L'écologie intégrale

Juin 2022

Étienne Grenet Étienne Grenet

Dans la foulée de la réflexion déjà faite dans l'Interface_2020 d'Août 2020 (Pour un regard sanitaire sur l'avenir de notre planète) il faut accueillir l'initiative d'Étienne Grenet, prêtre du diocèse de Paris depuis 2007, qui publie ses Itinéraires pour une conversion écologique intégrale (sous titre du livre paru chez Artège-Le Sénevé, en décembre 2021 sous le titre Le Christ Vert, 336 pages).

Le livre se présente comme un manuel pour aider des animateurs à mettre en branle des groupes de réflexion et d'action en vue d'une écologie intégrale dans l'esprit de l'encyclique Laudato Sí du Pape François.
Outre un diagnostic “intégral” de la crise (Partie 1), le livre propose le déploiement d'une véritable “christologie” écologique dans sa seconde Partie : Jésus, un style de vie durable (Jésus au cœur du cosmos – Jésus dans l'économie – Jésus, Verbe fait chair et la dignité de nos limites – Jésus, frère universel au cœur de la famille humaine). La Troisième partie propose la méthodologie pour Lancer un parcours d'écologie intégrale (pp. 303-333).

L'analyse globale de la crise climatique (et autre) planétaire est effectivement décrite de façon très englobante et donc “intégrale”: dégradation de l'intelligence humaine déconnectée du cosmos sans lequel elle n'existe pas et son asphyxie par une surinformation médiatique créant accoutumance au “faux” et une dépendance à l'information qui occulte le “jugement”! Fragilisation de la volonté et du désir par peur de l'avenir qui mène à un esclavage et une détérioration de la conscience sociale. L'illusion de l'amoralité de la sphère économique ou de la sphère techno-scientifique… et, finalement, perte de conscience de la dimension spirituelle de l'humain!

N'est-ce pas tout le programme et toutes les interrogations que tente de présenter au long des mois Interface_2020?

L'Auteur présente alors la faille et les limites humaines telles qu'elles nous sont très clairement présentées dans l'Histoire Sainte que nous présente la Bible, depuis le déluge (catastrophe cosmique) jusqu'à la mort de Jésus en croix!

Mais pour y montrer aussi comment la création est une médiation fondamentale de la relation entre l'homme et Dieu (pp. 99-139).
Et, à partir de ces décryptages de base (qui analysent la plupart des “mythes” contemporains illusoires, comme le transhumanisme, l'antispécisme ou autres), l'Auteur va nous présenter la figure de Jésus comme représentant “un style de vie durable” (2e Partie, pp. 141-298).

C'est un Jésus qui est “au cœur du cosmos”, qui est “dans l'économie”, qui est “un corps habité et donné”, et qui socialement est “le frère universel”.

De très belles pages sur la déshumanisation progressive du travail depuis les industrialisations, mécanisations et numérisations (robotisations) de ce travail: valeur anthropologique et sociale du travail méritent plus d'attention… au nom de la Foi en Dieu telle que Jésus l'a vécue et communiquée!

La fonction clé de la “gratuité” dans la sphère économique est une autre approche. Il rappelle ici les propos du Pape Benoît XVI dans son encyclique Caritas in Veritate:

La charité dans la vérité signifie qu'il faut donner forme et organisation aux activités économiques qui, sans nier le profit, entendent aller au-delà de la logique de l'échange des équivalents et du profit comme but en soi (CV.38).

Quelques pistes pratiques se dessinent à partir de ces réflexions de fond. Elles seraient trop nombreuses à épingler ici. En voici une:

L'enracinement vs le fantasme de l'hyper-mobilité. Un fait impressionnant s'impose à nos yeux contemporains: l'homme qui a le plus profondément marqué l'histoire humaine – le “Sauveur du monde” selon la confession croyante - a vécu dans un territoire limité. Il y a là une donnée confondante pour notre génération fascinée par la mobilité. C'est un enseignement à recueillir: l'enracinement constitue sans doute l'un des plus puissants leviers de la transformation – de soi et du monde (p. 225).

Et de souligner également l'énorme valeur donnée par Jésus à son “corps” (de sa naissance à sa mort… et sa résurrection)!… “le corps apparaît, dans la lumière de la vie et de la mort de Jésus comme le grand moyen de l'amour” (p.236ss). Donner son corps pour donner la vie est la clef d'une sexualité correctement vécue et dans toute la plénitude de l'humain.

En effet:

Il est hautement paradoxal que nos sociétés dans lesquelles l'émergence d'une conscience écologique se caractérise par la perception nouvelle de limites à reconnaître et à respecter dans l'ordre cosmique, demeurent largement aveugles à la conséquence de cette vérité concernant le corps propre de l'homme. Positivement, l'on peut espérer que cette contradiction actuelle va se résorber à mesure que nous allons redécouvrir à quel point le cosmos nous est intérieur. L'écologie ne saurait se réduire au respect de l'environnement – le cosmos hors de nous - ; elle doit conduire au respect du cosmos et de ses lois en nous-même. (p. 241).

D'où une conclusion qui s'impose:

C'est seulement en assumant mes limites que je puis devenir pleinement humain, car paradoxalement mon consentement seul m'ouvre à leur dépassement. L'accès à l'universel ne se donne que par le consentement au particulier. L'accès à une vie sans fin ne se trouve que dans l'acceptation de la mort. L'accès à la grâce ne s'offre qu'au pauvre de cœur, seul capable de reconnaître la vérité de cette parole, en même temps que de sa bonté: Pour les hommes c'est impossible, mais pour Dieu tout est possible – Mt 19.26.(p. 249).

Et ces visions vont jusqu'à nous obliger à changer nos modes de fonctionnement comme citoyen: je ne suis jamais un individu tout seul manipulable par les chiffres d'une élection soi-disant démocratique: le “nous”, la relation concrète et avec les autres, fait partie de la vraie “politique”!

Bref, un parcours vivement à conseiller pour ceux qui veulent cheminer ensemble (sun -odos, synodalité) pour le meilleur de l'humanité et de “sa” petite planète Terre.