L'urgence d'un nouvel iconoclasme?
Novembre 2020
Devant le tsunami médiatique de l'image (et du son), la parole humaine ne peut plus se faire entendre (voir les articles de septembre 2020)… et l'écrit devient “ringard”! Mais toute la culture qui a conduit à l'intelligence humaine actuelle n'existerait pas sans cette priorité qui a été donnée à l'écrit comme socle du développement scientifique et culturel! Quelle éducation voulons-nous pour ne pas devenir des “crétins digitaux”? Abattre les “idoles” et les “icônes”? (en grec: eidôlon = image, idole; ou = eikôn, icône)! Mais le tsunami pandémique et l'écrasant succès mondial des réseaux sociaux fondés sur une visio-téléphonie généralisée (6 milliards de portables pour 7,5 milliards d'humains sur la planète) oblige aussi à chercher comment “é-duquer” (= faire sortir) l'humain de ce qui pourrait le ramener à une conscience grégaire et bornée! Prêcher sa responsabilité créatrice est probablement l'une des voies pour ces nouvelles exigences éducatives.
Déjà avec la télévision, des réflexions
ont vu le jour sur le déséquilibre qui se
développait entre l'impact de l'image et
l'impact du “texte écrit”.
S'il reste un
bon impact de la “parole” à travers des
journaux parlés et des animations télévisées
intelligentes, il faut savoir que cet impact
est lui-même soumis à toutes les conditions
de l'impact d'image. Et, notamment, suite à
de nombreuses études de publicitaires et
autres gourous de la propagande ciblée, il a
été prouvé que, dans la communication d'un
message, la part de la présentation
corporelle de celui qui fait le message
représente plus de 50% de ce qui est perçu
par le récepteur!
De ce dernier point de
vue, le message “radio”, pas encombré par
une présence visuelle, peut avoir un
meilleur impact d'écoute et de réception du
message.
Mais, pour la promotion
(commerciale, politique, religieuse, ou
autre) l'impact d'une “image” mobilise plus
complètement le récepteur et influence
largement sur ce qu'il va penser du
“message” lui-même, si du moins il y a un
message attaché à l'image.
On sait que
les suggestions subliminales (faire passer
une image non consciemment visible au milieu
du défilement d'un lot d'images bien perçues
par le récepteur – une pratique, en principe
interdite, utilisée par les programmes de
propagande des régimes totalitaires,
notamment !!??) peuvent avoir un réel impact
sur nos mémoires passives qui, le cas
échéant, nous feront prendre des décisions
dont nous ne savons pas, objectivement,
justifier le choix!
Or, au-delà du monde
des mass-médias, tout le succès des réseaux
sociaux depuis leur lancement il y a une
quinzaine d'années, vient de cette faculté à
transmettre des images. Même les sites web
les plus sérieux et les plus classiques, qui
sont là normalement pour fournir à un
récepteur un “service” (comme les sites des
Banques, par exemple) se sont crus obligés
de modifier leur “look” pour accueillir
l'internaute avec de belles images qui n'ont
rien à voir avec l'objet spécifique pour
lequel le récepteur vient sur ce site! Sans
parler des millions de photos et de vidéos
qui voyagent à grande vitesse tout autour de
la planète! L'exemple qui “plaît aux jeunes”
et qui fait le buzz ces derniers temps est
le réseau TIK-TOK où le plaisir est de se
faire voir (avec toutes les grimaces
possibles!).
Les psychologues et
pédagogues commencent seulement à
s'inquiéter des effets de ces usages sur la
santé mentale et sur le développement
intellectuel de ces personnes qui ne vivent
plus qu'avec les images et “dans” les
images, on vit avec son avatar électronique…
le Second Self analysé et dénoncé par la
psychiatre Sherry Turckel!
L'interdiction
des images (voir leur “destruction” - ou au
moins une forte diminution de l'exposition à
l'image) est-elle une voie vers un
accroissement des facultés réflexives, vers
un certain type d'abstraction qui permet la
concentration, le raisonnement, la
pondération, l'accès au “bon sens” et à la
sagesse?
Il vaut probablement la peine
que cette question soit travaillée et que
des expérimentations sérieuses soient faites
et diffusées pour bâtir des pédagogies de
communication (et de réception de la
communication) prenant en compte les vraies
dimensions de l'humain!