Georges Lemaître, l’Einstein belge

Novembre 2022

Encore cette confrontation de la rigueur scientifique et de l'honnêteté intellectuelle avec l'ouverture à l'au-delà de l'humain!

Georges Lemaître, l’Einstein belge, c’est sous ce titre que la Revue Générale, n°2022/3 de septembre 2022 propose un Dossier consacré à ce grand savant (1894-1966) du 20e siècle. Sept articles de spécialistes de Lemaître, de sa vie de chercheur et de prêtre catholique, (pp. 17-102) présentent les différents aspects de cette riche personnalité dont on nous donne deux textes originaux: le texte d’une interview radiophonique de 1957 sur ses relations avec Einstein, ainsi qu’un remarquable texte paru en 1960 dans la Revue Générale sous le titre L’étrangeté de l’univers (pp. 47-62).

Si Dominique Lambert fait le portrait du “croyant” et du “prêtre” très engagé que fut Georges Lemaître tout au long de sa vie (pp. 31-46), tous les Auteurs ne manquent pas de signaler la constante distance qu’il met entre son engagement de Foi et sa recherche Scientifique. Il ne veut aucune interférence… et l’on connaît sa controverse avec le Pape Pie XII quand celui-ci sembla récupérer sa vision de l’atome primitif pour la mettre au service d’une théologie de la création… ce qui n’empêcha pas que Rome le nomme en 1955, Président de l’Académie Pontificale des Sciences!

Les Auteurs citent différents passages qui montrent cette “droiture intellectuelle” du savant, notamment ces mots dans une interview à Radio Canada un mois avant son décès: “La physique n’exclut pas la Providence. Rien n’arrive sans son ordre ou sa permission, même si cette action suave n’a rien de miraculeux. L’évolution que ce soit celle de l’univers ou du monde vivant, a pu se faire au hasard des sauts quantiques ou des mutations. Néanmoins, ce hasard a pu d’un point de vue supérieur être orienté vers un but.” (p. 46). L’apport de Catherine d’Oultremont (pp. 23-29) qui retrace son parcours dans la mouvance des plus grands témoins de la physique moderne (Congrès Solvay à Bruxelles), se termine sur une note qui met en évidence son humilité et l’humour positif de sa Foi chrétienne: “… je suis moi-même de ces malheureux qui n’ont aucune chance que la Sainte Vierge leur apparaisse. À moins qu’elle ne veuille un jour me faire la nique! … Je m’entends fort bien avec la Sainte Vierge sans ses apparitions; je l’aime beaucoup et je crois qu’elle m’aime bien aussi”(d’une Lettre au Recteur de l’Université de Louvain à propos des apparitions de Fatima, p. 28).

Son texte sur L’étrangeté de l’univers est visionnaire. Cette étrangeté est au cœur même des théories quantiques et des études sur la complexité scientifique qui sont à l’avant-garde de la recherche fondamentale actuelle. “Je ne veux pas développer davantage ici l’hypothèse de l’atome primitif. Mon sujet est l’étrangeté du monde. Je veux me borner à montrer que l’étrangeté de l’atome primitif aide à comprendre comment l’univers a pu débuter d’une façon naturelle” (p.61).

Et il ajoute “Je préfère pour ma part ce commencement naturel à la chiquenaude initiale dont parlait Pascal avant Laplace et par laquelle Dieu serait intervenu dans le domaine des causes naturelles pour mettre le monde en mouvement” (p.61)

Merci à la Revue Générale de nous rappeler ce grand penseur, ce grand chercheur, qui a forgé ses premières idées, comme Pierre Teilhard de Chardin, dans les tranchées de la première guerre mondiale!