Codes, Normes, Lois, Algorithmes

Octobre 2020

La dictature de la rationalité ou la construction d'un ADN d'humanité?

Les codes et les normes, les lois et les algorithmes sont partout. Sont-ils un carcan déshumanisant ou sont-ils l'ébauche de l'ADN d'une humanité en voie d'unification planétaire?

Si l'adoption de codes fait partie de l'histoire des civilisations et des cultures en soutenant leur développement, elle constitue toujours une réduction par rapport à la communication personnelle totale.

La création de pictogrammes fut une première externalisation de la communication. Elle permettait de garder une trace, communicable dans la durée, d'une expérience humaine.

Avec la fixation du code alphabétique, d'une part, et de différents systèmes d'aide au calcul, d'autre part, une structure nouvelle de mémorisation externalisée oblige la communication à se limiter à l'image des mots et expressions en en excluant les tonalités et mimiques qui pouvaient en nuancer la signification contextualisée. D'où la question d'un des participants aux premières Journées de Réflexion sur l'Informatique organisées par Informatique & Bible et l'Institut d'Informatique des Facultés de Namur en 1982: comment exprime-t-on un sourire sur une carte perforée?… et l'invention, après l'ouverture du web (1992), des “smilies” (pauvres avatars d'empathie communicationnelle!).

Le développement de cette culture alphabétique – et ceci reste vrai, mutatis mutandis, pour l'évolution dans l'usage des écritures qui sont restées pictographiques comme en Chine – va mener à la fixation “légale”: mots et phrases (sans “expression”) vont édicter des normes destinées à des groupes humains de plus en plus nombreux et complexes. Des Dix Commandements de Moïse (ou du Code d'Hammourabi) au Code Napoléon ou à la Charte des Droits de l'Homme, un énorme corpus normatif a été mis en place et continue de se formuler pour figer les évolutions sociales. Les bibliothèques vont se remplir d'objectivations scientifiques et techniques verbalisées dans tous les domaines que l'humanité tente de maîtriser.

Le traitement électronique de ces masses d'information a commencé il y a moins de 75 ans: en français on a appelé cette pratique l'informatique ou “traitement de l'information” – ce qui correspond très exactement à l'“intelligence artificielle” de l'anglais! Ce traitement électronique de l'information implique non seulement la transposition d'informations produites en code alphabétique ou nombres décimaux vers leur représentation numérique booléenne (rien que des 0 et des 1), mais également les algorithmes permettant ces transferts, et permettant aussi, éventuellement, de manipuler algorithmiquement les résultats de ces transferts, et, ensuite, de les rendre utilisables par l'humain sous différentes formes. Pertes et enrichissements de l'information de base sont possibles!

L'étape suivante, dans laquelle nous sommes engagés en ce début du 21e siècle, est l'automatisation numérique de la saisie de données diverses (caractères, chiffres… mais aussi températures, couleurs, intensités, etc… selon des normes convenues); ensuite: leur mémorisation numérique, avec, souvent, leur interprétation statistique (selon des “règles” statistiques qui pourraient avoir un certain arbitraire – cf. les combats d'experts pour évaluer l'impact du Covid-19); et puis: leur mise à disposition sur des supports numériques dont le téléphone intelligent devient le vecteur le plus universel sur la planète terre (près de 6 milliards de téléphones mobiles pour 7,7 milliards d'habitants).

L'universalité de ce “code numérique” facilite et soutient des normalisations de plus en plus poussées dans tous les domaines d'action de l'être humain sur la planète. La gestion numérique d'à peu près tout impose une Loi hors de laquelle, souvent, il n'est plus de salut (on peut en faire facilement l'expérience dans les transactions bancaires: fini le “service”!). Du berceau au crématorium en passant par l'agriculture, le commerce, l'enseignement, la culture, voire la politique, etc… tout est normalisé selon les algorithmes de ceux qui détiennent financièrement le pouvoir de leur développement.

Si ce “codage” et ces “normalisations” peuvent faire peur (pensée unique, perte de liberté, dé-personnalisation, perte d'empathie humaine, etc), il faut aussi y discerner les voies d'une croissance de l'humanité vers un certain type d'unité. La construction biologique d'un Corps ne se fait que selon un ADN – qui est un CODE!

La vraie question: construisons-nous le meilleur ADN pour l'humanité en croissance?