Florilège teilhardien pour temps de confinement (mars-juin 2020)

Deuxième Partie (suite)
Cheminement sur la route confinée entre Pâques et Pentecôte

Juin 2020

1.5.2020

Une compilation de mon petit florilège "Teilhard" jusqu'à Pâques a été publiée dans le site international des Amis de Teilhard de Chardin! C'est sympa! Cela m'encourage évidemment à poursuivre. Un point majeur de la prise en main consciente que doit assurer notre humanité pour assurer son avenir dans une perspective inspirée par notre foi de ressuscités dont la vie et l'action contribuent à la construction du Corps ressuscité du Christ, est l'éducation: un mode d'action majeur sur l'évolution de l'humanité (ce qui rejoint les constats de notre prix Nobel le Dr Christian de Duve pour qui l'épi-génétique, c'est-à-dire : ce que la formation communiquée aux générations suivantes, ajoute à la transmission des caractéristiques génétiques … constitue une réalité majeure de la structure des vivants et de leur évolution)! "Loin d'être chez le vivant un phénomène artificiel, accidentel et accessoire, l'éducation n'est rien moins qu'une des formes essentielles et naturelles de l'additivité biologique. En elle nous saisissons peut-être, dans sa frange encore consciente, l'hérédité individuelle germinale en pleine formation: comme si la mutation organique prenait alors la forme d'une invention psychique faite par les parents, puis transmise par eux. Et, en elle, c'est le moins qu'il faille dire, nous voyons l'hérédité dépasser l'individu pour entrer dans sa phase collective, et devenir sociale. Cette manière de voir a comme  premier résultat … d'ordonner et d'unifier singulièrement les idées que nous pouvions nous faire de la vie en général. Mais elle a un autre avantage dont je veux surtout m'occuper ici: c'est de faire apparaître dans une lumière nouvelle l'importance et la dignité de tout ce qui touche à l'éducation de l'Humanité". (dans Hérédité sociale et Progrès. Notes sur la valeur humano-chrétienne de l'éducation, 1938, dans L'Avenir de l'Homme, Seuil, 1959, pp. 45

2.5.2020

Toujours la place de l'éducation pour fonder l'évolution sur la longue durée de notre humanité:
"Pour assurer la continuité psychique à toutes ses phases, de ce vaste développement, étendu à des myriades d'éléments disséminés dans l'immensité des temps, un seul mécanisme: l'éducation. Toutes les lignes se rejoignent, et se complètent, et se bouclent. Tout ne fait plus qu'un. D'où , en résumé et en fin de compte, la perspective suivante, révélatrice de ce qui se dissimule de gravité, d'unité, mais aussi de complexité, sous la tâche, en apparence si humble, de l'éducateur chrétien: a) Dans l'éducation, d'abord, se continue et émerge, sous une forme réfléchie, et à ses dimensions sociales, le travail biologique héréditaire qui fait, depuis les origines, émerger le monde dans des zones de toujours plus haute conscience. Collaborateur immédiat de la création, l'éducateur doit puiser le respect et le goût de son effort dans un sens profond et communicatif des développements déjà atteints ou attendus par la nature. Chacune de ses leçons doit aimer et faire aimer ce qu'il y a de plus invincible et de plus définitif dans les conquêtes de la vie. b) Par l'éducation, ensuite, se poursuit, grâce à la diffusion progressive de perspectives ou d'attitudes communes, la lente convergence des esprits et des coeurs hors de laquelle il ne semble pas y avoir d'issue , en avant de nous, aux mouvements de la vie. […] c) Au moyen de l'éducation, enfin, s'opère, à la fois directement et indirectement, l'incorporation progressive du Monde au Verbe incarné. […] En ces trois propositions enchaînées s'achève un édifice dont la parfaite ordonnance trahit la vérité. Sur terre, à l'heure présente, l'éducation humaine étend son réseau avec une méthode, une ampleur, des moyens d'expression et de diffusion inouïs: que de bibliothèques, que de revues, que d'écoles, que d'universités, que de laboratoires, - et que d'élèves ! … Au milieu de ce glorieux ensemble, proportionné à l'âge du monde auquel nous accédons, il est remarquable de constater que, hors le christianisme, aucune institution ne semble capable de donner à l'immense corps des choses enseignées une âme véritable. Parce qu'il lui est réservé en fait de pouvoir présenter à l'effort et aux enrichissements humains des espérances et un terme absolus, le maître chrétien est le seul en mesure d'exécuter, aussi bien dans la conscience qu'il y met que dans la conscience qu'il y transmet, le geste éducateur total." (Écrit en 1938 et publié dans les Études en avril 1945, dans Hérédité sociale et Progrès. Notes sur la valeur humano-chrétienne de l'éducation, 1938, dans L'Avenir de l'Homme, Seuil, 1959, pp. 51-53)

3.5.2020

Pour ce dimanche, je poursuis mon florilège teilhardien … avec un passage qu'il aurait pu écrire aujourd'hui en se posant des questions sur l'après-crise sanitaire: "Notre espèce entre dans sa phase de socialisation, - c'est entendu. Nous ne pouvons pas continuer à vivre sans passer par la transformation qui, de quelque manière, forgera de notre multiplicité un tout. Mais alors comment nous faut-il, à cette épreuve, réagir? Dans quel esprit et sous quelle forme devons-nous aborder la métamorphose pour que celle-ci se trouve en nous hominisée?"[…] "Voici donc close, à ce dernier carrefour, notre analyse des voies générales ouvertes en ce moment devant l'Homme parvenu au bord de la socialisation de son espèce. Trois alternatives successivement rencontrées se résolvent en quatre possibilités: ou bien cesser d'agir, par quelque forme de suicide; oui bien nous évader par une mystique de séparation; ou bien nous achever individuellement par ségrégation égoïste hors de la masse; ou bien nous jeter résolument dans le courant d'ensemble pour y être incorporés."[…] Parce que nous avons accédé, en devenant hommes, au pouvoir de prévoir un avenir et de critiquer la valeur des choses, nous ne saurions plus agir sans que notre refus même de prendre position n'équivale à une décision." [… et Teilhard expliquera son choix plus loin …] (La Grande Option, 1939,  dans L'Avenir de l'Homme, Seuil, 1959, pp. 60, 67)

4.5.2020

Dans sa quête pour tenter de voir les modalités du cheminement de l'humanité vers son unité, Teilhard craint avant tout la réduction de l'homme à un élément mécanisé (robotisé?) comme dans la ruche ou la termitière … il pense que la seule issue vraiment humaine est celle d'une sur-personnalisation bannissant tout individualisme mais sublimant, par l'amour mutuel, une vraie communion des personnes: "[Dans différentes formes de vie collective …]nous constatons que la différenciation, fruit de l'union, s'accompagne de mécanisation, l'élément se transformant en rouage: et tel est précisément le cas de la termitière ou de la ruche dont l'ombre se projette si fâcheusement sur l'avenir des groupements humains. Mais prenons garde d'assimiler sans les corrections nécessaires des phénomènes d'ordre différent. Dans la termitière et la ruche (comme dans le cas des cellules formant notre corps), l'union et donc la spécialisation des éléments se font dans le domaine de certaines fonctions matérielles à assurer: nutrition, reproduction, défense, etc … D'où la transformation de l'individu en "pièce de rechange". Mais imaginons un autre type de groupement, au sein duquel ait apparu pour les individus une autre possibilité d'achèvement mutuel, psychique celle-là, correspondant à ce qu'on pourrait appeler une fonction de personnalisation. Opérant sur ce nouveau domaine, l'influence différenciante de l'union, loin de provoquer la naissance de rouages, agira de façon à accroître la variété des choix et la richesse de la spontanéité. L'autonomie anarchique tendra à disparaître, mais pour se consommer en épanouissement harmonisé des valeurs individuelles. Or tel est précisément le cas de l'Humanité." [On entre, dès lors dans l'ère de la personne … dont l'amour est l'énergie fondamentale pour la création de cette communion vers laquelle tend l'humanité] (La Grande Option, 1939,  dans L'Avenir de l'Homme, Seuil, 1959, pp. 74-75)

5.5.2020

Texte de Teilhard de Chardin:
"En vérité, il n'est pas possible de fixer habituellement les yeux sur les grands horizons découverts par la science, sans que sourd un désir obscur de voir se lier entre les hommes une connaissance et une sypathie croissantes, jusqu'à ce qu'il n'y ait plus, enfin, sous l'effet de quelque attraction divine, qu'un coeur et qu'une âme sur la face de la terre" (Le Milieu divin)

7.5.2020

Et voici l'apport teilhardien:
"… Énergétiquement et biologiquement, le groupe humain est encore tout jeune, tout frais. Par analogie avec ce que nous apprend l'histoire des autres groupes vivants, il en a encore, organiquement parlant, pour plusieurs millions d'années à vivre et à se développer. Or, cette énorme durée, nécessaire à l'achèvement normal de son évolution, tout porte à croire qu'il l'aura réellement à sa disposition. La Terre est loin d'avoir terminé son évolution sidérale. Bien sûr nous pouvons imaginer toutes sortes de mauvaises chances (catastrophes ou maladies) qui viendraient théoriquement couper court ce beau développement. Mais voici 300 millions d'années que la Vie s'élève paradoxalement dans l'improbable. N'est-ce pas là une indication qu'elle avance soutenue par quelque complicité des forces "aveugles" de l'Univers …? […] Notre monde moderne s'est fait en moins de dix mille ans; et en deux cents ans il a changé plus vite qu'au cours de tous les millénaires précédents. Avons-nous jamais songé à ce que pourra être psychologiquement notre planète dans un million d'années? Au fond ce sont les utopistes (non les "réalistes") qui ont scientifiquement raison: eux du moins, même si leurs anticipations font sourire, ils ont le sens des dimensions vraies du phénomène humain." (dans L'Avenir de l'homme vu par un paléontologiste, 1941, dans L'Avenir de l'Homme, Seuil, 1959, p.95-96)

8.5.2020

Dans sa réflexion sur l'avenir de l'humanité, Teilhard ne voit qu'une issue valable pour un avenir cohérent avec ce que nous connaissons de cette humanité et de sa vocation: "Pour avancer, toutes les directions ne sont pas bonnes. Mais une seule fait monter, celle qui par plus d'organisation mène à plus de synthèse et d'unité. Arrière donc, ici encore, les purs individualistes, les égoïstes, qui pensent grandir en excluant ou en diminuant leurs frères - individuellement, nationalement, ou racialement. La Vie se meut vers l'unification. Notre espérance ne sera opérante que si elle s'exprime en plus de cohésion et plus de solidarité humaine. Ce double point est définitivement réglé par le verdict du Passé." (dans L'Avenir de l'homme vu par un paléontologiste, 1941, dans L'Avenir de l'Homme, Seuil, 1959, p.97)

9.5.2020

Plus j'avance dans ce que je lis des espérances de ceux qui voient dans la crise sanitaire une occasion de "remettre l'humain au centre" (voir l'éditorial du dernier numéro de Dimanche), plus je suis persuadé que la pensée de Pierre Teilhard de Chardin peut donner une clef pour entrer concrètement dans une telle espérance! Voici l'apport de ce jour (… à lire lentement, car un peu plus "noué" comme formulation!):
"Toujours dans la même perspective, supposée acquise qu'il y a une genèse cosmique de l'esprit, le croyant au Ciel s'aperçoit que la transformation mystique dont il rêve présuppose et consacre toutes les réalités tangibles et toutes les conditions laborieuses du Progrès humain. Pour être sur-spiritualisée en Dieu, l'Humanité ne doit-elle pas préalablement naître et grandir en conformité avec le système entier de ce que nous appelons "évolution"? D'où, pour le Chrétien en particulier, une incorporation radicale des valeurs terrestres dans les notions les plus fondamentales pour sa foi, d'omniprésence divine, de détachement et de charité. D'omnipotence divine, d'abord: Dieu nous crée, il agit sur nous, à travers l'Évolution; comment imaginer ou craindre qu'il puisse interférer arbitrairement avec le processus même où s'exprime son action? De détachement, ensuite: Dieu nous attend au terme de l'Évolution; surmonter le Monde ne signifie donc pas le mépriser ni le rejeter, mais le traverser et le sublimer. De charité, enfin: l'amour de Dieu exprime et couronne l'affinité foncière qui, depuis les origines du Temps et de l'Espace, rassemble et concentre les éléments spiritualisables de l'Univers. Aimer Dieu et le prochain n'est donc pas seulement un acte de vénération ou de miséricorde superposé à nos autres préoccupations individuelles. C'est la Vie elle-même, la Vie dans l'intégrité de ses aspirations, de ses luttes, de ses conquêtes, qu'il s'agit, pour le Chrétien, s'il veut être chrétien, d'embrasser dans un esprit de rapprochement et d'unification personnalisante avec tout le reste. […] Telle est la remarquable transformation que laisse prévoir en droit, et que commence en fait à opérer sur un nombre croissant d'esprit, aussi bien libres penseurs que croyants, l'idée d'une évolution spirituelle de l'Univers. …" (dans L'Avenir de l'homme vu par un paléontologiste, 1941, dans L'Avenir de l'Homme, Seuil, 1959, .105)

11.5.2020

Après une pause dominicale, revoici la chronique de notre petit (grand) Teilhard de Chardin. Il nous entraine à "penser" au futur lointain!
"Très en avant, un état final se dessine où, associés organiquement les uns aux autres (mieux que les cellules d'un même cerveau) nous formerons plus, tous réunis, qu'un seul système ultra-complexe; et, par suite, ultra-centré. -- Nous pensions déjà être arrivés au bout de nous-mêmes. Et voici que, transportés dans le cône du Temps, l'Humanité se prolonge au-delà de nos individus, elle va, se fermant collectivement sur soi au-dessus de nos têtes, dans la direction de quelque sur-Humanité" [une Humanité à l'apogée de sa cohérence spirituelle]. (dans L'Esprit nouveau, 1942, dans L'Avenir de l'Homme, Seuil, 1959, p.118) Cela nous incite à beaucoup de patience et de persévérance!

12.5.2020

Avant de parler de "L'Homme sur la planète Terre: la plus complexe des molécules", notre ami Teilhard  s'émerveille de la singulière beauté de notre petite planète. Cette "contemplation" devrait aussi nous saisir, car elle nous dit quelque chose du Créateur au même titre que l'Écriture Sainte nous dit sa Parole, son Fils ressuscité! "Nous restons confondus … devant la rareté et l'Improbabilité d'astres semblables à celui qui nous porte. Mais une expérience de tous les jours ne nous apprend-elle pas que, dans tous les ordres et à tous les niveaux, les choses ne réussissent qu'au prix d'un gaspillage et d'un hasard fous, dans la nature? Un concours de chances scandaleusement fragile préside régulièrement à la naissance des êtres les plus précieux et les plus essentiels. Inclinons-nous devant cette loi universelle, où, si étrangement pour nos esprits, le jeu des grands nombres se mêle et se confond avec la finalité. Et, sans céder au vertige de l'invraisemblable, fixons maintenant toute notre attention sur la planète qui s'appelle Terre. Enveloppée de la buée bleue d'oxygène qu'inhale et exhale sa vie, elle flotte exactement à la bonne distance du Soleil pour que, à sa surface, les chimismes supérieurs s'accomplissent. Regardons-la avec émotion. Malgré son exiguïté et son isolement, c'est elle qui porte, attaché à ses flancs, la fortune et l'avenir du monde!" (dans Vie et planètes, 1945, dans L'Avenir de l'Homme, Seuil, 1959, p.142-143)

13.5.2020

Teilhard de Chardin observe pour nous une évolution qu'il voit se développer planétairement. La crise du Covid-19 accentue pour nous cette conscience planétaire et unificatrice du genre humain. Quel y est notre rôle comme humain croyant à la résurrection de Jésus de Nazareth?
"Rien de prouve que l'homme soit encore arrivé au bout de lui-même, qu'il plafonne; tout suggère au contraire que nous entrons, en ce moment même, dans une phase particulièrement critique de super-humanisation. Voilà ce que je voudrais vous faire apercevoir … je veux dire l'envahissement accéléré du monde humain par les puissances de collectivisation. Cet envahissement, je n'ai pas besoin de vous le décrire longuement. Ascension enveloppante des masses; resserrement constant des liens économiques; trusts intellectuels ou financiers; totalisation des régimes politique; coudoiement, comme dans une foule, des individus aussi bien que des nations; impossibilité croissante d'agir, de penser seuls, montée, sous toutes les formes, de l'Autre autour de nous. Toutes ces tentacules d'une société rapidement grandissante, au point de devenir monstrueuse, vous les sentez, à chaque instant, aussi bien que moi-même. Vous les sentez. Et probablement aussi vous les "ressentez". Et si je vous demandais ce que vous pensez d'eux, vous me répondriez sans doute que, devant ce déchaînement présent de forces aveugles, il n'y a qu'à s'esquiver de son mieux, ou à se résigner, parce que nous nous trouvons en face d'une catastrophe naturelle, contre laquelle nous ne pouvons rien et où il n'y a rien à comprendre. Or, est-il bien vrai qu'il n'y a rien à comprendre? Regardons de plus près, une fois encore, en nous laissant guider par notre critère de la complexité." … et la suite de cette réflexion stimulante … ??? au prochain numéro!

14.5.2020

Mais notre ami Teilhard continue de nous éclairer sur une vision de l'avenir pour notre Humanité:
"Une première chose qui donne à réfléchir, quand on observe les progrès autour de nous de la collectivisation humaine, c'est ce que j'appellerais le caractère inéluctable d'un phénomène qui résulte immédiatement et automatiquement de la rencontre de deux facteurs également structurels: d'une part, la surface fermée de la Terre; et, d'autre part, la multiplication incessante, sur cette étendue close, d'unités humaines douées (par suite de moyens toujours plus rapides de communication) d'un rayon d'action rapidement croissant, sans compter qu'elles sont éminemment capables, à cause de leur psychisme élevé, de s'influencer et de s'interpénétrer les unes les autres. Sous le jeu combiné de ces deux composantes naturelles, une sorte de prise en masse de l'humanité sur elle-même s'opère nécessairement". (dans Vie et planètes, 1945, extrait de L'Avenir de l'Homme, Le Seuil, 1959, p. 147) … le deuxième point … pour demain?

15.5.2020

Le premier argument de Teilhard pour prédire une unification consciente du genre humain sur notre planète, était son caractère "inéluctable". Voici le second argument: "Or, deuxième point notable, ce phénomène de prise , ou de cimentation, ne se présente pas, loin de là, comme un événement imprévu et soudain. A bien observer les choses, on s'aperçoit que la vie, dès ses stades inférieurs, n'a jamais pu développer ses synthèses que grâce à un resserrement progressif de ses éléments dans la mer ou sur les continents. Sur une Terre dont le rayon aurait été, imaginons-le continuellement croissant, les organismes, demeurés lâches, seraient peut-être restés à l'état monocellulaire (à supposer qu'ils l'aient jamais atteint), et l'homme, en tout cas, libre de vivre à l'état dispersé, ne se fût jamais élevé au stade néolithique de sa socialisation. La totalisation en cours du monde moderne n'est en réalité que l'aboutissement naturel et le paroxysme d'un procédé de groupement fondamental dans l'élaboration de la matière organisée. La matière ne se vitalise, et ne se sur-vitalise, qu'en se comprimant." (dans Vie et planètes, 1945, extrait de L'Avenir de l'Homme, Le Seuil, 1959, p. 147-148) … et puis nous verrons comment cela mène à cette conscience planétaire que nous commençons à expérimenter concrètement à l'occasion de ce méchant petit virus!

16.5.2020

Mais je donne aussi la suite de la réflexion de Teilhard sur le phénomène d'une prise de conscience humaine planétaire dont notre petit virus nous fait toucher du doigt, voir de nos yeux et entendre de nos oreilles quelque chose de ce qu'il avait, lui, perçu à travers les deux premières guerres mondiales (14-18 et 40-45) ainsi qu'à travers l'essor du communisme et d'autres événements à portée mondiale (… on dirait plutôt "planétaire" dans son langage et dans notre vocabulaire modelé par la vision satellitaire de notre petite Terre)! Voici la suite des deux passage précédents que j'ai laissé à la suite:
"Impossible, me semble-t-il de réfléchir à ce double enracinement, structurel et évolutif des événements sociaux qui nous affectent, sans être gagné par le soupçon, puis envahi par l'évidence, que la collectivisation, en ce moment accélérée, de l'espèce humaine n'est pas autre chose qu'une forme supérieure prise par le travail de moléculisation à la surface de la planète. Au cours d'une première phase, édification de protéines jusqu'à la cellule. Dans une deuxième phase, édification des complexes cellulaires individuels jusqu'à l'homme inclusivement. Et maintenant, dans une troisième phase qui s'annonce, édification d'un super-complexe organico-social exclusivement possible … dans le cas d'éléments personnels et réfléchis. Vitalisation de la matière, d'abord, par un groupement de molécules. Hominisation de la vie, ensuite, liée à un super-groupement de cellules. Et enfin, pour terminer, planétisation de l'humanité en un groupement fermé de personnes: l'humanité, née sur la planète et répandue sur toute la planète, ne formant plus, peu à peu, tout autour de sa matrice terrestre, qu'une seule unité organique majeure … une seule archi-molécule … coextensive à l'astre sur lequel elle est née. La fermeture de ce circuit pensant: ne serait-ce pas là ce qui , en ce moment même, se passe … comme s'il s'agissait … d'un cerveau de cerveaux?" (dans Vie et planètes, 1945, extrait de L'Avenir de l'Homme, Le Seuil, 1959, p. 148-149)

17.5.2020

Positivons donc aussi avec notre ami Teilhard et la suite de ses étonnants propos sur l'avenir de l'humanité tel qu'il le voyait à la fin de la guerre de 1940-45 (la seconde guerre qu'il vivait dans sa vie) … pour nous (même les "vieux") c'est une "première" que cette pandémie planétaire!!
"Cet envahissement moderne (insensible et trop peu remarqué) des préoccupations et de l'activité humaines par la passion de découvrir, ce déplacement progressif de l'usine par le laboratoire, de la production par la recherche, du besoin de bien-être par le besoin de plus-être, qu'indiquent-ils sinon la montée dans nos âmes d'un grand souffle de sur-évolution? […] Et cette guerre [40-45], finalement; cette guerre pour la première fois dans l'histoire, aussi grande que la Terre; ce conflit où, à travers les océans, se heurtent des blocs humains aussi vastes que des continents; cette catastrophe où nous avons l'impression de perdre pied individuellement: quel aspect prend-elle à nos yeux dessillés, sinon celui d'une crise d'enfantement, à peine proportionnée à l'énormité de la naissance attendue?" (dans Vie et planètes, 1945, extrait de L'Avenir de l'Homme, Le Seuil, 1959, p. 149-150) … et notre petit Covid-19?

18.5.2020

"Autour de nous, tangiblement et matériellement, l'enveloppe pensante de la Terre - la Noosphère - multiplie ses fibres internes, resserre son réseau; et, simultanément, sa température intérieure s'élève, son psychisme monte. […] Un arrangement planétaire de la Masse et de l'Énergie humaines coïncidant avec un rayonnement maximum de Pensée, une "Planétisation" tout à la fois externe et interne de l'Humanité, voilà donc, en fin de compte ce qui nous attend; voilà vers quoi nous allons inévitablement sous l'étreinte croissante des déterminismes sociaux. […] pourquoi, à ces forces de rapprochement, essentiellement bienveillantes, essaierions-nous de résister? Craindrions-nous par hasard qu'en nous sur-créant elles ne nous rendent moins humains?? La caractéristique essentielle de l'Homme, la racine de toutes ses perfections, c'est d'être conscient au deuxième degré. Non seulement l'Homme sait, mais "il sait qu'il sait". Il réfléchit. Or, dans chacun de nous pris à part, cette réflexion n'est encore que partielle, élémentaire. […] Si personnelle et incommunicable soit-elle dans son centre et dans son germe, la Réflexion ne se développe qu'en commun. Essentiellement, elle représente un phénomène social." (dans Vie et planètes, 1945, extrait de L'Avenir de l'Homme, Le Seuil, 1959, p. 167-169) La vie commune comme foyer d'humanisation, comme lieu, par excellence, de la "réflexion", selon Pierre Teilhard de Chardin? On peut y réfléchir!

19.5.2020

Il nous faut aussi muscler notre esprit pour écouter ce que l'Esprit inspirera aux croyants dans les temps à venir! Teilhard et sa pensée me semblent un bon "exercice" dans cette perspective: "Non sans raison toute forme d'existence communisée nous effraie parce qu'elle semble entraîner automatiquement perte ou mutilation de notre personnalité. Mais cette anxiété devant une mécanisation en apparence fatale de nos activités ne tient-elle pas simplement au fait que nous oublions d'introduire dans nos calculs le facteur le plus important? Au cours des paragraphes qui précèdent, je n'ai a dessein (par souci d'objectivité) étudié la planétisation humaine que vue par sa face externe et forcée. Aucun compte n'a encore été tenu par nous jusqu'ici des réactions internes propres au matériel planétisé [ l'humain]. Qu'arrive-t-il par contre si nous observons le même traitement planétisant appliqué, non plus cette fois à un substratum passif mais à une masse humaine animée de "l'esprit d'évolution"? - Alors, au coeur du système, un flot de force sympathiques se répand, qui modifie du tout au tout l'allure des phénomènes: sympathie d'abord … de tous les élément pris ensemble pour le Mouvement général qui les entraîne, et sympathie aussi (toute fraternelle celle-là) de chaque élément en particulier pour se qui se cache de plus original et de plus incommunicable en chacun des co-éléments avec lesquels il converge dans l'unité, non seulement d'un seul acte de vision, mais d'un même sujet vivant. Or qui dit amour dit liberté. Plus d'asservissement ni d'atrophie à craindre dans un milieu ainsi chargé de dilection!" (dans Vie et planètes, 1945, extrait de L'Avenir de l'Homme, Le Seuil, 1959, pp. 170-171)
Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimé?

20.5.2020

Une humanité nouvelle va-t-elle sortir de l'après-virus? Pas tout de suite, peut-être … mais plus vite que nous ne pensons? Voilà ce qu'en dit Teilhard:
"Au sein du "magma" pensant a récemment surgi une nouvelle substance, - un nouvel élément, non encore catalogué, mais d'une importance suprême: l'Homo progressivus, pourrait-on l'appeler, c'est-à-dire l'Homme pour qui l'avenir terrestre compte plus que le présent. Nouveau type d'Homme, je dis bien, puisque, il y a moins de deux cents ans, l'idée même d'une transformation organique du monde dans le temps n'avait pas encore pris forme ni consistance dans l'esprit humain. En première approximation de tels hommes sont facilement reconnaissables: savants, penseurs, aviateurs, etc… tous ceux que possède le Démon (ou l'Ange) de la Recherche." (dans Vie et planètes, 1945, extrait de L'Avenir de l'Homme, Le Seuil, 1959, pp. 172-173).
Dans plusieurs de mes présentations de l'évolution humaine que postule le passage à la culture numérique, j'avais, sans connaître encore l'oeuvre de Teilhard, proposé que l'humanité de demain serait celle de l'homo creativus qui doit succéder à l'homo faber et l'homo sapiens …! Creativus, parce qu'il va, enfin (?!) jouer son rôle de co-créateur au Jardin de la Création où Dieu l'a placé!

21.5.2020

Une résurrection, une ascension, s'il ne s'agit pas d'un rêve ou d'une imagination, ont du produire sur les témoins, un choc psychologique à couper le souffle! Ainsi en fut-il déjà, et probablement à une moindre échelle d'émotion, pour ceux qui ont pris conscience, à la fin de la guerre 1940-45, de ce que représentait la première explosion atomique. Pierre Teilhard de Chardin fut de ceux-là et a laissé un texte, publié en 1946 dans les Études, intitulé Quelques réflexions sur le retentissement spirituel de la bombe atomique … en, voici quelques extraits (à lire en pensant à l'explosion de "conscience planétaire" provoquée par la pandémie en cours!).
"Il y a un peu plus d'un an, au petit jour, dans les "mauvaises terres" d'Arizona, une lueur éblouissante, d'un éclat insolite, illumine les cimes les plus lointaines, éteignant les premiers rayons du soleil levant. Puis un ébranlement formidable … C'est fait. Pour la première fois sur terre un feu atomique venait de brûler l'espace d'une seconde, industrieusement allumé par la science de l'homme. […] Et, à ce moment, l'homme s'est trouvé sacré, non seulement dans sa force présente, mais dans une méthode qui lui permettait de maîtriser toutes les forces autour de lui. […] Pour la première fois dans l'histoire, par suite de la conjonction… entre une crise d'ampleur mondiale [la guerre] et un progrès inouï des moyens de communication, un effort scientifique "plannifié", employant comme unité la centaine, ou même le millier d'hommes, venait de se réaliser. Et le résultat ne s'était pas fait attendre. En trois ans, une technique avait été mise au point que n'eût peut-être pas trouvé un siècle d'efforts isolés. La plus grande découverte jamais faite par l'homme était justement celle où le plus grand nombre d'intelligences eussent jamais eu la possibilité de s'associer en un seul organisme … pour la recherche. […] la libération de l'énergie nucléaire … n'était-elle pas simplement le premier acte … dans une série d'événements fantastiques, qui, après nous avoir donné accès au coeur de l'atome, nous conduirait à forcer, une à une, tant d'autres citadelles déjà plus ou moins encerclées par notre science? Vitalisation de la matière par édification de super-molécules. Modelage de l'organisme humain, au moyen des hormones. Contrôle de l'hérédité et des sexes, par le jeu des gènes et des chromosomes. Réajustement et libération internes de notre propre âme […] Et, de ce chef, voici, en chacun de nous, l'homme ouvert au sens, à la responsabilité et aux espoirs de sa fonction cosmique dans l'univers, c'est-à-dire transformé, qu'il le vueille ou non, en un autre homme, jusqu'au tréfonds de lui-même. […] En faisant éclater les atomes, nous avons mordu au fruit de la grande découverte. C'en est assez pour qu'un goût soit entré dans nos bouches que rien désormais ne saurait effacer: le goût de la super-création …" ( L'Avenir de l'Homme, Le Seuil, 1959, pp. 179-187)
Mettons-nous dans la peau des disciples de Jésus  entre Pâques et la Pentecôte!!

22.5.2020

Si l'on considère la pandémie dont nous dé-confinons doucement comme une sorte d'état de guerre planétaire, nous pouvons probablement reprendre l'idée majeure de notre ami Teilhard quand, dans un texte intitulé La Foi en la Paix, écrit en pleine guerre froide (1947), il nous propose ceci:
"La raison dernière pour laquelle les hommes laissent voir encore aujourd'hui … une si pénible impuissance à s'accorder, la raison pour laquelle entre eux la guerre paraît toujours si menaçante, ne serait-ce pas, au fond, qu'ils n'ont pas encore suffisamment exorcisé en eux le démon de l'immobilisme? Le malentendu secret qui les oppose, à toutes les tables de conférence, ne serait-ce pas, tout simplement, l'éternel conflit de la stabilité et du mouvement? le schisme entre une moitié du monde qui bouge et une autre qui ne veut pas avancer? La foi en la paix: elle n'est possible, elle n'est justifiable, ne l'oublions pas, que sur une terre où domine la foi en l'avenir, la foi en l'homme. […] Voilà pourquoi, quand je veux me rassurer sur notre sort de demain, je ne regarde ni vers les palabres officielles, ni vers les manifestations "pacifistes", ni vers les objecteurs de conscience. Mais mes yeux se tournent instinctivement du côté des institutions et des groupements, toujours plus nombreux, où s'élabore silencieusement, autour de nous, dans la recherche, l'âme nouvelle d'une humanité résolu à atteindre coûte que coûte, dans son intégrité totale, l'extrême bout de ses puissances et de sa destinée!" ( L'Avenir de l'Homme, Le Seuil, 1959, pp. 196-197)
Pax!

23.5.2020

Un des textes majeurs de Teilhard de Chardin sur sa vision de la place de l'humanité dans l'évolution planétaire est écrit également en 1947. Il est alors à Paris et au faîte de sa notoriété comme paléontologue compétent dans l'histoire de la terre et des espèces vivantes. Il est bien conscient du terrible "prédateur" qu'est la race humaine sur la planète qui la porte: "À elle seule, la petite famille des Hominidés, la dernière apparue sur le tronc de l'Évolution, a déjà atteint une extension équivalente, ou même supérieure, à celle des plus grandes nappes vertébrées (Reptiles ou Mammifères) qui aient jamais occupé la Terre. Et, bien plus, du train où elle va, on peut déjà prévoir le jour où toute autre forme d'animaux, et même de Plantes, sera par elle supprimée ou domestiquée." Et c'est à partir de ce type de constats qu'il va réfléchir à ce qu'il appellera la "Noosphère". Nous devons en effet "… élargir nos vues jusqu'à envisager la formation actuelle, sous nos yeux, à la faveur des facteurs hominisants, d'une entité biologique spéciale, telle qu'il n'y en a jamais eu sur Terre - la formation … à partir et au-dessus de la Biosphère (En Note: Ce terme, créé par Sues, est parfois pris (Vernadsky) au sens de "zone terrestre contenant la vie". Je l'entends ici comme signifiant la couche même de substance vitalisée enveloppant la Terre), d'une enveloppe planétaire de plus, l'enveloppe de substance pensante à laquelle j'ai donné, par commodité et symétrie, le nom de Noosphère (En Note: De Noos, esprit : sphère terrestre de la substance pensante)". (dans : Une interprétation biologique plausible de l'histoire humaine. La Formation de la "Noosphère". Dans  L'Avenir de l'Homme, Le Seuil, 1959, pp. 202-203).
Le rappel, par le Pape François, ces jours-ci, de son encyclique Laudato Sì nous invite à prendre en compte dans nos façons de réfléchir, en tous domaines, ce souci de toute la planète!

24.5.2020

Alors qu'en 1947, aucun des premiers ordinateurs n'était déjà réellement opérationnel, voici comment Teilhard pressent déjà l'incidence possible de leur développement sur le développement de l'humanité en une "noosphère":
"Tout au début de l'Homo faber, élémentairement, l'outil était né comme un appendice extériorisé du corps humain. Aujourd'hui le voici transformé en enveloppe mécanisée, (intrinsèquement cohérente et formidablement variée) de l'Humanité tout entière. De somatique, il est devenu "noosphérique". […] Je songe aussi à la montée insidieuse de ces étonnantes machines à calcul qui, grâce à des signaux combinés à raison de plusieurs centaines de mille par seconde, non seulement viennent soulager notre cerveau, mais encore, parce qu'elles augmentent en nous le facteur essentiel (et trop peu observé) de la "vitesse de pensée", sont en train de préparer une révolution dans le domaine de la Recherche. Et je songe enfin à d'autres appareils, tels que le microscope électronique, par lequel notre vision sensorielle, source principale de nos idées, saute brusquement de la séparation optique des cellules à la contemplation directe des grosses molécules. […] Manifestement, la Recherche, hier encore occupation de luxe, est en passe de devenir fonction primaire, et même principale de l'Humanité […] Semblable en cela, bien qu'à une échelle immense, à tous les organismes qui l'ont précédée, l'Humanité, progressivement , se "céphalise". Pour occuper nos loisirs, pas d'autre moyen biologique, donc, que de les consacrer à un nouveau travail, de nature supérieure: à savoir un effort général et collectif de vision. La Noosphère - une immense machine à penser. […] Sous quelque forme imprévisible, la Terre s'éveillera demain "pan-organisée" …" (dans Une interprétation biologique plausible de l'histoire humaine. La Formation de la "Noosphère". Dans  L'Avenir de l'Homme, Le Seuil, 1959, pp. 212, 214-215, 220, 223).
Bonne "réflexion" … en pensant à l'Esprit qui peut nous ouvrir l'esprit!

25.5.2020

Teilhard tente d'imaginer ce que pourrait dégager comme forces nouvelles autour de la planète, une humanité dont tous les membres deviendraient consciemment solidaires et interconnectés comme les neurones d'un seul cerveau! "Qui saurait dire en effet où nous mèneront demain, retournées sur notre propre organisme, nos connaissances combinées de l'atome, des hormones, de la cellule, et des lois de l'hérédité? Que de forces, que de rayonnements, que d'arrangements jamais encore essayés par la Nature, et nous sommes d'ores et déjà capables de faire jouer ces formidables ressorts, dans l'histoire du Monde, pour la première fois! […] … si telle est la puissance des liens rapprochant de simples atomes, à quoi ne pas nous attendre, si ces liens arrivaient à se "contracter", entre molécules humaines? Sous nos yeux, disais-je, l'Humanité tisse son cerveau. Demain, par approfondissement logique et biologique du mouvement qui la resserre, ne trouvera-t-elle pas son coeur … Autrement dit, ce qui se passe en ce moment de constructif au sein de la Noosphère dans l'ordre de la vision, ne doit-il pas pénétrer nécessairement jusqu'à l'ordre de l'affection?[…] Biologiquement parlant, l'Humanité ne s'achèvera, elle ne trouvera son équilibre interne (pas avant quelques millions d'années peut-être), que lorsque sur elle-même elle se trouvera psychiquement centrée." (dans  Une interprétation biologique plausible de l'histoire humaine. La Formation de la "Noosphère". Dans L'Avenir de l'Homme, Le Seuil, 1959, pp224-225).
… mais vous voyez que ce n'est pas pour tout de suite!! Ouf!

26.5.2020

Un peu partout, les journaux et magazines font parler des experts qui tentent de réfléchir à l'après-coronavirus. Un des derniers numéros du journal Réforme (protestant) a, par exemple, donné un excellent article de Dominique Colin, o.p. (belge) qui tente de rappeler le caractère central d'une "mort" lucidement intégrée à la Vie comme élément central et non-négatif d'une vie de foi en la résurrection! Je n'ai pas encore vu de référence plus large aux visions de Teilhard de Chardin … et pourtant, il me semble qu'il est, analogiquement, aussi "visionnaire" que l'étaient, dans leur milieu et avec les connaissances de leur temps, les prophètes d'Israël. Voyez: " … à mesure que le phénomène se propage et se développe au sein d'une Humanité en passe de devenir adulte, voici que le prétendu jeu se découvre tout à coup formidablement sérieux. D'une part, à force de tâtonner, l'apprenti sorcier finit par mettre le doigt sur des ressorts tellement vitaux qu'il commence à craindre de faire quelque malheur dans la Nature. D'autre part, dans la mesure où il s'aperçoit que, en vertu même de ses découvertes, certaines commandes du Monde sont en train de passer entre ses mains, il s'avise que, pour faire face à cette nouvelle situation, il lui est essentiel, en sa qualité de "quasi-démiurge" de se faire une conviction et une foi touchant l'avenir et la valeur de l'oeuvre dont il se trouve désormais chargé." (dans Le rebondissement humain de l'évolution et ses conséquences, 1947. Dans  L'Avenir de l'Homme, Le Seuil, 1959, pp. 259-260).
La "libération" (probablement accidentelle … espérons-le!) d'un coronavirus par quelque laboratoire de recherche comme ce pourrait être le cas, n'est-il pas une illustration possible d'un "malheur" humainement provoqué? Une solidarité intelligente basée sur la Foi pourrait-elle aider à cheminer vers cette Humanité adulte? (cf. Laudato Sì)

27.5.2020

La Foi de Teilhard de Chardin peut devenir un optimisme spirituel: "… nous tenons peut-être bien ici le moyen de pronostiquer quelle va être, dans son allure générale, l'évolution religieuse du Monde de demain? Du point de vue strictement "noodynamique" (En note: "Noodynamique" = dynamique de l'énergie spirituelle, dynamique de l'Esprit. Je risque ce néologisme parce qu'il est clair, expressif et commode; mais aussi parce qu'il affirme la nécessité d'intégrer le psychisme humain, la Pensée, dans une véritable "Physique" du Monde), où je me suis placé dans ces pages, on peut dire que la compétition historique des mystiques [… on dirait aujourd'hui "des spiritualités"] et des croyances, dans leur effort chacune pour envahir la terre, n'exprime pas autre chose qu'un long tâtonnement de l'âme humaine à la recherche de la vision du Monde où elle se sentirait le plus sensibilisée, le plus libre, le plus active. Qu'est-ce à dire sinon que cette foi-là est destinée à triompher, en fin de compte, qui se révélera capable d'activer l'Homme plus qu'aucune autre. Et voilà bien où (en dehors de toute autre considération philosophique ou théologique) le Christianisme émerge décidément en tête avec son extraordinaire pouvoir d'immortaliser et de personnaliser dans le Christ … la totalité temporo-spatiale de l'Évolution." (dans Le rebondissement humain de l'évolution et ses conséquences, 1947. Dans L'Avenir de l'Homme, Le Seuil, 1959, pp. 267).
Allez et enseignez toutes les nations, toute la création!

28.5.2020

Continuons notre parcours vers le futur de l'Humain avec Teilhard de Chardin: "Si vraiment la marche même du mouvement évolutif de totalisation qui nous entraîne exige, pour être viable, non seulement que nous progressions vers quelque forme d'unité irréversible, mais encore que ce progrès se fasse dans le [registre du] "personnel", n'est-ce pas là une raison positive d'admettre que quelque chose va se produire tôt ou tard dans le Monde par quoi se trouveront modifiées certaines conditions de base du phénomène humain? Pour que notre "personne" ne perde pas pied dans l'énorme pluralité humaine où peu à peu, de toute nécessité physique, elle s'agrège, - pour que la totalisation nous libère au lieu de nous mécaniser [comme dans une ruche ou une termitière] - force nous est bien de prévoir et d'escompter un changement de régime; force nous est bien … de supposer que sous la pression, rapidement montante, qui les force les unes sur les autres, les molécules humaines vont enfin réussir à franchir la barrière critique de leur mutuelle répulsion pour tomber dans le rayon intérieur de leur attraction [… par l'amour personnalisé]." (dans Le rebondissement humain de l'évolution et ses conséquences, 1947. Dans L'Avenir de l'Homme, Le Seuil, 1959, pp. 270).
"Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimé!

29.5.2020

Deux textes de Teilhard de Chardin devraient retenir notre attention … avant de laisser nos esprits s'ouvrir au "Souffle" de l'Esprit:
1. Pour avoir un échantillon de la vision globale de Teilhard: "Guidé par le principe qu'une plus grande cohérence est le signe infaillible de plus de vérité, je me propose de montrer ici qu'un tel axe existe réellement, bien définissable au moyen des trois (ou même quatre) propositions ou approximations successives suivantes, dont chacun précise et renforce la précédente sur une ligne d'expérience et de pensée: 1) Dans l'Univers matériel, la Vie n'est pas un accident, mais l'essence du phénomène. 2) Dans le Monde biologique, la Réflexion (c'est-à-dire l'Homme) n'est pas un incident, mais une forme supérieure de la Vie. 3) Dans le Monde humain, le phénomène social n'est pas un arrangement superficiel, mais il marque un progrès essentiel de la Réflexion. A quoi il faut ajouter, du point de vue chrétien: 4) Dans l'organisme social humain, le phylum chrétien ne représente pas une tige accessoire et divergente, mais il forme l'axe même de la socialisation." (dans Agitation ou Genèse? 1947. Dans L'Avenir de l'Homme, Le Seuil, 1959, pp. 275-276).
2. Pour mesurer la "sensibilité" extrême de sa vision de l'avenir humain: "Je n'insisterai pas davantage sur la probabilité vraiment négligeable d'une expérience imprudente ou criminelle faisant sauter le monde (il y a quand même un instinct de conservation planétaire …), ou même de quelque maladie infectieuse faisant disparaître un groupe animal aussi prévoyant, aussi progressif, et aussi ubiquiste que l'Humanité devenue adulte. Par contre, je pense qu'il faut prêter la plus grande attention à des cris d'alarme tels que celui dernièrement poussé par Mr Fairfield Osborn dans son ivre intitulé "Notre planète au pillage". Dans notre hâte d'avancer, ne brûlons pas imprudemment nos réserves, au point que notre progression se trouve demain arrêtée faute de ravitaillement? … Dans le domaine de l'énergie physique, et même des substances inorganiques, la Science entrevoit ou même possède déjà des succédanés inépuisables au charbon, au pétrole et à certains métaux. Mais en matière de produits nutritifs, combien faudra-t-il de temps pour que la Chimie (si elle y réussit jamais) arrive à nous alimenter directement à partir du carbone, de l'azote et autres éléments simples? … Et, en attendant, la population du globe monte verticalement, - et la terre arable se détruit sans précautions sur tous les continents! Prenons garde: nous avons encore des pieds d'argile …" (dans Les directions et les conditions de l'avenir, 1948. Dans L'Avenir de l'Homme, Le Seuil, 1959, pp. 299-300).

J'arrêterai ici ma petite contribution teilhardienne quotidienne et vous invite à lire l'article de votre serviteur dans la revue teilhardienne Noosphère, avril 2020, pp. 45-51, sous le titre: Foi en Dieu, Foi en l’Homme. Pour une expression technico-scientifique de la Foi chrétienne inspirée des recherches de Pierre Teilhard de Chardin. Demain est un autre jour!

R.F. Poswick