Détournement culturel de la vérité

Avril 2024

ce n'est pas faux …mais ce n'est pas ce que le “créateur du message” a voulu dire! …aux racines du “droit d'auteur”? 
Un cas d'espèce vécu.

Il s'agit ici d'un cas d'espèce vécu par le signataire dans le domaine de la muséologie et de la muséographie.

Le Computer Museum NAM‒IP à Salzinnes (Namur, Belgique) a été créé à partir de 2013 par un collectif de Collectionneurs belges qui avaient souci de préserver les traces de l'informatisation en Belgique.

Parmi ceux‒ci (UNISYS, BULL, Ingénieur Lemaire, Musée de la sidérurgie de Liège, collection IBM‒Belgique) la collection représentant les travaux pionniers d'application de l'informatique à la Bible et à tout le domaine textuel (archives, bibliothèques, langues, etc) réalisés à partir de l'Abbaye de Maredsous entre 1968 et 2018, représente un apport important et particulièrement “a-typique” à première vue pour un musée d'informatique tel que peuvent se l'imaginer ceux qui n'en n'ont visité aucun parmi la vingtaine qui ont été créés depuis le premier créé à Boseman (Montana, USA) à partir de 1990.

Le Musée de Salzinnes sera ouvert le 26 octobre 2016.
Il sera rapidement présenté dans Le Monde par le spécialiste actuel de l'histoire de l'informatique en France, le Professeur Pierre Mounier-Kuhn qui soulignera, non seulement que “les Belges l'ont fait – alors que les Français en rêvent toujours”; mais également que c'est le seul musée, à sa connaissance, où l'aspect “humain” ‒ “humaniste” est mis en évidence!

On peut comprendre, pour la professionnalisation d'un musée lancé par des personnes qui n'ont pas fait d'études muséologiques, qu'il y ait une volonté de montrer que l'on connaît le métier!

Mais comme toutes les “expertises”, cela ne doit pas rester sur des bases théoriques. Apprendre, sur le terrain, avec ceux qui auraient d'“autres savoirs” et d'autres expériences importantes pour saisir le cœur de la vision muséale spécifique au domaine que l'on veut présenter à des publics divers, devrait constituer la base de décisions muséologiques …et de mises en œuvre muséographiques!

L'exemple de la “destruction” puis “reconstruction” de la première vitrine qui se trouve à l'entrée des espaces d'exposition du Computer Museum NAM‒IP dans son état actuel et tel qu'inauguré en octobre 2016, pourrait constituer un exemple symbolique important!

Un Rapport (daté du 7 Décembre 2023 et remis aux destinataires du Comité de Gestion du Fonds Informatique Pionnière en Belgique de la Fondation Roi Baudouin, propriétaire de tous les artefacts confiés à l'asbl NAM‒IP pour conservation et mise en valeur, le lendemain de leur réunion du 11 Décembre 2023) fait une critique pointue de la pauvre 1e vitrine (avec photos à l'appui – en Annexe 6) : mauvaise conservation, mauvaise présentation – remise en place, après “restauration” d'une vitrine avec l'aide d'un artefact qui se trouvait à une autre place dans l'exposition, etc.!!!

Ce travail zélé (et principalement destiné à assurer les responsables de la Culture en Région Wallonie‒Bruxelles qu'ils peuvent “aider financièrement” ce musée inchoatif) a été réalisé sans référence aux créateurs de la vitrine en question et sans questionnement adressé à une autorité culturelle de référence (inexistante?).
Il constitue, purement et simplement, une destruction de la création originelle (et “originale”)!

En effet, cette vitrine (tant le meuble lui‒même que tous les éléments originels de son contenu) appartient originellement et a été mise en place par les Collectionneurs-Donateurs de la Collection “Informatique & Bible”.

Ce qu'ils ont proposé et réalisé devait donner le ton d'une histoire de l'informatique construite sur base d'une vision historique large et qui implique le passage de la mémoire alphabétique à la mémoire électronique.
Pour ce faire, la Time-Line (résumé historique qui court dans toute l'exposition et jusqu'en 2021) affiché derrière cette première vitrine fait commencer la réflexion historique avec l'apparition de l'écriture alpha-phonétique en Mésopotamie il y a 4.000 à 5.000 ans. Ce rapprochement veut souligner que le basculement actuel vers une nouvelle culture est, d'abord et globalement, l'adoption d'un nouveau système de mémorisation sous forme d'écriture électronique.

Pour expliquer cela, les créateurs de la vitrine disposaient d'une copie de tablette d'écriture cunéiforme: un objet difficile à bien voir et à comprendre. D'où la nécessité de “sacrifier” un exemplaire d'un livre spécialisé dont une double page montrait explicitement ce qu'était l'écriture cunéiforme et comment elle allait évoluer vers l'écriture alphabétique. Un livre dont il existe évidemment d'autres exemplaires!!

Mais remplacer ce “livre” dans la vitrine par le disque d'un gramophone antique fonctionnant comme les bandes cartonnées qui servent pour les instruments de musique mécanique constitue une double erreur:
1. éloigner ce disque de la bande Jacquard exposée plus loin supprime la cohérence de présentation entre ces deux types d'artefacts.
2. Remplacer les pages qui expliquent la naissance et le fonctionnement de l'écriture cunéiforme peut faire croire, erronément, que l'on se trouve devant une vitrine expliquant qu'avant l'informatique, il n'y a que l'étape d'une “mécanisation” de certains éléments de communication (comme le seront plus tard les cartes perforées)!

Or, cette présentation est “fausse” (fake news?) surtout pour des témoins qui ont eu le privilège d'appliquer l'informatique débutante à l'hébreu massorétique, descendant direct des écritures dites du “sémitique oriental” qui a remplacé les écritures cunéiformes il y a quelques 4.000 ans!
Cette vision historique n'est pas celle de personnes qui pensent (et disent …dans une vision historique biaisée et très incomplète) qu'on passe de la mécanographie aux ordinateurs …et seulement quand ces ordinateurs suivront la conception attribuée à Von Neuman (données et programmes en “mémoire centrale”)!!!

Au‒delà de l'utilisation programmée du courant électrique ou des magnétisations, la plus importante avancée historique à la base de l'écriture électronique gérée électroniquement, est d'ailleurs …et bien après les cartes perforées banalisées par Hollerith, la définition d'un code électronique représentant les caractères et les chiffres par le Français Émile Baudot (1845‒1903) dont la trace du nom reste dans le terme “Baud” utilisé pour désigner “la mesure du nombre de symboles transmis par seconde par un signal modulé” (Wikipedia) – et pour l'histoire complexe et très significative des origines de l'informatique dans la typographie et la télégraphie‒téléphonie naissante l'incontournable référence est le livre de Arthur R. Phillips, Computer Peripherals & Typesetting, HMSO, London, 1968.
Émile Baud va donc créer le premier jeu de chiffres et de caractères alphabétiques sous forme binaire. Ce code Baud (largement adopté aux États-Unis) sera au fondement de ce qui deviendra le code EBCDIC puis le code ASCII …et, aujourd’hui, l'UNICODE!

C'est cet ensemble historiquement cohérent que de jeunes muséologues pleines de dynamisme on mis à mal faute d'une connaissance suffisante de l'historique à mettre en évidence!

C'est exactement comme si, dans un atelier de restauration (de peintures ou de tableaux), une restauratrice techniquement compétente et zélée, se trouvant devant une statue ancienne de la Vierge Marie avec différentes couches de peinture se mettait à privilégier la couleur bleue des vêtements de cette Vierge Marie, influencée par les représentations “genrées” (bleu pour les filles, rose pour les garçons) et les descriptions de visions récentes, alors que la “pourpre” sous-jacente exprimait, dans des temps plus anciens , le caractère “royal” du personnage représenté!!
Le message transmis par la restauration erronée est doublement faux: et matériellement par rapport à l'histoire de l'objet et de sa création …et, ensuite, par la projection d'une image plus tardive du personnage représenté et nettement plus “mièvre” culturellement et religieusement!

Sans la vitrine n°1 dans la forme où elle a été créée, comment expliquer aux visiteurs la valeur “pionnière” du lot de plus de 100.000 cartes perforées représentant le texte complet d'une Bible encodée pour être traitée en code EBCDIC, ou encore, la valeur de la toute première impression de caractères hébreux massorétiques (avec vocalisations et cantilations) sur les imprimantes IBM-3800 – à des dates où l'on ne trouvait pas ces productions ni aux États-Unis, ni en Israël? …et le basculement historique vers un nouveau système d'écriture et de mémorisation qui fonde la nouvelle culture à base d'électronique?

Voilà comment se créent les Fake News?

J'ai tenu à décrire ce “petit” problème – assez facile à réparer au demeurant …si l'on en a la volonté – car la vérité muséologique est aussi importante que l'exactitude “scientifique” présentée dans une thèse ou un livre!

Mais le lecteur peut dire, comme un certain “Pilate”: qu'est-ce que la Vérité?