Qui connaît tous les rouages de la finance mondiale?

Novembre 2021

 

N. Teterel N. Teterel

Avant de présenter ce que j'ai retenu de la lecture de Nicolas Teterel, Les esclaves de l'anthropocène. L'impact des intérêts bancaires sur le climat. Pétrodollar, intérêts financiers, manipulation de masse, éditions Yves Michel, Gap, mai 2020, 328 pp, ISBN: 978-2-36429-149-2, je me suis renseigné auprès de quelques amis qui ont pratiqué les milieux financiers, voire ont enseigné les finances. J'ai été surpris qu'aucun d'entre eux n'avait entendu parler de ce livre. Et, quand je leur ai demandé de me désigner au moins un ouvrage qui présenterait l'ensemble de la scène financière mondiale sous un angle neutre, et à titre d'information générale pour celui qui ne vit pas “dans” ce monde quotidiennement, aucun n'a pu me renvoyer à un ”classique” du domaine!
Je présente donc ce livre de Teterel… en acceptant que les pontifes de la science financière aient ensuite la tâche facile de me dire que la vérité se trouve ailleurs dans ce domaine!

Le résumé global du livre de N. Teterel, tel qu'il apparaît à travers les titres de ses différents chapitres notamment, pourrait être le suivant:
1. L'opinion publique mondiale est matraquée, manipulée par un discours lié aux lobbies industriels et financiers qui utilisent pour ce faire une surveillance de masse et une manipulation algorithmique (statistique).
2. Le système bancaire, créant sans cesse de la monnaie qui n'existe pas doit fonctionner par ses systèmes d'intérêts et ses spéculations sur l'inflation qui réduisent les détenteurs d'argent en une spirale esclavagiste.
3. Les États ou responsables régaliens ont perdu le contrôle de la monnaie qui s'est entièrement privatisée.
4. La disparition projetée de l'argent liquide est la pointe avancée de ces stratégies d'abandon de la protection sociale des personnes dans ces domaines.
5. Le poids lourd de ce monde financier reste le dollar dans son lien à l'énergie pétrolière.
6. Traités, guerres, concertations internationales au sommet ne font que défendre ce type d'intérêts.
7. Seule une modification à l'Islandaise de tout ce système financier mondial permettrait une efficacité réelle pour la sauvegarde climatique et la planète.

Son Avant-Propos, résume bien sa thèse:

Ce livre parle de manipulation médiatique, de géopolitique, d'endettement, de système monétaire et de changement climatique. Il parle d'un système civilisationnel à la dérive qui ne va pas tarder à s'effondrer si nous ne mettons pas fin à l'esclavage par la dette et son corollaire, la quête de production et de croissance infinie. Un système où les médias nous manipulent, nous distraient et nous empêchent de voir que nous sommes prisonniers de l'idéologie libérale, du capitalisme, du totalitarisme marchand, vous appellerez cela comme voudrez. Je préfère parler de “système” et d'escroquerie géante au service d'oligarques. Un système qui attise les braises de la guerre. Un système où le pognon est roi, où quelques familles de milliardaires possèdent tout, où nous sommes espionnés et manipulés, où les États financent le terrorisme, où les politiques ont abandonné le pouvoir aux banques et autres multinationales. Un système de retour en pleine guerre froide pour le plus grand bonheur des marchands d'armes. Un système à l'origine d'un réchauffement climatique nous promettant à terme l'extinction de l'espère humaine. (p. 11)
L'asservissement médiatique cache à nos yeux le moteur de l'esclavage: la finance

Teterel montre alors le fonctionnement de l'asservissement médiatique gouverné et opéré par une poignée de groupes liés aux intérêts financiers. À titre d'exemple:

Aujourd'hui [aux États-Unis], une demi-douzaine de conglomérats médiatiques contrôle 90% du contenu télévisé et la moitié du trafic internet américain en direction de sites d'informations est captée par 60 sites internet, eux-mêmes contrôlés par une dizaine de groupes (selon Ashley Lutz, 2012, These 6 corporations control 90% of the Media in America, Business Insider). (p. 15)

Teterel aime parsemer ses propos de citations qui en disent souvent plus qu'un long développement, ainsi de cette citation qui serait à attribuer à Joseph Goebels, ministre de la propagande de Hitler :
Nous ne voulons pas convaincre les gens de nos idées, nous voulons réduire le vocabulaire de telle façon qu'il ne puisse plus exprimer que nos idées” (p.26).

Et cette “réduction” de l'expression est soulignée à l'échelle planétaire:

Ne nous y trompons pas, les mots sont des armes dont le choix dénote toujours des visions du monde différentes. D'ailleurs, le fait que sur les 8.000 langues de la Terre, 7.000 soient sur le point de disparaître, reflète parfaitement la dangereuse décadence de l'uniformisation linguistique issue de la mondialisation et de l'exportation des valeurs libérales autodestructrices de l'Occident”. (p. 27)

Cette “réduction” est très visible dans le fonctionnement des Instituts de Sondage (presque tous à la solde de grands groupes financiers):
“Contrôler les instituts de sondage c'est contrôler la pointe de l'épée de la manipulation des consciences en incitant les gens à calquer leur comportement sur ceux des autres. C'est de l'influence sociale sous sa forme la plus pure” - [Et d'ajouter, en exergue, une citation de Coluche: Les sondages, c'est pour que les gens sachent ce qu'ils pensent”].
Et ce chapitre se termine par une citation de La Ballade de l'impossible de Haruki Murakami (1987): “Si vous lisez ce que tout le monde lit, vous ne pouvez pas penser autrement que ce que tout le monde pense” (p.34) .

Le paragraphe suivant analyse le fonctionnement de la Presse (et particulièrement des journaux):

Les journaux ont si peu de marges budgétaires qu'ils ne peuvent même plus se payer de vrais journalistes correspondants sur le terrain. Ils s'abreuvent tous aux mêmes sources que sont les trois grandes agences de presse mondiale. Une se trouve à Londres (Associated Press). Elle est utilisée par plus de 12.000 organes de presse qui lui permettent d'atteindre la moitié de la population mondiale chaque jour. Les deux autres se trouvent à Paris (agence France-Presse) et à New-York (Reuters). Les médias et les journaux sont quasiment aveugles sans elles si bien que ce sont les images et les récits de ces trois agences tentaculaires qui déterminent la vision que nous avons du monde. Nous entendons rarement parler d'elles car il ne faudrait pas que le public se rende compte de surcroît que les journaux ne produisent aucun réel travail d'investigation.” (p. 37)

La neuropsychologie scientifique a pu confirmer l'expérience du “chien de Pavlov”:

Pavlov a voulu voir s'il était possible de forcer son chien à saliver sans lui présenter la nourriture. Pour ce faire, il a associé pendant quelques jours la présentation de sa nourriture avec le tic-tac bruyant d'un métronome. Résultat, après un certain temps, le chien de Pavlov s'est mis à saliver au simple bruit d'un métronome alors même qu'aucune nourriture ne lui était présentée. Nous sommes tous des chiens de Pavlov. Nous pouvons tous être conditionnés par le même processus via l'association de marques avec des choses positives avant de nous matraquer avec l'objet proposé: ciel bleu, décors de rêve, soleil, musique douce, corps magnifique à la peau parfaite, etc. … La façon la plus simple de s'introduire dans l'inconscient des gens est de leur rabâcher les choses, d'occuper la place. Un candidat à la présidence n'est rien d'autre qu'un produit de marketing dans l'esprit des médias et des publicitaires. (pp. 44-45)

Et Teterel de nous inciter à la grande vigilance, notamment par rapport aux cerveaux très malléables des enfants:

Il ne suffit pas d'être vigilants et conscients que l'on va essayer de modeler notre consentement. Notre capacité à rejeter le mensonge par omission, les diversions et l'embrigadement dépendent de notre niveau d'éducation, de notre âge, du milieu dont nos sommes issus, etc. Les enfants sont très vulnérables de par l'absence d'un esprit critique très développé. Les publicitaires sont très friands de leurs cerveaux car ils savent parfaitement qu'il est extrêmement facile, à ce stade de la vie, de coloniser leur inconscient et y implanter cette pulsion de consommation maladive qui ne les quittera plus, à moins d'un gros travail sur soi. Sans prise de conscience profonde à l'encontre de la société de consommation, l'esprit humain restera une prison dont les barreaux sont ses propres désirs addictifs aussi conformistes qu'insignifiants… [suit une citation à nouveau attribuée à Joseph Goebels : Un mensonge répété mille fois se transforme en vérité!]. (p. 46)

Dans ces perspectives de matraquage se situent aussi tous les moyens qui menacent l'intégrité de la vie privée. Cela demande une vigilance et une volonté de mieux connaître les différentes façons d'échapper tant soit peu à tous ces réseaux d'espionnage sociétal à grande échelle. Teterel rejoint ici notre interrogation sur les monnaies virtuelles qu'il voit, actuellement, comme une façon de préserver la liberté et la vie privée:

Nous devons de toute urgence nous familiariser avec les nombreux outils à notre disposition pour sanctuariser notre vie privée. Les mails cryptés, les VPN (Virtual Private Network), l'utilisation de pseudonymes ou les cryptomonnaies comme le Bitcoin permettent de regagner ce précieux anonymat qui nous protège contre les dérives autoritaires de l'espionnage et l'analyse de la vie privée numérisée. [Avec une citation du lanceur d'alertes Edward Snowden: “Ne pas soucier du droit à la vie privée parce que l'on a rien à cacher, c'est comme déclarer que l'on ne se soucie pas de la liberté d'expression parce que l'on n'a rien à dire”]. (p.56)

La conclusion de cette première argumentation est importante pour comprendre la suite de la démarche:

Les médias sont des usines à fabriquer le consentement et la division. Ils sont un outil d'ingénierie sociale qui pratique la manipulation psychologique pour nous empêcher de voir ce dont nous allons parler dans le second chapitre. (p.65)

Et j'ajouterais: dans le reste de l'argumentaire concernant le poids de la finance mondiale qui pèse très directement sur les choix qui pourraient sauver la planète et l'humanité!

Le cœur de l'esclavagisme financier: les intérêts, clef de voûte du système d'esclavage par l'endettement

Teterel commence ses chapitres sur la finance mondiale par des citations de responsables financiers de réputation mondiale, notamment par celle de Maurice Allais, un prix Nobel d'économie en 1988:

Par essence, la création monétaire ex nihilo que pratiquent les banques est semblable, je n'hésite pas à le dire pour que les gens comprennent bien ce qui est en jeu ici, à la fabrication de monnaie par des faux-monnayeurs, si justement réprimée par la loi. Concrètement cela aboutit aux mêmes résultats. La seule différence est que ceux qui en profitent sont différents. (p. 75)

Mais l'argumentaire central pour démontrer (et démonter) les mécanismes de l'esclavage dans lequel la finance a plongé l'humanité, tourne autour des mécanismes de création de la monnaie et des mécanismes de spéculation (intérêts) liés à ces créations d'avoirs, au départ, inexistants.

Ceci est bien mis en évidence pour l'usure par une citation de Saint Thomas d'Aquin (1225-1274):
“Recevoir un intérêt pour l'usage de l'argent prêté est en soi injuste car c'est faire payer ce qui n'existe pas, ce qui constitue évidemment une inégalité contraire à la justice”. (p.96)

Et le Concile de Vienne de 1311 menace d'anathème toute personne qui “oserait affirmer que ce n'est pas un péché que de faire de l'usure”. (p.96)

Calvin (1509-1564) semble être le premier chrétien à légitimer l'usure. Et, comme le dit Teterel : “Légitimer le prêt à intérêt revint à changer de paradigme philosophique car cela sous-tend qu'on met l'argent au cœur du système au lieu d'y mettre la valeur de partage chère à la morale chrétienne”. Et, plus loin:” Aristote estimait que la nature de la monnaie repose sur sa fonction d'intermédiaire des échanges et non pas de marchandise. Sages paroles, car l'argent est, en définitive, à lui seul, stérile et c'est à cette simple conclusion qu'il faut toujours revenir”. (p.97)

Et l'Auteur d'en rajouter une couche du côté de la responsabilité de l'Église catholique en ces domaines:

Ce n'est qu'en 1917, pendant la Première Guerre mondiale, en catimini, que l'Église catholique se fourvoiera en levant l'anathème sur l'usure dans le Droit Canon alors que son interdiction avait encore été rappelée en 1745 par l'Encyclique Vix pervenit dans laquelle Benoît XIV condamna un prêt à 4% contracté par la ville de Vérone.” … ce qui, de fil en aiguille, amena l'Église à créer sa propre “Banque” en 1942, avec les problèmes récurrents (blanchiment d'argent et compromissions dans des affaires bancaires – cf. Affaire Marchinkus au Vatican) liés aux pratiques d'une telle entité! (pp. 98-99)

L'évolution de cette façon de gérer la finance donne une volatilité effarante à tout le système monétaire international:

Nous sommes passés d'un système où la masse monétaire était relativement stable (car l'or est un métal rare difficile à trouver) à un système dont la masse monétaire dépende de la taille de la dette. La masse monétaire diminue quand nous remboursons et augmente lorsque nous empruntons. L'argent n'existe que le temps de l'emprunt, il est devenu temporaire. (p.104)

Autre mécanisme qui pèse sur le système monétaire: l'inflation, si l'on sait, selon Jean Mistler, “qu'il y a inflation quand la monnaie devient plus encombrante que les denrées” (p. 112).
“Plus concrètement, si vous avez épargné de l'argent et que l'inflation est de 5% par an, le pouvoir d'achat de vos économies diminuera de 5% chaque année. Si l'inflation est de 5% par an et que votre salaire n'augmente que de 2% dans le même temps, vous vous appauvrissez de 3%” (p. 113) “même si les retraites ou le salaire minimum son indexés sur l'inflation, ceux qui les touchent s'appauvrissent de toute façon car le taux d'inflation officiel est largement en dessous de la réalité. La véritable inflation est probablement plus proche de 5% que de 1 ou 2% comme on voudrait nous le faire croire.” (p. 117)

Et l'Auteur de conclure cette partie:

Si tous les prêts bancaires étaient remboursés, plus personne n'aurait d'argent sur son compte et il n'y aurait plus un seul sou en circulation. …si les banques continuent d'augmenter leur masse de prêts, nous sommes prospères (croissance); en l'absence d'augmentation de la dette globale, de plus en plus de personnes se retrouvent sans chaise (récession).
Cette tragique et absurde impasse est presque difficile à croire mais elle explique pourtant pourquoi notre société moderne doit générer toujours plus de croissance, ce qui alimente mécaniquement le réchauffement climatique. Cette relation de cause à effet entre intérêts et réchauffement climatique est le cœur de la réflexion de cet ouvrage… (p. 127)

La fin de la monnaie traditionnelle pour augmenter le contrôle de la consommation

Les banquiers vont nous faire cracher au bassinet et pour ce faire ils ont besoin de faire disparaître les billets et les pièces afin de ne nous laisser aucune échappatoire face à l'extorsion d'un système insolvable. Vous avez bien entendu. La guerre contre le cash a déjà commencé et ses manifestations sont légion. En France ou en Italie, il est interdit de payer en liquide lorsque le prix dépasse 1.000 Euros… (p.160)
Nos progrès technologiques auraient dû nous offrir des vies moins pénibles, des journées de travail moins longues, des retraites anticipées, une meilleure santé, un pouvoir d'achat accru. Au lieu de ça, l'usure confisque le fruit de l'augmentation de la productivité. [Et, comme le dit Stephane Hawking] : Si les machines produisent l'ensemble des biens, le résultat dépendra de la répartition. Chacun pourra vivre une existence de loisirs si les richesses produites sont réparties, ou bien la majorité des gens vivront dans la misère … Jusqu'ici la tendance semble être la seconde option. (p. 168)

Re-nationaliser les Banques comme en Islande?

L'Auteur met alors en évidence l'exemple de l'Islande qui a effectué, en 2008, un vrai coup d'état populaire menant à la rédaction par les citoyens d'une nouvelle Constitution qui nationalise les banques et a condamné une trentaine de banquiers!
Deux citations seulement pour illustrer ce descriptif:
De Olafur Ragnar Grimsson, président l'Islande: “Le gouvernement a sauvé le peuple et emprisonné les bankster. Les États-Unis et l'Europe ont fait le contraire…”
De James A. Garffield, (1831-1881), président des États-Unis en 1880, assassiné en 1881: “Celui qui contrôle le volume de la monnaie dans notre pays est maître absolu de toute l'industrie et de tout le commerce ... et quand vous réalisez que le système entier est très facilement contrôlé, d'une manière ou d'une autre, par une très petite élite de puissants, vous n'aurez pas besoin qu'on vous explique comme les périodes d'inflation et de déflation apparaissent” (pp. 172-173).

Des accords de Bretton Woods aux pétro-dollars

Dès 1944, les accords de Bretton Woods (pour lesquels John Meynard Keynes, pour l'Angleterre et l'Europe, et Harry Dexter White pour les U.S.A.), intronisent le dollar à la place de la Livre Sterling comme monnaie de référence avec son “équivalent-or” basé notamment sur les 60% de réserves d'or accumulés (ou réfugiés) aux États-Unis et qui servirent de monnaie d'échange pour payer l'effort de guerre américain en Europe.
Ces accords mènent à la création du FMI (Fonds Monétaire International) qui doit veiller à renflouer les pays en déficit commercial chronique pour stabiliser leurs taux de change et forcer un redressement économique en poussant à privatiser tout ce qui peut l'être et à ouvrir les frontières aux investissements étrangers. La Grèce sera un exemple typique de ce processus!

Mais les U.S.A. eux-mêmes vont se laisser aller à des déficits commerciaux énormes et récurrents qui vont faire passer leurs réserves d'or “de 20.000 tonnes en 1958 à 8.000 tonnes en 1971, lorsque Nixon arrêta les frais et mit un terme à la convertibilité du dollar en or” (p.186).

Pour ne pas risquer que la monnaie américaine perde tout son crédit, c'est Henry Kissinger qui , sur base de l'accord des U.S.A. avec l'Arabie Saoudite tel que fixé par Roosvelt dans le “pacte de Quincy” en 1945 (protection militaire contre pétrole payé en dollar durant 60 ans – accord renouvelé par Georges Bush en 2005), va river le dollar au pétrole saoudien.
Ce scénario se renouvellera autour des enjeux au Moyen-Orient à partir de 1971-1972 (soutien à Israël contre les pays Arabes et affranchissement des pays du Golfe des grands firmes pétrolières anglaises et américaines): Kissinger renouvelle un accord des U.S.A. avec l'Arabie Saoudite pour une protection militaire étendue contre l'assurance que l'Arabie vendrait son pétrole exclusivement en dollar et que les excédents de dollars seraient investis dans la dette américaine (pp. 190-191). Le pétrodollar était né!

Conclusions de l'Auteur:

L'Europe s'est retrouvée à la fin des années 1970 avec un pétrole cher et seulement payable en dollar… Le monde entier est obligé de vendre des marchandises aux États-Unis pour se procurer les dollars nécessaires à l'achat de pétrole. Le pétrole est la matière première la plus échangée au monde et son commerce représente 14.000 milliards de dollars par an. Et Kissinger a offert aux États-Unis le privilège exorbitant de pouvoir afficher une balance commerciale chroniquement déficitaire dont ils ont bien profité puisque le déficit commercial cumulé des États-Unis représente aujourd'hui plus de 10.000 milliards de dollars. (pp. 194-195)

Tout cela se trouve derrière une guerre financière latente et mondiale des États-Unis pour préserver la domination du dollar (lié au pétrole).
Quand Saddam Hussein prit l'initiative de faire payer on pétrole aux pays européens en Euros, les U.S.A. accréditèrent le gros mensonge de Collin Powel sur les “armes de destruction massive” pour attaquer l'Irak et annuler les décisions de Saddam Hussein de déconnecter son pétrole du dollar! (pp. 205ss). C'est la même problématique qui oppose le Qatar à tous ses voisins, car ce petit pays qui possède, avec l'Iran, une des deux plus grandes réserves de gaz exploitables, tente, aujourd'hui de faire payer son gaz par la Chine en Yuan (pp. 213-215).

Mais la scène mondiale est en train de changer du fait de la progression de l'économie chinoise:

La Chine est déjà la première puissance économique mondiale en plus d'être le plus grand exportateur du monde… et le premier importateur de pétrole. Ce n'est qu'une question de temps avant que la Chine parvienne à réaliser l'essentiel de son commerce avec sa propre monnaie et il y a fort à parier que ce processus d'internationalisation du Yuan par-delà la Muraille de Chine ne prendra pas un siècle comme ce fut le cas pour le dollar. La Chine peut compter sur un soutien de poids puisque cela fait quasiment une décennie que Putine ne ménage pas ses efforts pour torpiller le dollar… En 2018, le tsar russe a liquidé presque tous les dollars que la Banque centrale détenait (environ 100 milliards de dollars) pour les diversifier à parts égales entre l'Euro et le Yuan… (pp. 228-229)
Le pétrole est le sang de l'économie et la valeur du dollar ne tient qu'à un fil relié à l'OPEP. L'opulence américaine s'arrêterait net si l'OPEP décidait de vendre son pétrole dans une autre monnaie que le dollar puisque toutes les Banques Centrales des États importateurs changeraient la composition de leurs réserves de change. (p.230)

Est-ce mieux du côté de l'Euro et de l'Europe?

Dans les chapitres qui suivent Teterel tente de cerner les failles des accords financiers qui lient les pays européens.
Et d'abord l'alignement sur l'Euro qui donne des avantages aux pays de haut niveau de productivité et pousse vers la faillite les pays les plus faibles: le cas de la crise grecque sert d'exemple (pp. 241-246).

Ensuite la “machine de guerre au service du dollar et des États-Unis que constitue l'OTAN (créé en 1949)… les achats militaires américains (chasseurs F-35 pour la Belgique et la Pologne, notamment, ou refus des sous-marins français) font aussi marcher les pétrodollars” (pp. 247-250).
Les traités de libre-échange transatlantique sont jugés de la même façon, tant le CETA (Europe et Canada) déjà signé que le TAFTA (tous les pays des deux côtés de l'Atlantique) en cours de négociation à la Commission européenne… mais tout n'est pas à rejeter:

…le programme ERASMUS en est le plus bel exemple. Le but de l'Union européenne ne devrait pas être la création d'une dictature de lobbyistes globalistes au service des banques et des multinationales. Il devrait être de rapprocher les peuples pour que nous nous entraidions! (p. 258)

Et derrière tous ces mouvements et décisions il y a les lobbyistes qui hantent les think tanks, ces réunions internationales comme le Council of Foreign relations (CFR) fondé en 1921 par le créateur de la Banque Centrale des États-Unis, où les “chercheurs” sont invités comme garants à condition qu'ils soient en accord avec les visions des lobbyistes. Cela vaut pour le groupe Bilderberg (un club international, fondé en 1954, dont la présidence a été assurée par des personnalités marquantes: ancien “chancelier” allemand, ancien premier ministre anglais, ou, plus connu en Belgique et de tous les “coups”: Étienne Davignon).

Le G30 fondé en 1978, rassemble principalement des économistes et banquiers: “un cercle extrêmement restreint où se trouve la crème de la crème de l'oligarchie bancaire. Ces hommes et ces femmes – il n'y en avait qu'une seule en 2019 – se réunissent tous les ans, sur invitation seulement, sans que l'on puisse savoir où et quand…” (p. 268) et, selon Teterel, on pourrait leur reprocher d'être à l'origine de la crise des sub-primes de 2008!
Une citation de Henry Ford conclut ce passage:
Il est appréciable que le peuple de cette nation ne comprenne rien au système bancaire et monétaire. Car, si tel était le cas, je pense que nous serions confrontés à une révolution avant demain matin” (p. 270).

Mais il existe encore d'autres groupes de pression comme le Club de Paris, créé en 1955 et dans lequel 21 pays sont représentés: il fonctionne comme un organe de recouvrement des dettes.
Il faut aussi compter avec la puissance de Fonds d'Investissement, voir d'ONG internationales qui donnent une belle couverture à des actions pour répandre la “démocratie… à l’américaine”!

Agir de façon solidaire pour se libérer du système médiatico-financier et sauver la planète

Le recours au Referendum d'initiative citoyenne (RIC) semble une voie possible pour une action citoyenne solidaire qui permettrait d'éviter la “fin de l'histoire”!

La fin de l'histoire, c'est l'emballement du changement climatique et nous n'avons plus d'autre choix que de nous hâter pour éviter le pire en refusant cette société de consommation matérialiste maladive qui présuppose que nous pourrions avoir une croissance infinie sur une planète finie, aveuglés que nous sommes par l'espérance technologique, cette chimère. (p. 294)

Pour ce faire:

Il s'agit d'interdire l'usure bancaire, de faire payer l'impôt aux multinationales et donc de sortir de tous ces traités internationaux qui ont scellé notre asservissement paupérisant. Abandonner le dollar nous offrirait également une grande bouffée d'oxygène. Je dirais même plus: aucun consensus mondial pour le climat ne sera possible tant que les Américains essaieront d'imposer leur monnaie de singe par la force. Ne serait-ce que parce que cet imperium monétaire pousse la Chine à importer toujours plus de pétrole dans le but de faire pression sur les pays producteurs et obtenir d'eux qu'ils acceptent le yuan à la place du dollar. (pp. 295-296)
Et si nous décidions rationnellement d'en revenir à un certain stoïcisme ascétique cher à l'empereur romain Marc-Aurèle? Et si nous en finissions avec l'argent-dette qui exacerbe les inégalités et nous force à engloutir toutes les ressources de la planète pour générer la croissance nécessaire (consommation) au remboursement d'intérêts composés en constante expansion? […] Et si nous utilisions tout simplement une démocratie directe pour mettre à contribution le bon sens populaire au lieu de faire confiance à des politiques financés par des multinationales dont l'unique but est de faire du chiffre? Et si nous organisions un rationnement des énergies non renouvelables au niveau global? Et si nous interdisions à quiconque de gagner plus de 10.000 euros par mois? Et si l'État héritait de l'ensemble des biens de chaque citoyen défunt en échange de l'obligation de procurer un logement à chaque jeune en âge de quitter son foyer familial? Et si nous interdisions la publicité? (pp. 298-299)

C'est dans cette foulée que Teterel tente d'aborder directement les problèmes liés au réchauffement climatique et à la décroissance qu'ils appellent.

Nous devons d'urgence fermer les centrales à charbon, réduire drastiquement notre consommation de viande et nos déplacements qui représentent à la louche respectivement 20%, 25% et 20% de nos émissions totale de gaz à effet de serre. […] Contrôler les naissances et tendre vers une réduction de la population mondiale est également une nécessité même si une idée aussi radicale a des relents de totalitarisme. (p. 306)

Et pour mettre en œuvre une série de recommandations concrètes, il serait important de ne plus fonder toutes les analyses macro-économique sur le Produit Intérieur Brut (PIB) en le remplaçant par le GPI (Genuine Progress Index) en retranchant du PIB la valeur estimée des richesses naturelles perdues pour toujours. “Un tank n'est pas un investissement productif ou synonyme de bien-être, il est un instrument de mort extrêmement polluant qui ne sert qu'à détruire” (p. 311). “Un tel indicateur (GPI) est une bien meilleure boussole que le PIB qui ne représente rien d'autre que la quantité de choses que nous achetons, comme si le but du jeu était de consumer notre planète le plus rapidement possible.” (p. 311).

Et globalement, voici un “programme d'action” tel que proposé par l'Auteur:

Il s'agit encore une fois, simplement de dresser l'inventaire de toute la production de choses inutiles et de les supprimer afin de ne pas subir la dictature des limites physiques de la terre. Il s'agit de nationaliser les banques, les ressources naturelles, les réseaux et le secteur de l'énergie. De réduire le temps de travail, d'accompagner les travailleurs qui perdront leur travail ou encore de décréter la gratuité des transports. Il ne s'agit pas de supprimer les libertés mais de tous nous retrouver autour d'un projet “commun” digne de ce nom pour justement ne pas perdre toutes nos libertés dans un futur proche. (p. 313)

On peut peut-être terminer ce plaidoyer très critique en faveur d'un communisme (dont l'Auteur ne se revendique d'ailleurs pas, malgré qu'il faille rappeler ses racines dans les Actes des Apôtres, 4.32: “ils mettaient tout en commun”) qui ne soit ni idéologique, ni politique, ni totalitarisant, par la longue citation d'un texte que Bobby Kennedy écrivit le 18 mars 1968, soit 3 mois avant qu'il soit assassiné comme son frère:
“Il est évident que depuis trop longtemps nous avons sacrifié les qualités personnelles et les valeurs de la communauté dans le seul but d'accumuler toujours plus de biens matériels. Notre PIB est maintenant estimé à 800 milliards de dollars par an, mais ce PIB, si nous évaluons les États-Unis d'Amérique sur cette base, … alors notre PIB doit aussi comprendre, et l'empoisonnement de l'air, et la publicité pour les cigarettes, et les ambulances pour nettoyer nos autoroutes des carnages. Il comprend aussi les serrures spéciales de nos portes de maison, et les prisons pour ceux qui les forcent. Il comprend l'abattage des séquoias et la disparition de nos beautés naturelles dans le chaos urbanistique. Il tient compte de la production de napalm, et des missiles à tête nucléaire et des blindés que la police utilise pour réprimer les soulèvements dans nos villes. Il comprend les fusils et couteaux utilisés par les assassins et les programmes télévisés célébrant la violence… pour vendre les jouets à nos enfants. Le PIB ne tient pas compte de la santé de nos enfants, de la qualité de leur éducation et du bonheur de leur jeu. Il ne considère pas la beauté de notre poésie ou la solidité des liens familiaux ou encore l'intelligence de nos débats publics ou l'intégrité de nos représentants. Il ne mesure pas notre subtilité ou notre courage, ni notre sagesse, ni notre connaissance, ni notre compassion, ni notre dévotion à notre pays. En clair, il tient compte de tout sauf de ce qui rend la vie vraiment digne d'être vécue. Il peut tout dire sur l'Amérique, excepté ce pourquoi nous nous sentons fiers d'être Américains”. (p. 317).

Et Teterel termine par une citation de JFK:
“Ceux qui rendent une révolution pacifique impossible rendront une révolution violente inévitable” (p. 319).