Les Églises et l'Informatique, 40 ans après! 

Mai 2022

Pour les évêques européens responsables des médias qui se réunissaient à Bad-Schönbrun en 1983, l'Association catholique pour la radio, UNDA, m'avait demandé une note sur “Les Églises et l'Informatique”. Je me propose de reprendre ce questionnement et de l'évaluer 40 années après sa formulation. Cette note fut publiée dans le Bulletin de l'asbl Pro.BI (Informatique et Bible) en 1984. Elle se présentait sous forme de 12 questionnements répartis en 5 chapitres. Elle était illustrée par un dessin qui représentait l'informatique comme le nœud d'un grand système de communication fédérant tous les types de communication mécanisée connectés ou en voie de connexion avec l'informatique, une informatique qui devenait “grand public” avec l'apparition en cours des micro-ordinateurs.

A. Pour un regard chrétien

1. Constat
Une image négative propose d'assimiler l'informatique-télématique à la Bête de l'Apocalypse qui marque tout le monde de son chiffre; on peut lui opposer une image positive dans l'obéissance de Noé qui construit un véhicule capable, de par sa cohérence avec l'événement en cours, d'affronter son déluge. Faut-il mythiser ou démythiser l'informatique? Cela suffit-il à la rendre “neutre”?
Question
Entre la bête de l'Apocalypse, symbole d'un empire diabolique, et l'Arche de Noé, symbole d'un refuge salutaire, l'informatique risque d'être vue mythiquement. La démythiser suffit-il à la faire considérer comme “neutre”?
Proposition

La technique n'est pas “neutre”, surtout celle de l'électronique/informatique. Une prise de position anthropologique et sociale fondée sur le message chrétien peut prévenir toute récupération mythique.

40 ans après

On trouve malheureusement encore ce type de mythisation (surtout négative) de l'informatique dans des regards catholiques portés sur la numérisation informatique en cours. Je les ai évoquées dans des Interface_2020 vision “apocalyptique” ou refuge dans l'“intériorité”.
Mythe pour mythe, j'avais proposé plutôt l'image de l'Arche de Noé à l'annonce du déluge: c'est celle d'un homme qui affronte le tsunami de la nouvelle situation en inventant l'environnement porteur de la vie et du salut.
 Je me tiens aujourd'hui encore à cette vision qui rejoint l'exigence exprimée par Teilhard de Chardin sous l a forme de l'”effort”, cette attitude qui veut lutter avec un réel en évolution et l'accompagner, en toute intelligence, dans les développements positifs qui sont ceux de l’écosystème dans lequel l'humain se développe (l'anthropocène) dans une responsabilité et avec des moyens accrus par rapport à l'environnement planétaire dont il fait partie intégrante.
Reconnaître que l'informatisation et la numérisation généralisées ne sont pas neutres, mais induisent des nouvelles façons d'être humain “autrement”, doit nous pousser à chercher comment être chrétien “autrement” en harmonie avec l'évolution de tout l'écosystème humain sur une planète unifiée et surpeuplée!

B. Un nouveau langage

2. Constat
S'il se vérifiait que l'informatique-télématique était une révolution au niveau des signes et des moyens de l'écriture (passage du symbole phonétique visuel au signal électronique binaire), qu'en résulte-t-il pour un message transmis depuis des siècles avec l'écrit alphabétique comme autorité?
Question
Le changement dans la nature et les moyens de la documentation aura-t-il une incidence sur une culture religieuse largement fondée sur l'Écrit comme autorité?
Proposition
La tradition chrétienne la plus large a toujours tenu la transmission écrite du message qui la fonde comme un des moyens de sa révélation et diffusion. Une modification de la nature et des moyens de la transmission ne devrait pas affecter fondamentalement ce message. Cependant les changements prévus à ce niveau requièrent une insistance sur le caractère personnel et total (tout l'homme et tous les hommes) tant du message révélé que de sa transmission.

40 ans après

Plus que jamais le message évangélique (biblique) doit être pris comme une transmission orale et personnelle de personne à personne. Les aspects visuels, sonores, tactiles que permettent et suggèrent les moyens de transmission de la nouvelle culture devenant les vecteurs principaux de transmission du message, de la Bonne Nouvelle, ils doivent être utilisés pour privilégier les relations personnalisées.
À la 5e Conférence Internationale Bible et Informatique à Aix-en-Provence, le Professeur Eugene Nida, spécialiste des traductions de la Bible pour les Sociétés bibliques, a affirmé que l'on possédait aujourd'hui tous les outils sémantiques qui devraient permettre des traductions de la Bible non plus sous forme de “texte écrit”, mais sous forme de message multimédiatique.
Si cet aspect de la transmission mérite donc des efforts (où en est-on dans les différentes confessions chrétiennes?), les pratiques de transmission “personnelles” et donc au sein et par le moyen de personnes qui peuvent se retrouver réellement et se parler, sont à privilégier. Les “catéchistes” de tous ordres sont-ils conscientisés dans ce sens?

3. Constat
L'informatique favorise le langage dur ou langage-signal plus efficace et univoque pour s'assurer de la bonne communication entre un émetteur et un récepteur et plus aisé à réduire en valeurs d'un système binaire. Ce langage est-il adapté à transmettre des vérités “analogiques” où la force poétique, symbolique et intuitive et le contenu émotionnel du langage sont parfois les seules à pouvoir évoquer un “mystère”?
Question
Le langage “analogique” et symbolique utilisé dans la transmission du donné de foi résistera-t-il au “langage-signal” de la machine, nécessairement réducteur?
Proposition
 L'expression humaine dans toutes ses virtualités intuitives, imaginaires, créatives, artistiques, symboliques, doit faire l'objet d'une attention particulière de la part des chrétiens pour parer à la réduction de leur message à un code (ésotérique ou banalisé).

40 ans après

L'Art de la communication humaine sous tous ses aspect doit devenir une priorité technique. Mais également une volonté culturelle et pédagogique. Le “partage” (communautaire ou démocratique selon les échelles) fait partie de cet ensemble, car l'humain ne peut communiquer qu'en partageant.
La “synodalité” chrétienne est le moteur d'une application sociale de la charité.

C. Une nouvelle façon de penser

4. Constat
L'enseignement, depuis l'ère de la TV et des autres médias de communication, ne passe plus par l'école pour une part croissante. La banalisation de l'ordinateur à l'école comme à la maison favorisera encore l'auto-enseignement.
• Est-on conscient de la pédagogie nouvelle que cela induit, et jusqu'où faut-il se soucier de l'infrastructure qui modèle le nouvel enseignement?
• Ne faut-il pas faire d'urgence des expérimentations pour mesurer l'effet sur une génération de jeunes cerveaux d'un mode d'écriture qui oublierait totalement (ou presque) le crayon et le stylo, pour ne plus utiliser que des claviers pour écrire et des écrans et/ou papiers-ordinateurs pour lire?
Question
La pédagogie fondée sur les nouveaux médias d'accès à l'information ne fait-elle pas éclater l'École traditionnelle et changer les exigences de l'apprentissage?
Proposition
Plutôt que d'assurer des combats d'arrière-garde pour l'École traditionnelle, les chrétiens ont à devenir les promoteurs d'une nouvelle formation où la famille et le groupe de base associés aux médias nouveaux chrétiennement gérés donnent le cadre d'un nouvel enseignement.

40 ans après

Il ne semble pas que l'Enseignement chrétien ait vraiment tenté, sinon très timidement (et plus récemment poussé par les confinements d'une pandémie) , une vraie révolution fondée sur la maîtrise “humaine” de l'environnement numérique.
Un énorme effort doit être proposé d'urgence en tenant compte tant des dangers et nuisances des outils de la nouvelle culture (voir les travaux de Sherry Turkel ou d'autres, notamment sur la nuisance des “écrans”) que des potentialités pour la maîtrise d'une nouvelle culture vraiment humaine et culturellement planétaire.

5. Constat
Un analphabétisme nouveau sera créé par une génération qui maîtrisera la communication électronique et déclassera toutes les personnes (même lettrées) qui n'auront pas cette maîtrise.
• Comment pallier à ce décalage qui peut notamment se produire entre les enseignants, le clergé et toute une nouvelle génération de leurs enseignés?
• Comment éviter, au plan mondial, que ce phénomène accroisse la disparité entre pays ou milieu technologiquement riches et technologiquement pauvres?

Question
On va vers une nouvelle forme d'analphabétisme. Comment pallier à l'accroissement des disparités entre technologiquement riches et technologiquement pauvres?
Proposition
Il est urgent, au plan local et national, d'assurer l'information et la formation de tous les “lettrés” (clercs et laïcs responsables) aux techniques nouvelles pour éviter la rupture de dialogue avec les générations montantes. Il est urgent, au plan national et international, de mettre en place les structures qui empêcheront l'accroissement des disparités technologiques entre les groupes en présence.

40 ans après

Les structures de promotion de la culture des cadres (de toutes natures, notamment dans le “clergé”) semblent peu actives.
De même pour l'aide aux milieux qui pourraient être défavorisés par la cassure numérique. L'exemple des guichets bancaires, des “services” administratifs et autres allant en diminuant plutôt qu'en s'enrichissant humainement semble indiquer une grande lenteur ou faiblesse dans ce domaine. Les croyants (de tous niveaux) devraient pouvoir donner l'exemple en ce domaine et à tous les niveaux de responsabilité.

6. Constat
On a parlé, à propos de la révolution informatique, d'une “industrialisation des facultés mentales” de l'homme au même titre que la première vague industrielle a industrialisé les forces physiques. La robotique est l'association de ces deux industrialisations. Cette industrialisation des facultés mentales se situe surtout dans les trois domaines de la mémoire, du raisonnement (de la logique) et de la communication.
• On risque d'avoir une classe de travailleurs spécialisés pour cette nouvelle industrie et qui se développe, comme le prolétariat de la première révolution industrielle, totalement hors d'un contact avec le message évangélique. Comment ce message peut-il y être présent?
• Ne peut-on croire que le recours systématique à des machines électroniques (plus rapides, plus capacitaires et plus fiables que le cerveau humain) modifiera assez vite le comportement intellectuel des classes intellectuelles et des dirigeants industriels et politiques? Ces modifications auront une influence sur leur compréhension du message évangélique. Peut-on savoir laquelle, dans quelle proportion et avec quelles nouvelles difficultés ou facultés pour assimiler ce message?
Question
• L'insertion dans le circuit industriel et commercial de certaines facultés mentales de l'homme (mémoire, raisonnement, communication) ne va-t-elle pas faire apprécier les activités qui y étaient liées à leur seule “valeur économique”? Ne va-t-elle pas réduire toute activité humaine à sa “valeur-d'équivalent-robot”?
• Une nouvelle classe de travailleurs-techniciens de la nouvelle industrialisation ne risque-t-elle pas de se créer sans référence au message évangélique?
• Si les habitudes intellectuelles changent pour les utilisateurs intensifs des nouveaux médias, le dialogue restera-t-il possible avec l'intelligentsia chrétienne? Quel échange faut-il promouvoir?
Proposition
Pour ne pas que l'homme soit réduit à sa “valeur-d'équivalent-robot” (nouvel “esclavagisme”), les chrétiens doivent promouvoir sa liberté à tous les niveaux. L'évangile doit être présent à la nouvelle classe technicienne qui se crée. Un dialogue systématique doit être institué entre les langages et les approches de la nouvelle culture électronique et le message traditionnel des églises tel qu'il est formulé dans l'enseignement courant.

40 ans après

Le risque de distanciation de toute une génération “intelligente” par rapport au message évangélique (biblique) semble effectif.
Qu'a-t-on fait à ce jour pour être explicitement “présent” dans la nouvelle intelligentsia?
La dépendance de systèmes robotisés lourdement soutenus pas des lobbies financiers de plus en plus puissants qui risquent de plus en plus de dicter toutes les évolutions, demande une grande lucidité pour assurer la “liberté” personnelle sans laquelle le message évangélique (biblique) n'a plus de sens!
Malgré l'exhortation pontificale (Jean-Paul II) de 1990 (Message évangélique et culture informatique) on doit constater que peu semble avoir été fait dans ces directions!

D. Conséquence socio-politiques

7. Constat
 L'équilibre et la nature du travail vont se modifier considérablement. On va notamment vers une diminution des temps de travail (robots).
• Par quoi ce temps “libre”va-t-il être meublé? Y a-t-il un “projet de société” pour l'homme de loisir?
Question
Les équilibres du travail (économie, société, famille, personne) se modifiant profondément, l'église prévoit-elle un “modèle de vie” à proposer à l'homme “nouveau” qui va en résulter?
Proposition
Les chrétiens doivent proposer un “modèle de vie” accordé à l'anthropologie qui se dévoile à partir du message évangélique pour une société où le temps libre devient plus important que le temps de travail. Cela appelle la révision fondamentale et la coordination de plusieurs types de “pastorales” (Loisir, Culture, Action Catholique, Mouvements – voire structure “sabbatique” du temps).

40 ans après

Les Églises semblent peu proposer un nouveau “modèle de vie” inspiré de la Bonne Nouvelle au sein de ce monde qui continue de se transformer rapidement sous l'effet de multiples progrès de la culture numérique.
Le temps libéré pour l'humanité et l'humanisation ne semblent pas encore faire partie des soucis clairement exprimés et mis en œuvre!

8. Constat
 Le système “démocratique” déjà fort ébranlé et usé par son succès-même risque d'être bouleversé par des pratiques de “démocratie directe” permettant de consulter le citoyen à partir du centre de décision (télématique). Des pratiques de ce genre renforceront nécessairement des pouvoirs étatiques au détriment des corps sociaux intermédiaires; la personne risque de devenir plus que jamais un individu dans une masse régie uniquement par l'opinion (= le nombre stimulé par la publicité).
• L'Église pourra-t-elle éviter ce genre de piège pour son propre gouvernement? Peut-elle agir pour proposer, en tenant compte des possibilités des nouveaux médias, de nouveaux modes de participation sociale? Ne doit-elle pas, pour cela, donner l'exemple à l'intérieur de ses propres structures?
Question
L'organisation sociale et politique se modifiant sous les mêmes influences (démocratie directe, contrôle étatique, fichiers de santé et de population, etc…), comment les Églises pourraient-elles promouvoir la personne et la communauté afin de les prémunir contre les risques d'une réduction à l'”individu dans une masse”?
Proposition
Pour éviter l'étatisme électronique et la réduction des personnes à des individus dans une masse, les églises doivent proposer un modèle de relations sociales et politiques, fondées sur les nouveaux médias, qui donne la priorité à la personne et à la communauté (comme lieu de rencontre personnelle) et préserve leurs libertés.

40 ans après

La puissance des “réseaux sociaux” telle qu'elle s'est développée depuis 40 ans (et surtout ces 20 dernières années) confirme le Constat énoncé il y a 40 ans. Et les “démocraties” commencent seulement à prendre la mesure des manipulations totalitaires rendues possibles (cf. l'affaire Cambridge Analytica et ses suites…!!!).
On voit peu d'exemples de mise en œuvre de pratiques alternatives.
Un tout petit effort est fait au Vatican pour promouvoir une réflexion qui touche (indirectement) à ces sujets …!!!
La force “communautaire” personnalisante du message de la Bonne Nouvelle est-elle suffisamment mise en avant et promue par les Églises? La “synodalité” ne devrait-elle pas d'abord être comprise et mise en œuvre dans ce sens?

E. Pour une évangélisation

9. Constat
 Ne faut-il pas faire l'inventaire des domaines qui peuvent être touchés par l'avance de la civilisation électronique sous son aspect informatique en ce qui concerne les communautés de croyants?
• Gestion gestion financière: – au niveau local (paroisse, œuvre) – au niveau national (Caritas, hôpitaux, écoles) – au niveau mondial (Missions, Aides structurées) gestion sociale: – registres – statistiques (cf Vatican) etc…
• Communication EAO: transmission pédagogique du savoir Recherche: – base de données – bases documentaires – université électronique Presse/Média A.-V. Traduction (aspect multiculturel des églises) Partage au plan mondial.
• Doctrine: – “Intelligence artificielle” (anthropologie) – Dépôt de la foi (Bible, textes fondamentaux, conciles, etc.) – Catéchèse (cours programmés, langage, etc.) – Vie de la foi (paroisse, famille, groupes intermédiaires, liturgie, etc.)
• Morale: – Morale de la communication – Personne/individu – Masse/communauté – Profession – Travailleurs – Famille/Psychologie – Médecine.
Question
N'est-il pas urgent de faire l'inventaire systématique des sphères où l'informatique/télématique va influencer la vie des croyants et de leurs organisations: gestion financière et sociale; communication et acquisition du savoir; doctrine; morale, etc…?
Proposition
Un groupe de travail doit être établi pour fournir au plan national et international un inventaire des secteurs ecclésiaux touchés par la révolution électronique/télématique et des solutions à proposer en fonction des possibilités déjà existantes et/ou des tendances de développement.

40 ans après

Faire le point sur chacun des domaines évoqué demanderait un travail assez important. Mais ce travail serait nécessaire. Des centres comme celui qui publie Communication Research Trends en Californie, travaillent dans ce sens… sont-ils assez connus et soutenus?
Une “Académie” (centralisée: Vatican? - ou décentralisée: Union des Universités Catholiques ou Conseil Œcuménique des Églises?) ne devrait-elle pas être créée qui coordonnerait les investigations critiques et les initiatives en vue d'actions tous azimuts?

10. Constat
 Aucun organisme “chrétien” ne semble encore être né à aucun niveau pour “évangéliser” de façon spécifique le monde de l'informatique. Est-il souhaitable que naissent de telles initiatives et sous quelles formes (associations professionnelles, congrès, apostolat sectoriel, groupe religieux spécialisé, etc…)?
Question
La “neutralité” apparente de la technique n'exige-t-elle pas l'évangélisation par des structures chrétiennes? Lesquelles?
Proposition
Des initiatives spécifiquement chrétiennes doivent être suscitées par les responsables d'églises en vue d'évangéliser le monde de l'informatique/télématique. Ces initiatives devraient se situer:
• au niveau de la recherche (un institut chrétien d'études avancées pour les technologies électroniques de pointe),
• au niveau des associations professionnelles,
• au niveau des industries et utilisateurs de ces techniques,
• au niveau d'un apostolat spécifique (vie religieuse, engagement apostolique),
• au niveau d'une sensibilisation générale.

40 ans après

Un inventaire des initiatives qui auraient vu le jour depuis 40 ans n'existe pas à ce jour … mais, à ma connaissance, il n'y a pas eu beaucoup d'initiatives dans aucun des 5 champs énoncés dans la Proposition. Le message pour la Journée des Médias catholiques de 1990, reste relativement isolé.

11. Constat
Bases de données et réseaux se développent un peu partout dans le monde; la sélection des données à communiquer et la façon de les communiquer ne sont pas non plus “neutres”. Ne faudrait-il pas songer à répertorier toutes les initiatives chrétiennes en ce domaine et voir le moyen de les harmoniser ou de promouvoir une convergence des efforts? N'y a-t-il pas des initiatives propres à développer et à proposer à l'ensemble des utilisateurs de ces techniques?
Question
Quelles initiatives propres les chrétiens doivent-ils prendre dans le domaine du développement des bases de données informatiques interactives?
Proposition
 Les contenus communiqués avec les nouveaux médias de la connaissance (informatique/communication) dépendent de ceux qui veulent les faire passer de même que la forme qu'on veut donner à ces contenus. Les chrétiens ont un message propre dans leur tradition biblique et ecclésiale. Ce message ne sera présent à la culture mondiale demain que si l'on décide de l'y rendre présent et qu'on peut contrôler cette présence et les formes qu'elle prend. Il est donc nécessaire de promouvoir des banques de données interactives portant sur des données propres à la foi et à la culture chrétienne, d'en contrôler la valeur et de susciter des serveurs capables de distribuer cette information selon des normes qui tiennent compte tant de la nature du message chrétien que des meilleures techniques pour s'assurer l'utilisation des données mises en réseau.

40 ans après

Il y a des initiatives tous azimuts. Il y a peu d'évaluation et de confrontation de ces initiatives. Au plan des Bases de données d'information fondamentale, un projet comme le BEST des dominicains de Jérusalem est-il fondé critiquement? Atteint-il tous ceux qu'il devrait atteindre?
Quelle différence avec d'autres Bases de connaissances dans le domaine biblique (éventuellement avec des bases commerciales)?
Ou encore: les efforts des diocèses, communautés religieuses ou autres organisations chrétiennes pour posséder et mettre à jour un site web et/ou un système de communication ou de réseau électronique sont-ils évalués et ont-ils l'attention qu'ils mériteraient d'avoir?

12. Constat
Les besoins en capitaux des techniques nouvelles postulent un système d'investissement à long terme et sur une large base. Il y a beaucoup de gabegie possible dans l'achat ou la location de matériels et logiciels disparates et non-compatibles. Une entraide, consultation, information multilatérale n'est-elle pas souhaitable au niveau national, régional et (pour certaines utilisations) international?
Question
Comment éviter la gabegie de matériel et de logiciel que des investissements non coordonnés risquent d'entraîner pour les collectivités chrétiennes?
Proposition
Il est urgent de créer à tous les niveaux une concertation sur les dépenses engagées ou à engager en matière d'informatique/télématique en vue de coordonner les efforts. Des centres de conseil compétents et indépendants devraient être créés à cet effet.

40 ans après

S'il y a des initiatives sympathiques comme Credofunding en France, je n'ai pas connaissance de vraies initiatives à la mesure des questions que pose une certaine maîtrise des domaines nouveaux générés par la culture numérique.
Ce “nerf de la guerre” qu'est toujours le “capital” ou l'”investissement” reste pourtant une clef pour répondre à la plupart des questions du descriptif réalisé il y a déjà 40 ans dans ce domaine!

Conclusion

Le regard chrétien que j'ai tenté de porter il y a déjà 40 ans sur les évolutions induites par la révolution numérique, je l'assume plus que jamais 40 ans après!

Malgré l'immense travail réalisé avec l'appui de dizaines voire de centaines de personnes et la création de structures, de productions et de réflexions dans les domaines de cette révolution numérique, je dois constater que bien peu de choses ont bougé de façon visible ou évidente.

La présente évaluation est-elle donc un constat d'échec?
Dans une certaine mesure, oui!

La création d'un corps religieux constitué de “geeks” ou “hackers” remplis de foi et de charité et qui fonctionnerait comme ont fonctionné franciscains, dominicains ou jésuites à leurs origines, serait probablement une voie à tenter. Je l'avais proposée à Rome au début du pontificat de S. Jean-Paul II… mais sans aucun écho! Et il ne m'a pas été donné d'avoir le charisme d'un François, d'un Dominique ou d'un Ignace!