L'insolence des “Miracles”:
des “faits” à respecter?
Avril 2024
Si des faits attestés nous dérangent, fait-il les écarter sans plus?
“Pilate lui dit: Qu'est-ce que la Vérité?” (Jean 18.38)
Dans le verset qui précède cette splendide et éternelle question de Pilate, Jésus de Nazareth lui avait dit: “C'est pour rendre témoignage à la vérité que je suis né et que je suis venu dans le monde. Tous ceux qui sont de la vérité écoutent ma voix” (Jean 18.37)!
Cette quête de la Vérité est derrière toute recherche authentique de ce qui est réel selon le double sens sémitique du mot “dabar”: réalité et vérité!
Face à l'inondation d'informations de toutes natures et sous toutes formes qui ne se contente plus d'être enfermée dans un livre (que l'on peut fermer) ou dans un périodique (qu'on peut laisser) ou de couler d'une communication orale (radio) ou visuelle (télévision – désormais sur tous types d'écrans y compris téléphoniques), comment être assuré que nos “capteurs naturels” (yeux, oreilles, papilles, sensations) captent vraiment une réalité/vérité?
Le livre de Didier van Cauwelaert, prix Goncourt d'origine belge, sur l'insolence des miracles, nous entraîne sur une piste de réflexion qui permette à nos esprits de ne pas se limiter à la matérialité de ce que nos sens nous permettent de reconnaître comme “réalité/vérité”!
Cela fait écho, pour le Veilleur, à un écrit très peu connu et très peu cité du grand penseur scientifique et religieux que fut le P. Pierre Teilhard de Chardin. Il fut requis pour écrire en 1908 (il a alors 26 ans et ne sera ordonné prêtre dans la Compagnie de Jésus qu'en 1911) un article sur “Les Miracles à Lourdes et les enquêtes canoniques” dans la très importante revue jésuite Les Études (janvier 1909). Sa vision de scientifique croyant est très claire: il faut d'abord établir et respecter les “faits” s'ils sont avérés et même s'ils dérangent; puis il faut examiner froidement les explications que l'on peut donner à ces faits …même s'il faut que la science reconnaisse ses limites! Qu'une “autorité” puisse alors exprimer des explications qui dépassent le discours humain, on entre dans le domaine de la Foi (qui n'est pas “crédulité”)!
Didier van Cauwelaert, L'insolence des miracles, Paris, Plon, 2023 (novembre), 272 pp.
Écrivain prolifique dans tous les genres depuis plus de 40 ans, Didier
van Cauwelaert a choisi un thème dont le titre donne toute la saveur d'avance:
l'insolence est une forme de présence très parlante dans nos vies de
l'insolite!
Et l'Auteur tente de le faire sentir à travers 18 “récits”
interpellants autour des faits “miraculeux” attestés surtout dans une tradition
“catholique” (mais il y a aussi une “source à miracles” à La Mecque).
Lourdes, bien sûr; mais également, le regard d'Émile Zola, le Linceul de Turin, la Vierge de la Guadelupe, les phénomènes “mystiques” mais bien documentés d'Yvonne-Aimée Beauvais de Malestroit ou ceux du Padre Pio, ou l'héritage de l'ermite libanais Charbel Makhlouf, …et beaucoup d'autres bien documentés!
Même si je n'y crois pas, ‒ au miracle! ‒ le témoignage de la résistance cléricale à tous ces types de manifestations jusqu'au moment où des “autorités” sont presque forcées à donner une “approbation sous réserve”, devrait faire réfléchir les vrais anti‒cléricaux!
En effet
…les persiflages s'enrayent dès lors qu'on s'immerge dans les archives du Comité médical international de Lourds. Cette instance, composée d'une trentaine de spécialistes, instruit des dossier dont l'étude peut durer des décennies. Après quoi, les cas retenus sont passés au crible par une commission canonique réunie par l'évêque de l'heureux bénéficiaire.
Résultat? Depuis 1858, la médecine a reconnu plus de sept mille deux cents cas de guérisons inexpliquées à Lourdes; l'Église, elle n'en a retenu que soixante-dix. Car si le sanctuaire pyrénéen est considéré par certains comme une foire aux miraculés, les normes de contrôle sont d'une telle sévérité que l'autorisation de mise sur le marché des “élus” relève aussi, du miracle. (pp. 13‒14)
Les miracles de transformations d'hosties consacrées (comme celle de Lanciano en Italie) sont tout aussi troublants
…le sang de groupe AB positif possède des propriétés physiques et chimiques intactes, comme s'il venait toujours d'être prélevé moins d'un quart d'heure plus tôt. Et, là encore, au vu de l'ADN, il s'agirait du même sang qui imprègne le Linceul de Turin, la Tunique d'Argenteuil et le Suaire d'Oviedo.
En langage trivial, on pourrait parler de piqûres de rappel. Mais destinées à qui, à l'Église ou à la science? Et destinées à rappeler quoi? Le supplice de Jésus, sa présence réelle dans les hosties consacrées – ou bien le pouvoir de notre cerveau qui serait capable de transformer le réel en fonction de nos croyances? On admet aujourd'hui en physique quantique l'influence de l'observateur sur les particules qu'il observe. Alors …la foi permettrait‒elle de modifier la matière? (pp. 46‒47)
À propos d'Émile Zola (qui a écrit un roman intitulé Lourdes et a voulu explorer de la façon la plus critique ce qui se passait là)
Tiraillé entre sa défense acharnée des valeurs humaines, son honnêteté, son combat naturaliste et l'évidence du surnaturel dont il ne se sentait pas le droit d'entériner les preuves, l'écrivain avait su exprimer à titre prémonitoire, dans une interview précédant sa double expérience du miracle, la synthèse de toutes ses contradictions: Le spectacle des malades devant la grotte, le bruit de toutes ces prières, l'écho de toutes ces plaintes m'ont littéralement sauté à la gorge. Je trouve cela supérieurement beau. Donner du courage, faire tomber un rayon d'espérance …N'y aurait‒il que cela, Lourdes serait un grand bienfait.
Les prodiges qu'il avait constatés ne faisaient que valider le cri du cœur. Mieux qu'une révélation de la puissance de Dieu, il y voyait une réévaluation de l'humain dans se pouvoirs insoupçonnés, ses ressources intérieures, sa transcendance organique, puisque le phénomène de guérison instantanée éclairait tout autant les capacités de la chair que le rôle de l'esprit. (p. 56)
Et autour du Suaire de Turin pour lequel les études les plus récentes apportent des précisions vraiment troublantes sur une authenticité probable
Alors comment cet homme de chair et de sang
ordinaires a-t-il pu se désintégrer dans un linge en y laissant à la fois une
empreinte physiologiquement normale et une image corporelle techniquement
irréalisable?
C'est l'énergie qui crée la matière, affirment aujourd'hui les
physiciens quantiques. Elle pourrait donc la décréer sans que cette énergie se
perde. Elle se transformerait, simplement, selon le principe cher à Lavoisier.
Mais que deviendrait‒elle? On sait que dans les accélérateurs de particules,
matière et antimatière s'annihilent en émettant des photons de haute énergie,
c'est-à-dire de la lumière. Si, dans les Évangiles, Jésus ressuscité interdit à
Marie-Madeleine de la toucher (Jean 20.17), est-ce par ce qu'il n'est encore
qu'un dérivé de la lumière laser, un hologramme? Il ne reprendra sa
plaine matérialité que quelques heures plus tard, invitant alors ses apôtres à
la toucher et à le nourrir (Luc 24.39). (p. 68)
Et tout cela reste très “contemporain” comme en témoigne l'aventure spirituelle de ce businessman américain, nommé Joe qui avait perdu l'odorat et la vue dans un accident et qui mourra le 18 Juin 2014 (date de la première apparition de la Vierge à Garabandal) après avoir été converti (et partiellement guéri) par le Padre Pio qui l'a envoyé visiter Garabandal. Là il sera soufflé par ce que le Père Gemelli de l'Académie pontificale de Rome, appelle “le numéro de cirque des pimbêches hystériques” …lui, aveugle, se rend compte de la vérité des faits et créera une association pour diffuser la médaille de Garabandal qui provoquera autour de lui de nombreuses guérisons.
Et Christian van Cauwelaert de poursuivre
Aujourd'hui, les quatre voyantes de Garabandal, déclarées saines d'esprit et sincères par la plupart des médecins qu'avait missionnés le Vatican pour les diagnostiquer mythomanes et simulatrices, sont toutes mariées, mères et grands-mères, ayant mené , une fois leur mission d'enfants accomplie, une vie tout à fait normale. Conchita demeure néanmoins mobilisée pour révéler au monde, huit jour avant qu'il se produise, la date de “Grand Miracle” que lui aurait annoncé la Vierge en en fixant les modalités. Enter-temps, l'Église continue de réfuter le caractère surnaturel des événements qui ont marqué le village espagnol et l'évêché dont dépend la paroisse a ordonné au prêtre de retirer de son site Internet toute allusion aux “prétendues apparitions. (pp. 231‒233)
Sceptiques? Abstenez-vous, abstenons-nous?
Pour le chrétien, croire en la résurrection de Jésus de Nazareth, suite à sa mort organisée selon les règles romaines pour les criminels condamnés, une mort, bien attestée, par le supplice de la croix …et un ensevelissement selon les rituels juifs …est-ce plus évident?
La stratégie rationnelle du “doute” ne
jouerait-elle que dans un sens? Le “soupçon” d'une vérité possible est-il moins
rationnel?
La stratégie du “pari de Pascal” n'a-t-elle pas autant de poids
que tous les calculs de probabilité?