculement sociétal planétaire remette en honneur un “matriarcat” abandonné depuis les premières “civilisations” connues. Une féminisation de la société pourrait devenir l’image commandant la vie en société dans un futur proche! (…malgré un échec récent aux États‒Unis?).

Quant au discours “chrétien”, la dimension planétaire de la nouvelle humanité interconnectée va obliger à un “catholicisme réel” (“cath‒olos” en grec = partout, universel) et non plus une religiosité marquée par l’Empire romain comme en témoignent encore les subdivisions administratives et territoriales (évêchés, paroisses) de l’Église catholique romaine!

La vision nouvelle et positive d’une humanité en évolution accélérée devrait remodeler le discours et les structures de la chrétienté. L’intégration de cette Foi millénaire à la culture numérique (qu’elle a amené sans le savoir!!), l’évangélisation réelle de cette nouvelle culture n’en sont encore qu’à leurs balbutiements… avec, probablement, beaucoup d’erreurs possible dans les choix d’adaptation. Mais la réflexion et les expérimentations sont en cours et l’on peut espérer (et vouloir) le meilleur “en avant et sans rien laisser d’inessayé” selon une expression de Pierre Teilhard de Chardin!

Dans l’Appendice qu’il donne à l’édition définitive du Phénomène humain, la synthèse la plus complète de sa vision de l’évolution humaine et de son environnement, il dit notamment à propos de la présence du Mal, qu’on voit clairement la présence d’un Mal de Croissance dans l’univers comme dans l’humanité:

“Mal de croissance, par où s’exprime en nous, dans les affres d’un enfantement, la loi mystérieuse qui du plus humble chimisme aux plus hautes synthèses de l’esprit, fait se traduire en termes de travail et d’effort tout progrès en direction de plus d’unité. […] D’une manière ou de l’autre, il reste que, même au regard du simple biologiste, rien ne ressemble autant que l’épopée humaine à un chemin de croix. ‒ Rome, 28 octobre 1948 – P. Teilhard de Chardin” (Le Phénomène humain, Éditions du Seuil, 4e trimestre 1955, p. 348)
[N.B.: Pierre Teilhard de Chardin est décédé à Pâques de 1955 sans que ses principales œuvres aient pu être publiées].