Une féminisation de l’avenir social et donc culturel?
Septembre 2024
Pour modeler le monde de la décennie qui vient, notre environnement le plus obvie est constitué par les États-Unis, les valeurs que ces “États” défendront ou vont promouvoir!
Même si la Chine et l’Inde deviennent de plus en plus les autres poids lourds de l’évolution culturelle de notre planète.
D’où l’idée de s’intéresser à la personne qui incarne le côté qui semble être actuellement le plus “intelligent” aux États-Unis: la Démocrate Kamala (prononcer “Ko-mala”) Harris qui pourrait bien être la première femme à la tête de ce pays qui a forgé, depuis deux ou trois siècles, la “culture du futur”!
Jean-Éric Branaa, Kamala Harris. L’Amérique du futur, Nouveau Monde, août 2021, 304 pp, ISBN 9-782-38094-221-7
Première femme à avoir accédé à la Vice-Présidence des États-Unis en 2020, Kamala Harris est désormais lancée dans la campagne qui pourrait la mener, en novembre 2024, à la Présidence de ce grand pays dont l’Europe et une assez large portion de la planète dépend en beaucoup de domaines et qui en font un partenaire, au moins “culturel” incontournable!
D’où vient-elle? Qui est-elle? Quelles “valeurs” va-t-elle représenter?
D’après ce que la presse nous montre de la scène politique états-unienne, elle se distingue (dans tous les sens du terme) de ses concurrents républicains qui présentent l’image la plus désagréable du peuple américain (violence verbale et physique, insolence raciale, rapacité financière, grossièreté, impérialisme, etc.).
Kamala Harris est née le 20 octobre 1964 (elle va donc avoir 60 ans à la
veille des élections face au plus “vieux” candidat à la présidentielle!!) à
Oakland (Californie, USA) d’une mère (Shyamala Gopalan) née aux Indes – une
famille avec laquelle elle gardera des relations très régulières et très
chaleureuses.
Shyamala (1938-2009) sera une étudiante très “activiste” en
faveur des “droits de l’homme” dans la foulée de Martin Luther King et des
mouvements étudiants de l’Université de Berkeley (Californie) qu’elle fréquente
pour obtenir son doctorat en endocrinologie en 1964.
C’est là qu’elle
rencontre un étudiant jamaïcain, Donald Harris, qu’elle épouse en octobre 1963.
Inscrite à une église “baptiste et noire”, Kamala et sa sœur Maya, née un an
après elle, doivent aussi entretenir leurs racines indiennes et pratiquer leur
culte dans un temple hindou!
Son père Donald Harris, descendant d’esclaves noirs amenés en Jamaïque pour la culture de la canne à sucre, deviendra Docteur en Économie et enseignera dans diverses universités. Il divorcera de Shyamala en janvier 1972. Sa fille confiera que “s’ils avaient été un peu plus âgés, un peu plus mûrs émotionnellement, peut-être que leur mariage aurait pu survivre – mon père était le premier “petit ami” de ma mère”. (p. 47)
Au début des années 1970, Shyamala a régulièrement emmené ses filles en Indes où son père restait pour Kamala un conseiller très proche, attaché qu’il était à la construction d’une vraie démocratie aux Indes!
En 1975, Shyamala se brouille avec le Laboratoire où elle travaillait à Berkeley. Elle accepte un poste à l’Université McGill de Montréal et au Laboratoire de l’hôpital universitaire. Elle part donc, avec ses filles, Kamala et Maya, pour le Québec au début de 1976. Elle y restera 16 ans. Ses deux filles y feront leurs études secondaires avant de retourner aux USA pour leurs études supérieures. C’est au Québec que Kamala, apprendra, à contre-coeur et par la force du milieu, la langue française.
Elle termine ses études secondaires en 1981 et est acceptée à l’Université de Howard à Washington (USA), une université majoritairement ouverte aux “noirs”!
Dans ses années universitaires, elle défend la cause “noire”, notamment sur la question brûlante de la fin de l’apartheid en Afrique du Sud. Elle s’affilie aussi à un club féministe noir “Alpha Kappa Alpha” = AKA) qui se présente comme une “sorrorité” noire.
Les AKA sont des filles très populaires à Howard. Elles ont la réputation d’être “cool” et ont une confiance absolue en elles. Elles savent qu’elles peuvent compter sur un réseau de plus de 300.000 “soeurs” à travers le pays. Leur groupe représente l’élite de l’université. (p.85)
Elle obtient son diplôme en sciences politiques et en économie en 1986. Et durant la fin de ses études elle obtient un job dans les bâtiments du Congrès à Washington auprès d’un Sénateur représentant la Californie (“son” pays de rêve!!). Elle retourne en Californie pour faire un doctorat en Droit à l’université de Hastings, doctorat qu’elle boucle en 1989. Elle passe alors l’examen du barreau de Californie… et commence, à 25 ans, sa carrière d’avocate avec un stage dans le bureau du Procureur du comté d’Almeda en Californie.
Pour rendre la Justice plus “juste”, Kamala, après expériences sur le terrain, se rend compte qu’il faut réformer les Bureaux et la façon de fonctionner des Procureurs. Le poste de Procureur se gagne par “élection” . Va-t-elle, à 38 ans, se lancer dans une campagne d’élection à l’américaine et face à de solides “politiciens et blancs” capables de rassembler des millions de dollars?
Dans son autobiographie elle évoque son désarroi et ses inquiétudes à cette période face à tous ces défis : Était-ce vraiment le moment pour moi de me présenter? Je n’avais aucun moyen de le savoir. Mais, de plus en plus, je commençais à sentir qu’attendre et voir n’était pas une option. J’ai pensé à James Baldwin dont les mots avaient défini une grande partie de la lutte pour les droits civiques. Il avait écrit: Il n’existe aucun moment dans l’avenir où nous travaillerons à notre salut. Le défi est dans le moment présent; le temps est toujours maintenant. (p. 134)
Un handicap dans cette première campagne élective fut la relation qu’elle avait
eue avec un ancien maire de San Francisco, Willie Brown… et le fait qu’elle
était en concurrence directe avec son patron le Procureur en place!!
Finalement, elle l’emportera avec 56,5 % des voix et plus de 30.000 voix
d’avance sur ses concurrents! Première Procureure “colorée” de Californie, en
2003, première femme à ce poste, etc.!! Sa “carrière” commence effectivement à
ce moment-là!
Quels sont les lignes principales de sa vision politique?
Elle veut réformer la Justice pénale en Californie et combattre la corruption qu’elle observe à tous les niveaux. Elle veut être rigoureuse contre les crimes. Mais si elle se pose en adversaire de la peine de mort, elle soutient fortement la police et l’engage à la fermeté… en négligeant parfois de mettre en question des policiers fautifs!
Elle veut encourager la prévention et crée un programme Back on Track qui permettait à des primo-délinquants toxicomanes de faire des études secondaires et de trouver un emploi. L’Administration Obama consacrera son initiative en l’étendant au Fédéral!
Elle s’attaque, évidemment, aux discriminations raciales: une lutte dans laquelle elle avait été trempée toute son enfance!
Mais la discrimination en général lui semble intolérable. C’est pourquoi elle agira également pour que les LGBT et autres ne soient pas exclus des droits citoyens.
Elle se bat également contre le port d’armes (et la détention d’armes lourdes)
par les particuliers et soutient l’abrogation des “foires aux armes” qui se
tenaient en Californie.
L’absentéisme scolaire et la conscience écologique
sont aussi parmi les combats qu’elle soutient en tant que Procureure.
L’élection de Barak Obama comme Président des États-Unis, le 4 novembre
2008, va faciliter la réélection de Kamala Harris comme Procureure et va faire
d’elle une vedette politique californienne.
À l’élection pour le poste de
Procureur(e) Général(e) de Californie (l’équivalent d’un “Ministre de la
Justice”) Kamala Harris l’emporte assez facilement en 2014 dans le camp des
Démocrates (contre les Républicains) dans lequel elle milite en Californie.
2014 est l’année où elle épouse l’avocat Doug Emhoff. Une union un peu étonnante, créée sur base d’un blind dating organisé par un groupe d’amis de Kamala Harris. Ils se marient le 27 mars 2014. Kamala devient la “belle-mère” des deux enfants qu’avait eu Doug Emhoff de son premier mariage. Ces enfants vont devenir réellement les siens: “Ce sont des enfants brillants, talentueux et drôles qui sont devenus des adultes remarquables” dit-elle (p. 227). Et Doug va devenir le chevalier servant de Kamala, attentif à tout lors de ses déplacements publics ou privés.
Ainsi, par amour pour elle (et tout le monde souligne leur “complicité”), il abandonne son bureau d’avocat qu’il juge incompatible avec le parcours de plus en “public” de Kamala dès qu’elle entame une première campagne pour la Présidence des États-Unis en 2017… la campagne qui la mènera, suite au choix de Joe Biden, à la Vice-Présidence des USA en 2020.
Elle devient Sénatrice au Congrès des États-Unis, le 3 Janvier 2017.
Le 20 Janvier 2017, Donald Trump devient Président… et dès le 21 Janvier, Kamala participe en leader à la plus grande marche des “femmes” (et spécialement des “femmes de couleur”) à Washington! - au cours de cette énorme manifestation (plus de 3 millions de personnes sur tous les USA), le slogan était “nous voulons un leader, pas un tweeter fou”! (p. 244).
Dès Janvier 2019, elle annonça qu’elle se lançait dans la campagne pour l’élection présidentielle. Elle affirma en parlant de D. Trump:
Ce président n’essaie pas de rendre l’Amérique grande, il essaie de rendre l’Amérique haineuse. Il est donc essentiel pour notre sécurité, notre dignité et notre unité en tant que nation que je dise: nous avons besoin d’un nouveau président. Il est temps que nous ayons un président qui rassemble les gens plutôt que de les déchirer… Je serai ce président! (p. 266-267)
Si elle échoue et abandonne la campagne, elle est récupérée dès Août 2020 par Joe Biden comme sa co-listiaire. C’est la voie royale pour devenir Vice-Présidente des États-Unis… et “bientôt” Présidente?