La masse humaine sur la planète Terre

Février 2023

La bombe démographique   La bombe démographique  

J'ai hésité à mettre ce sujet dans la Veille Technologique ou dans la Veille Culturelle. En effet, la présence humaine sur la planète Terre (3 millions d'années?), est “relativement” récente par rapport à l'apparition de la vie sur cette petite planète (3.000 millions d'années?). L'Homo sapiens est encore plus récent (300.000 ans?). Mais il a ouvert une ère nouvelle, celle de l'Anthropocène. Une ère caractérisée par l'emprise progressive de l'humain sur l'évolution de cette même planète. Une planète qui dépend désormais de cet humain pour la survie ou l'extinction de la vie sur cette Terre! 

Sous le titre “à la une: Démographie, la Bombe qui vient”, le Courrier International n°1628 du 13-19 janvier 2022 (pp. 28-35) avait proposé un petit dossier sur le sujet brûlant de l'évolution de la population mondiale: sa croissance exponentielle est pour beaucoup un argument catastrophique de l'évolution dans les 50 à 100 prochaines années.
Mais il semble que c'est plutôt vers une dramatique extinction de la race humaine que les principaux indicateurs orientent la réflexion.
Reprises principalement aux études parues au Japon, un pays déjà frappé par une décroissance démographique à grande échelle, les conclusions sont déjà impressionnantes.
Mais le même Courrier International a présenté en octobre-novembre 2022, un Hors-série intitulé La Bombe Démographique : 74 pages d'enquêtes sur le thème plus effrayant de la décroissance de l'humanité et de la gestion démographique et économique d'une telle décroissance! On en parlera plus loin.

Deux passages extraits de l'article ci-dessus, et se référant à la culture japonaise, la plus marquée dès aujourd'hui par un vrai déclin de la population, donnent le ton:

Celui qui croit que la croissance peut être infinie dans un monde fini est soit un fou, soit un économiste. Cette phrase célèbre de Kenneth Boulding, économiste de la transition, mort en 1993, a engendré d'infinis débats sur la décroissance. Dans le contexte d'un monde qui se dépeuple, la production et la consommation baissent, remettant en cause l'équilibre d'une économie mondiale fondée sur la croissance, qu'il s'agisse de financer les retraites ou de faire rentrer l'impôt. […] Dans une étude de 2020, l'économiste Charles I. Jones, de l'université de Stanford, explique qu'à long terme, tout effet économique positif découlant d'une diminution de la population pourrait être annulé par la réduction de la capacité créative de l'humanité. Les idées étant le moteur de la croissance, une baisse du nombre absolu de cerveaux pourrait freiner sérieusement l'innovation, et donc les perspectives de croissance. (op. cit. p.33)
La Chine n'est pas le seul grand pays dont le poids géopolitique est menacé par la démographie. Selon les Nations Unies, la population russe perdra quelque 20 millions d'habitants à l'horizon de 2100. Vladimir Poutine parle d'ailleurs de crise: Notre devoir historique est de relever ce défi, a déclaré le président russe dans une allocution télévisée en 2020.
Les États-Unis vont aussi entrer dans une période de déclin démographique qui aura de très lourdes répercussions économiques. La croissance américaine ralentit, et sa richesse est moins également répartie, d'où une vague de populisme et de nationalisme ayant pour devise “America First ” “L'Amérique d'abord ”!
La puissance militaire évolue également. Elle ne se chiffre plus désormais en nombre d'hommes, de chars, de navires ou d'avions. Le bras de fer se joue désormais sur le terrain de la qualité. Fini le temps où la puissance militaire et économique était directement liée à l'étendue de la population.
De la même manière que la démocratie et le capitalisme ont remporté la guerre froide grâce à la supériorité de leurs régimes, les pays sont actuellement en concurrence pour élaborer un cadre qui leur permettrait de conserver leur prospérité sans qu'ils soient tributaires d'une démographie vigoureuse.
L'avenir appartiendra aux sociétés qui parviendront à se restructurer face au déclin avant qu'il ne soit trop tard. (op. cit. p. 35).

Avec une multitude de graphiques très parlants (pp. 4-5), le Hors-série d'octobre-novembre 2022 La Bombe Démographique, apporte des clefs pour permettre la prise de conscience de cette décroissance de la population mondiale au de-là d'un pic de croissance qui pourrait atteindre 10 milliards d'humains sur la planète à l'horizon de 2100.

Il le fait sous quatre angles:
Une description de La Planète des vieux (un tour d'horizon du côté de la Corée du sud, de l'Italie, du Mexique, de la Chine, de la France (âge de la retraite), de la Syrie;
une description du Laboratoire japonais (travail jusqu'à 80 ans pour suppléer au manque de main-d’œuvre; aide des robots; médecine régénérative; migrants; etc);
Les Nouveaux déséquilibres (développement démographique de l'Afrique; explosion urbaine; télétravail; l'avortement);
Faut-il encore des enfants? (de la liberté féminine désormais acquise à la volonté de bébés à tout prix, une démographie contrôlée et limitée par le désir de ne pas perdre les acquis sociaux).

Faute de pouvoir développer tous les aspects abordés, quelques “titres ” ou “sous-titres ” peuvent évoquer les différents aspects dont il faudrait tenter de faire la synthèse pour imaginer une évolution qui ne soit pas “catastrophique ”!

La Planète des vieux

Le monde vieillit et c'est tout un équilibre qui sera bouleversé dans les décennies à venir. Travail, retraites, prise en charge du quatrième âge… les défis auxquels tous les continents vont être confrontés sont vertigineux (p.7).
Vers un monde dépeuplé. En 2050, les populations de 151 des 195 pays du globe seront en décroissance. Leur vieillissement, déjà notable en Asie et en Occident, entraîne pénurie de main-d’œuvre, pression sur la protection sociale et ralentissement économique. Quel moteur de croissance pour remplacer la démographie? (p. 8).
La croissance économique globale ne va plus de soi, l'humanité va devoir trouver un nouveau modèle de prospérité (p. 9).
Le recours à l'immigration est vital. En 2020, les Nations Unies ont dénombré près de deux fois plus de migrants internationaux que deux ans avant (p. 11).
La Corée du Sud va-t-elle disparaître? Avec un taux de natalité très bas et une population en diminution, le pays est en proie à une crise sans précédent aux conséquences économiques, sociales et culturelles incalculables (p. 14).
Depuis vingt ans, les autorités ont investi près de 15 milliards d'Euros et pris 2000 mesures incitatives pour encourager les naissances. En vain. (p. 14).
Le Mexique maltraitant avec ses aînés. Le nombre de personnes âgées grossit dans ce pays jeune. Entre violences et abus de confiance, vieillir dans sa famille peut être un calvaire… (p.17).
Le soutien aux familles chinoises passe par la salle de bain. Depuis 2018, plusieurs villes expérimentent une aide au bain à domicile afin de soulager les proches des plus dépendants. Le pays compte 264 millions de personnes de plus de 60 ans (p. 18).
En Inde, une start-up rompt la solitude des plus âgés (p. 18).
Péril sur les retraites. Le vieillissement de la population met à rude épreuve les systèmes de retraite publics européens. Des pistes de réformes existent, mais le manque de courage politique empêche leur émergence… (p. 20).
Au Royaume-Uni, un dispositif inscrit automatiquement les travailleurs à un fonds d'épargne pour les aider à économiser pour leur retraite (p. 21).
En Allemagne, le contrat entre les générations est sérieusement menacé (p. 21).

L'âge du départ à la retraite agite la France. Emmanuel Macron veut réformer le système de retraites dès l'été 2023. Il pourrait n'y avoir plus que 1,3 actif pour 1 retraité en France en 2070 (p. 22).
L'espérance de vie recule aux États-Unis. Les Américains vivent de moins en moins longtemps. Une crise ignorée de Washington (p. 22).
En Syrie, le grand âge entre souffrance et désespoir. La guerre les a précipités dans l'isolement, notamment familial, et l'effondrement économique du pays les contraint à continuer à travailler: les Syriens ayant atteint l'âge de la retraite sont livrés à eux-mêmes (p. 23).
Pourquoi les seniors ont la cote auprès des entreprises. Les plus de 50 ans sont souvent injustement refoulés du marché du travail. Alors que la “silver economy ” est en plein essor, l'expérience et le savoir-faire sont valorisés dans des pays vieillissants, comme l'Espagne. Selon l'Institut national de la statistique, 30% des plus de 45 ans disent avoir été victimes de discrimination en raison de leur âge (p. 24).
L'Arabie Saoudite veut ralentir le vieillissement (p. 25).

Le laboratoire japonais

Robotisation, médecine, recours aux travailleurs étrangers: l'archipel cherche par tous les moyens à faire face à la chute de sa natalité et au vieillissement de sa population (p. 27).
Une situation sans issue. Le déclin démographique du Japon depuis quatorze ans, aggravé par la pandémie, est, pour la presse nipponne, la raison principale de la stagnation de l'économie (p. 28).
Au boulot jusqu'à 80 ans ou plus. Pour répondre au vieillissement et à la pénurie de main-d’œuvre, des entreprises nippones reculent, voire suppriment, l'âge de la retraite (p. 29).
Les robots aidants entrent dans les maisons de retraite. Aide à la surveillance, recueil des paramètres vitaux: les robots interviennent dans les maisons de retraite nippones, en manque d'aides-soignants. Un établissement sur cinq y a déjà recours (p. 30).
Des pistes pour soigner le vieillissement. Les études sur les mécanismes de la sénescence et de la longévité s'intensifient dans l'archipel nippon, portées par des centres de recherche spécialisés et de récentes découvertes. Éliminer les cellules sénescentes grâce à des médicaments pourrait aider à la prévention ou à la guérison des maladies (p. 32-33).
Tokyo tend la main aux travailleurs étrangers. C'est un tournant pour le Japon qui a décidé , face à la pression démographique, d'assouplir sa politique d'immigration (p. 34).
Nous ne jouerons plus ensemble. La baisse de la natalité limite la formation d'équipes de base-ball ou de softball dans les collèges japonais (p. 36).
Le nombre de pratiquants a diminué de 780.000 entre 2001 et 2021, soit une baisse de 30% en 20 ans (p. 37).

Les Nouveaux déséquilibres

Inégalités Nord-Sud, hommes-femmes, villes-campagnes … Comment gérer les mutations d'un monde où les migrations vont s'accélérer et la dynamique démographique passer de l'Asie à l'Afrique? (p. 47).
Quand l'Afrique s'éveillera. Le continent est au cœur d'une révolution démographique qui va façonner les XXIe siècle. Mais cette nouvelle dynamique suppose de relever de nombreux défis politiques, économiques et sociétaux… (p. 48).
L'explosion urbaine. D'ici à 2025, la population mondiale aura atteint 8,1 milliards de personnes. Les métropoles africaines sont le moteur de cette hausse: 17 des 20 villes à la plus forte croissance se trouvent sur le continent (africain) (p.51).
Et si le télétravail revitalisait campagnes et petites villes? L'exode des travailleurs à distance hors des métropoles peut être une chance inespérée pour les villes secondaires et les zones rurales délaissées… (p.52).
100 millions de déplacés dans le monde (p. 55).
La course démographique se resserre en Israël. L'écart entre le taux de natalité des Arabes et celui des Juifs… a des conséquences géopolitiques et économiques. Il s'est considérablement réduit (p. 57).
Chaque année, l'État hébreu dépense 150 millions de dollars pour subventionner les fécondations in vitro (p. 58).
En finir avec l'avortement sélectif. Au moins 23 millions de fœtus féminins auraient été avortés dans le monde entre 1970 et 2017 en raison de leur sexe. La Chine, l'Inde ou encore le Vietnam commencent à combattre cette pratique (p. 59).
La stérilisation masculine explose aux États-Unis (p. 59).
En Inde, avorter au péril de sa vie. Chaque jour au moins huit indiennes meurent des suites d'un avortement insuffisamment sûr. Le manque de médecins et les préjugés empêchent un accès libre et dans de bonnes conditions à l'IVG (p. 60).
Le grand mufti d'Égypte légitime la contraception (p.61).
L'Allemagne de l'Est ne fait pas rêver les femmes. Les hommes sont majoritaires dans les Länder de l'Est du pays. Le départ de nombreuses femmes impacte la démographie locale mais aussi la vie politique de ces régions désertées (p. 62).
La défiance vis-à-vis des institutions démocratiques et le racisme sont marqués dans les régions où les femmes sont minoritaires (p.63).

Faut-il encore faire des enfants?

Les politiques natalistes n'ont pas disparu mais les femmes ont aujourd'hui le choix de devenir ou non mère. Entre le réchauffement climatique et la surpopulation, certains hésitent, voire se refusent à fonder une famille (p. 64).
Désormais les femmes font ce qui leur plaît. Les Américaines ont des enfants plus tard, quand elles décident d'en avoir. Une évolution liée au manque structurel d'aides, mais qui peut aussi être vue de façon positive: pour exister dans la société, les femmes n'ont plus l'obligation millénaire de devenir mères (p. 66).
Envisager la procréation à la lumière du désir d'enfant est une révolution dans l'histoire de l'humanité. Des enfants? Non merci! Les femmes ont davantage de voies pour trouver l'amour, être respectées et avoir une vie bien remplie (p. 67).
L'Espagne, pays de l'enfant unique. Ces trois familles n'ont qu'un enfant, par obligation ou par choix, dans un pays qui affiche l'un des taux de natalité les plus bas du monde. Des spécialistes en anthropologie et en psychologie racontent ce qu'engendre une société sans fratries (p. 70).
Il n'y a pas de véritables politiques permettant de concilier vie privée et vie professionnelle (p. 71).
“Comment donner la vie dans ce monde?”. Face aux crises actuelles, et notamment à la menace climatique, de jeunes adultes en âge d'avoir un enfant font le choix de tourner le dos à la maternité et à la paternité (p. 72).
Lettre à toutes celles qui hésitent à devenir mère. La journaliste Hadley Freeman se réjouit d'avoir eu des enfants. Elle aimerait néanmoins que ses amies qui ne sont pas sûres d'en vouloir, ne culpabilisent pas et passent à autre chose (p. 73).

Faut-il une conclusion personnalisée?

Les données rassemblées par cet Hors-Série sont écrasantes mais donnent bien la dimension planétaire et sociétale de toute cette problématique qui, en plus, doit être confrontée à toutes les luttes en cours pour tenter de sauver la planète d'un réchauffement qui serait mortel pour la Vie sur Terre! La diminution et limitation de la présence humaine sur la planète peut apporter une régulation raisonnable de la présence humaine, assistée par beaucoup de hautes technicités, sur notre planète.
Mais qui restera?
Avec quelle vision “culturelle”… ou “spirituelle”?