L'Intelligence artificielle est-elle “morale”?

Octobre 2021

Un robot peut-il avoir une conscience? La vision, l'ouïe, le toucher, etc capte-t-il seulement de l'information réductible à des nombres et calculable? Qui est responsable des actions d'un robot?

Depuis que l'on a des traces de l'hominisation, une des spécificités des traces de l'humain a été l'utilisation d'artefacts indépendants de la structure anatomique de l'animal humain.
L'humain partage d'ailleurs cette spécificité, jusqu'à un certain développement, encore assez limité, avec d'autres animaux qui ont trouvé comment utiliser des pierres ou d'autres extensions au-delà de leurs organes pour satisfaire leurs besoins (principalement leurs besoins de nourriture).

Augmenter l'efficacité animale, non par un développement organique (ce qui est évidemment observé dans l'évolution des espèces) mais par des artefacts ajoutés extérieurement aux fonctions corporelles existantes, ne semble pas spécifique à l'humain s'il reste élémentaire. Mais, la spécificité de l'humain ne serait-elle pas d'étendre cette “augmentation” à presque tous les domaines imaginables et en lien avec cette boulimie humaine d'en vouloir toujours plus, bien au-delà de la satisfaction des besoins organiques élémentaires. Vouloir conquérir la Lune ou la planète Mars ne correspond à rien d'autre que cette soif humaine du “toujours plus”!

Quand on parle de “décroissance heureuse” après les appels du Club de Rome (1968-1972) rappelant le caractère “limité” de l'environnement humain – voire de l'organisme humain lui-même – ne s'agit-il pas d'un appel “moral”? Il y a là en effet une “loi”. Loi naturelle voire pratiquement “ physique ” qui, si on ne l'observe pas, mène non à la réalisation de l'objectif convoité, mais à la destruction de celui qui tente d'atteindre cet objectif hors du cadre des limites reconnaissables!
Les anciens disaient que c'était là l'expression de l'hybris (l'orgueil) humain qui vise souvent une démesure!

Mais on peut aussi voir les choses sous un autre angle. Une recherche et une volonté d'améliorer l'humain, la race humaine. L'éducation est ici la voie royale, tout comme les observations qui écartent l'endogamie ou qui, inversement, favorisent les unions qui peuvent améliorer une lignée humaine. Et, de ce côté, les choses peuvent se faire “naturellement” (c'est-à-dire dans la logique d'un développement organique, toujours assez lent, comme les siècles nous l'ont appris); elles peuvent aussi être le fait d'actions artificielles et forcées. La génétique artificielle serait de cet ordre là (sélection des embryons reconnus comme les “meilleurs”).

L'intelligence artificielle, sans aller tout de suite dans les délires des trans-humanistes, pourrait s'inscrire dans une recherche de ce type, tant pour aider scientifiquement à déceler les vraies améliorations possibles de l'humain que pour les mettre en œuvre en respectant limites et équilibres naturels. Pour les trans-humanistes les plus radicaux, il s'agirait de mettre une intelligence humaine (jusqu'à la conscience) dans une “machine” qui ne serait plus soumise aux lois anatomiques humaines! Cela semble être la limite à ne pas franchir, si comme le croit Penrose (ami et collaborateur de Hawking), il n'y a pas de vraie pensée ou intelligence humaine sans structure corporelle effective et active.

Morale, éthique… immorale? Les contributeurs au n° 307 de la Revue d'éthique et de théologie morale publiée par Le Cerf en septembre 2020 tentent de faire le point sur ce sujet.