KAIROS.
Notre perception du temps: une révolution cruciale
Septembre 2023
Si la vision géographique de l'environnement humain a franchement et clairement évolué au cours des siècles, notamment grâce à la condamnation malheureuse par l'Église de l'époque de Galilée… puis par les “découvertes” de Christophe Colomb, on a moins parlé, à ma connaissance, des évolutions de notre perception du temps.
Entre un temps mesuré par le lever et le coucher du soleil et un temps calculé au milliardième de seconde tel qu'attaché à nos montres-bracelet ou nos téléphones intelligents… notre relation au temps a “sensiblement” changé.
N'est-il pas “temps” d'en prendre conscience?
Si Paul de Tarse a élargi la géopolitique de la tradition juive aux dimensions de l'Empire romain, il fallut attendre Christophe Colomb pour confirmer que l'humanité vivait sur une planète, ainsi que Galilée et Kepler pour prendre conscience que cette planète faisait partie d'un système galactique au sein d'un Univers encore plus large. Les progrès technologiques et scientifiques développés aux 19e et 20e siècles ont encore accru, en ampleur et en précisions, nos perceptions de l'environnement dans lequel l'humanité se développe et dont la mémoire historique remonte à moins de 10.000 ans, voire moins de 5.000 ans si, selon le travail emblématique de S. N. Kramer, L'Histoire commence à Sumer (1993), c'est-à dire à partir du moment où les humains ont pu mémoriser dans la durée leur empreinte grâce à l'écriture puis au développement du “code” alphabétique.
Prise de conscience de nouvelles dimensions du temps
Parmi ces progrès qu'on ne peut plus, sauf mauvaise foi, remettre en question, il y a eu la prise de conscience d'une évolution des espèces vivantes (Darwin, 1859); une mesure du temps de développement et de l'ampleur de l'univers dans lequel nous vivons (près de 14 milliards d'années et des milliards de galaxies et autres matériaux en expansion, selon la théorie du Big-bang de Georges Lemaître, 1932), une vision confirmée avec proposition d'un regard vers un futur tout aussi long qui pourrait se terminer par la transformation totale de la matière en énergie (les “trous noirs” étudiés par Stephan Hawking, Une brève histoire du temps, 1988), la mise en évidence de la relativité généralisée de nos perceptions du temps et de l'espace (Einstein, 1905, 1921), mais également la certitude scientifique d'une évolution de l'espèce humaine vers une unification planétaire (Teilhard de Chardin, Le Phénomène humain, 1941), une vision confirmée par la preuve d'une irréversibilité du temps (Ylia Prigogine, 1976).
L'accélération récente d'une prise de conscience planétaire de ces visions, accélération due aux progrès techniques et scientifiques provoqués principalement par les deux grands conflits internationaux de la première moitié du 20e siècle, nous oblige à réévaluer notre relation au temps et à l'univers dans lequel nous vivons. On peut considérer que le Concile Vatican II (1962-1965) constitue une première ouverture globale de l'Église catholique à toutes ces évolutions à l'aube d'une nouvelle vague d'accélérations de ces prises de conscience due au développement de l'informatique (surtout depuis 1960) et des énormes progrès planétaires (Internet public après 1992) qu'elle permet dans tous les domaines scientifiques, techniques et même philosophiques, avec, notamment, les premiers pas d'une exploration extra-terrestre de notre univers (premier satellite habité en 1961).
Que sait-on du temps aujourd'hui et comment le vit-on?
On peut considérer comme un “signe des temps” la parution presque simultanée d'un Cahier Évangile (n° 187) consacré à Temps de Dieu et temps des hommes (premier trimestre 2019) et d'un numéro spécial du Courrier International (20 décembre 2018 – 9 janvier 2019) intitulé Le Temps passe-t-il trop vite? La même année (juillet-août 2019, n° 869/870) paraît également un numéro double du magazine Science et Avenir avec un dossier consacré au temps (pp. 34-61). Dans ce numéro, une esquisse historique assez sommaire (Aristote, Newton, Boltzman, Einstein, pp. 36-37) montre le passage de la conception d'un temps immuable (comme pour la terre elle-même avant Galilée et Newton) à une relativité généralisée (avec Einstein) et le rappel d'une chronologie longue où notre planète existe depuis 4,5 milliards d'années sur les 13,8 milliards d'années depuis le Big-bang. Et, aujourd'hui, avec les travaux de Stephen Hawking (décédé le 14 mars 2018) notamment, on pense pouvoir dépasser ces limites, notamment grâce à l'étude des “trous noirs” dans l'univers inter-stellaire et à la découverte de particules qui pourraient se déplacer à une vitesse supérieure à celle de la lumière, une lumière qui sert toujours actuellement aux astrophysiciens pour mesurer l'univers.
Va-t-on dès lors arriver, sur base des travaux de Max Planck (1858-1947), à remonter le temps grâce aux ordinateurs quantiques? Ceci semble rester actuellement de la science fiction même si certains ordinateurs qui se décrivent comme “quantiques” ont été testés avec une flèche du temps que l'on peut inverser. Car c'est le temps qui définit et permet de cerner les atomes quantiques de Max Planck… et les scientifiques cherchent toujours à cerner ces réalités où l'infiniment petit rejoindrait, dans sa structure, l'infiniment grand. Dans la foulée, on estime pouvoir aujourd'hui prédire une “mort thermique” de notre univers dans 20 milliards d'années. Mais, notre conception “scientifique” d'un univers qui se développerait le long d'une ligne du temps est-elle la bonne? D'autres cultures l'ont perçu et le perçoivent toujours comme un système cyclique, fait d'infinis recommencements! Cela ne nous empêche pas, comme humains, de vivre un “temps psychologique” qui va effectivement d'un début (conception) vers une fin (mort). Notre horloge biologique nous aide à percevoir et à vivre ce temps. On peut même calculer certains éléments de notre perception temporelle, notamment grâce à un cerveau qui transmet des informations du lobe gauche au lobe droit (ou inversement) à du 300 km/heure et auquel il faut 550 millisecondes pour réagir à un stimulus extérieur (un bruit, par exemple). Notre perception du temps tente aussi de se rationaliser: à quoi passons-nous notre temps durant toute notre vie? Il paraît que l'on passe au total chaque année (du moins, en France), 32 journées de 24 heures (plus de 2h/jour) à manger et à boire! Quant à la perception du temps, elle s'accélère avec le vieillissement du simple fait de la conscience de la durée finie dans laquelle l'être humain se trouve.
Du
même niveau de communication est le numéro spécial du Courrier International du
20 décembre 2018 – 9 janvier 2019 sous le titre: Le temps passe-t-il trop
vite?
L'occasion de ce Numéro spécial est l'interrogation européenne sur le
maintien ou non d'un changement d'horaire saisonnier.
Les pages 9-10 de ce Numéro spécial présentent l'état actuel des fuseaux horaires planétaires. Une meilleure conscience des particularités locales peut aider à comprendre certains comportements économiques, sociaux ou politiques: ainsi les États-Unis laissent la liberté aux différents États d'adopter ou non le changement annuel d'horaire et cela pour un État fédéral qui s'étend sur 6 fuseaux horaires; la Russie possède le plus important nombre de fuseaux horaires (11); tandis que la Chine a imposé (depuis 1949) le seul fuseau horaire UTC + 8 de Pékin pour tout son territoire (qui s'étale, en fait, sur 5 fuseaux horaires… ce qui donne le plus grand décalage horaire quand on passe d'Afghanistan au Xinjiang, à savoir 3h30 de décalage à la frontière!).
Les diverses analyses présentées montrent que notre relation au temps s'est modifiée, surtout du fait de la présence massive des téléphones portables.
Un sociologue allemand, Harmut Rosa, a déjà consacré deux ouvrages à notre relation au temps: Accélération. Une critique sociale du temps, La Découverte, 2010, et Aliénation et Accélération. Vers une théorie critique de la modernité tardive, La Découverte, 2012. Il y a un autre rapport au monde, une autre manière d'entrer en contact avec les autres et les réalités qui nous entourent. À courir derrière toutes sortes d'activités, plus rien ne résonne en nous ou hors de nous. Nous sommes aliénés! Des scientifiques américains appellent à ralentir (notamment l'Internet, l'envoi de messages, l'adoption de nouveaux programmes ou applications, etc.).
Certains journaux soulignent même que l'urgence permanente nuit à la démocratie.
Carlo Rovelli, chercheur italien qui travaille en France, a écrit L'Ordre du Temps (2018) sur sa conception du temps générée par la théorie de la gravitation quantique. Pour la physique quantique, le temps n'existe pas et le déroulement chronologique serait le fruit de l'imagination humaine! Pour lui, le temps est une expérience psychologique et émotionnelle, vaguement connectée à la réalité extérieure ‒ cela se passe dans notre cerveau ‒ mais, sans cette expérience, nous ne saurions peut-être pas qui nous sommes!
C'est l'occasion de rappeler que la conception du temps dit “linéaire” est très liée à la culture judéo-chrétienne qui situe tout entre un commencement et une fin alors que d'autres cultures (notamment en Asie) ont une vue cyclique du temps comme un éternel recommencement.
Par contre, Jun Ye, physicien à l'université du Colorado (USA), considère, lui, que “le temps est l'un des instruments les plus essentiels de notre connexion à la nature” (p.52). Le “tic-tac” sub-atomique qui marque la ronde des électrons autour du noyau d'un atome est au cœur de la nature et assure la régulation de toutes choses.
Depuis Louis Essen et Jack Parry (1955), une seconde équivaut officiellement à la fréquence de transition atomique du césium 133, soit, environ 9,2 milliards d'oscillations! L'heure atomique actuelle est réglée sur 500 horloges atomiques dispersées sur toute la planète. Et Jun Ye met au point une horloge atomique sur base de la transition atomique du strontium 87 qui se compte en “femtosecondes” (soit = un millionième de milliardième de seconde: 10 exposant moins 15!!). C'est l'horloge la plus précise mise au point: si elle avait existé depuis le Big-Bang, il y a 13,8 milliards d'années, elle n'aurait dérivé que d'une seconde!
Le pendule a permis les premiers voyages
transatlantiques; l'horloge atomique a ouvert la voie au GPS, à l'Internet
planétaire et à la perspective de déplacements dans l'espace!
Ce nouveau
temps est attaché à nos poignets ou à notre smartphone, et, par là, intégré à
notre “conscience”!
Le temps d'aujourd'hui et le temps du chrétien
Cette réalité ou cette perception humaine d'une réalité qui semble inscrite dans la structure même de l'univers dont nous faisons partie, est un élément fondateur de notre foi judéo-chrétienne: il y a un passé et il y a un à-venir! Pouvoir situer notre vie, notre cheminement humain et spirituel dans ce que nous percevons comme un déroulement, une évolution, un changement, une conversion, est constitutif de notre devenir comme personne humaine… et donc de notre foi.
Les Actes d'un Colloque qui s'est tenu à l'Institut Catholique de Paris en Février 2017 sur le thème Temps de Dieu et temps des hommes (Cahier Évangile, 187, mars 2019) présentent quelques pistes de réflexion sur ce sujet.
On suggère que le sens possible de l'ordonnancement
hebdomadaire d'un temps rythmé par le 7e jour (Shabbat) serait une tentative
de ramener le chaos de l'histoire à un rythme cyclique lié au culte du Temple,
rythme pacifié et reflétant l'immutabilité du temps divin. Le repos du Sabbat
(une ajoute littéraire plus tardive) fixant cultuellement cette vision.
Par
ailleurs, de nombreux livres bibliques (Prophètes et Psaumes, notamment)
présentent le temps comme une expression de la fragilité humaine qui pousse à
espérer et implorer le secours de Dieu.
Ce secours viendra, dans le Nouveau
Testament, et plus spécialement chez Paul de Tarse, sous forme du kairos, ce
“temps favorable”, cette “occasion unique et définitive”: le temps décisif
de la croix et de la résurrection “qui bouscule les représentations linéaires
du temps” et souligne “l'urgence d'une bonne nouvelle qui peut se vivre au
quotidien comme un appel, comme un projet” (p.74).
Confrontation
Je pense que devant l'intérêt et l'inquiétude contemporains qui expriment un éveil des consciences sur ces sujets dans toutes leurs dimensions planétaires, cosmiques et humaines (biologiques, psychologiques et philosophiques), une analyse biblique telle que celle proposée par le Cahier Évangile décrit ci-dessus nous laisse quelque peu sur notre faim.
Les intuitions des auteurs bibliques vont bien au-delà des subtilités exégétiques, et cela depuis le récit de la création (Genèse) selon lequel tout l'univers qui nous entoure ne peut avoir été fait en un seul jour, jusqu'aux visions lumineuses de Paul de Tarse (la création est dans un processus d'accouchement qui attend sa pleine réalisation grâce à l'humanité) et de l'évangéliste Jean (la Parole créatrice de Dieu s'est faite chair humaine pour diviniser cette humanité et transfigurer le temps).
Je proposerais donc aujourd'hui deux grandes conceptions chrétiennes de la situation de notre humanité dans la temporalité. Je pense qu'elles ne s'opposent pas… elles présentent seulement cette réalité selon deux angles différents.
Pierre Teilhard de Chardin (1881-1955)
La
première est celle que nous apporte le jésuite Pierre Teilhard de Chardin. Sur
base de son long et minutieux travail scientifique sur l'évolution géologique
de différents territoires du monde (Asie, Afrique, Amérique), mais également
sur l'évolution de l'humanité (études sur l'homme de Néandertal et sur le
Sinanthrope), il considère que l'humanité représente, dans son ensemble, une
nouvelle “couche” évolutive sur la planète Terre, au-delà de l'apparition de
la vie et de son développement tendant toujours à plus de complexité (biologie,
biosphère). Le “phénomène humain” inaugure une nouvelle ère sur notre
planète, ère que certains scientifiques appellent l'ère géologique de
l'Anthropocène qui succède à celle de l'Holocène (les 10.000 dernières années)!
Désormais, et depuis l'apparition de la “conscience” dans un animal qu'on
appelle “homme”, l'évolution de la planète est commandée (pour le meilleur
comme pour le pire!) par l'emprise, de plus en plus planétaire, des humains.
Des humains qui sont en voie de “socialisation” et donc de création d'une
conscience planétaire qui pourrait ressembler à la mise en place d'un
“cerveau” telle qu'on peut l'observer dans le développement d'un fœtus
humain!
Après la biosphère se développerait actuellement une noosphère.
Celle-ci obéirait aux lois de développement déjà observées au niveau de la
biosphère: l'unification par une complexification fonctionnelle dont le corps
humain présente un modèle extraordinairement complexe et d'un niveau de
conscience (et d'intelligence) étonnants et admirables!
Pour Teilhard de
Chardin, cette évolution dont il voit les traces en mouvement – il interprète
même les deux guerres mondiales qu'il a vécues comme des signes de cette
évolution – ne pourra se faire que par un accroissement de conscience, mais
d'une conscience qui sera collective. Et la seule force qui devrait permettre
cette progression menant à l'existence d'un Corps humain intégrant les humains
de tous les temps et l'ensemble de l'univers dans toutes ses composantes,
serait la force divine de l'amour qui suppose une force attractive (appelée le
point Oméga par Teilhard), un Corps qui correspondrait au Corps mystique du
Christ ressuscité tel que Paul de Tarse l'imagine dans ses Lettres: un Corps
“cosmique” qui rendrait à Dieu, le Père et créateur, toute la Création en
pleine conscience: l'Esprit!
Olivier Clément (1921-2009)
Écrivain et théologien orthodoxe français, Olivier Clément a publié en 1959: Transfigurer le temps. Notes sur le temps à la lumière de la tradition orthodoxe, Delachaux et Niestlé, 224 pp.
Au-delà des positions protestantes d'un Oscar Culmann (Christ et le temps, Delachaux et Niestlé, 1947) qui opposent le temps humain (négatif et allant à une fin apocalyptique) et le temps de Dieu, Olivier Clément présente, comme vision du temps dans l'orthodoxie, un temps créé par Dieu et donc fondamentalement “bon”, un temps que ce Dieu qui l'a créé vient racheter et transfigurer.
Après une sérieuse
analyse de la notion du temps cyclique dans les visions hindouistes ou
bouddhistes, ou encore dans les rêves millénaristes chrétiens, Olivier Clément
présente une vision orthodoxe qu'il estime moins “platonicienne” que celle
des théologies occidentales (entendez “catholiques”)!
“Les Pères, loin
d'aliéner le sens historique de la Bible, et sans tomber pour autant dans la
naïveté, se sont gardés de définir l'éternité divine a contrario du temps,
d'opposer une éternité lourde d'être (l'immuable, dans la philosophie grecque,
égalant le bien) à un devenir illusoire (le changement signifiant la
dégradation et le mal). Si les catégories du temps sont le mouvement, le
changement, le passage perpétuel d'un état à un autre, la théologie orthodoxe ‒
beaucoup plus libre des implications platoniciennes que la théologie
occidentale ‒ se garde de définir Dieu en son éternité par l'immobilité,
l'immuabilité, l'invariabilité” (p. 54-55).
“Si le temps est ainsi appelé à révéler l'éternité – si son entrée dans l'éternité constitue le sens de toute l'histoire – qu'adviendra-t-il de lui lorsque cette Fin se manifestera dans toute sa plénitude, lorsque Dieu sera “tout en tous”? Quand “sera consommé le mystère de Dieu, répond l'Apocalypse, il n'y aura plus de temps ( de chronos)” (Ap. 10.6). […] Quant au temps personnel, la négation “il n'y aura plus de temps” s'éclaire par la négation corrélative : “il n'y aura plus de mort” (Ap. 21.4). Le temps que l'éternité abolit est le temps de la séparation mauvaise […] Mais le temps positif – celui du bon distancement que permet l'amour – se retrouve dans l'éternité parce que l'éternité n'abolit pas, mais accomplit la personne, parce qu'elle n'est pas l'indifférenciation du gouffre, mais la communion toujours nouvelle du face à face” (p. 72-73).
“Comme l'ont souvent remarqué les Pères, il y a comme une triple incarnation du Verbe: dans le cosmos, dans l'histoire sainte, dans le Christ Jésus. Et seule cette incarnation plénière, non plus manifestation énergétique mais “inhumanation” de la Personne même du Fils, donne leur sens aux deux premières. Ou plutôt il y a une seule incarnation, la troisième, mais comme elle contracte et transfigure toute la réalité humaine et cosmique, elle permet de déchiffrer la présence du Verbe dans la bible du monde et celle de l'histoire” (p. 106).
On notera ici la proximité de cette vision avec celle du Traité de la Providence divine attribué au Père de Caussade, s.j. (1675-1751) quand il dit que “la révélation divine se fait au travers de trois livres : le Livre de la Création, le Livre de l'Histoire humaine et le Livre des Saintes Écritures qui culmine en la personne de Jésus Christ”.
Olivier Clément est pourtant résolument contre l'évolutionnisme chrétien de Teilhard de Chardin (p. 187), car l'aspect collectif de l'humanité est, selon sa vision anti-communiste de l'époque, un lieu de déshumanisation: “Le peuple et la terre sont des réalités relatives, seule la personne est appelée à une fin absolue” (p. 202).
Teilhard et Clément se retrouvent donc dans l'exigence, vitale pour la foi, de la primauté de la personne et de la personnalisation de l'humanité en Jésus, ressuscité et terme de l'univers!
Conclusion
Je pense, en conclusion, qu'il
nous faut plus que jamais réfléchir et travailler à l'ajustement des temps
biologiques et corporels dont notre conscience est d'abord nourrie, avec cette
conscience d'être participants d'un temps planétaire et cosmique. Il y va de
notre santé mentale!
Mais il nous faut également vivre ce temps comme un
appel du créateur de l'univers à projeter l'humanité qu'il divinise (en
l'adoptant par la vie, la mort et la résurrection de Jésus) vers sa
divinisation finale.
Cela appelle probablement, au plan de l'engagement
personnel, un engagement dans ce que j'appellerais le “temps crucial”, ce
fameux “kairos” par lequel l'individu humain peut vivre pleinement, dans la
foi, “son” temps, qui culmine en celui de la mort, une mort qui l'incorpore
concrètement au Corps ressuscité et cosmique de Jésus, le Fils de Dieu!