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Interface  n° 130  Mars 2013

Amour, un film de Michael Haneke (1)

(1) Ce commentaire sur le film de Michael Haneke, palme d'or à Cannes en 2012, a été suggéré à l'auteur par un propos conseillant son visionnement par la Communauté de Maredsous: “Nous pensons qu'il serait fécond que vous puissiez voir le film L'Amour (sic), en acceptant de le recevoir comme un symbole de votre histoire et de votre avenir”!

L'unanimité de la critique sur la qualité du film et des acteurs peut masquer un subtil plaidoyer pour une euthanasie active qui serait justifiée par l'amour (comme l'a explicitement avoué le cinéaste pour son cas personnel lors de la proclamation de la palme d'or à Cannes). Quel amour?

Certaines réflexions parleront, peut-être avec plus d'exactitude, d'un crime passionnel quand Georges (J.-L. Trintignant) fini par étouffer sa femme Anne (E. Riva) avant de se laisser mourir enfermé de façon étanche, comme en un cercueil, dans l'appartement où ils avaient vécu leur longue et fidèle complicité! Seule l'odeur des corps en décomposition alertera le voisinage, les secours et la famille pour le constat d'une issue que personne ne devait pouvoir soupçonner. La fiction du film est donc d'introduire le regard d'une caméra dans le déroulement d'un drame qu'un œil extérieur aurait pu interpréter autrement: Anne est décédée naturellement, Georges la prépare sur sa couche mortuaire avec sa plus belle robe et des fleurs tout autour; puis il s'enferme et se laisse mourir car, sans elle, il ne veut plus vivre! Cet amour-là pourrait se comprendre, même s'il manque de grandeur et d'espérance. Mais l'amour passionnel qui dévide l'énervement final de celui qui n'a pu supporter jusqu'aux limites naturelles de sa dégradation – (et en maintenant la tendresse au-delà de tout!) ‒ , est-il un amour authentique ou bien est-il seulement la juxtaposition de deux égoïsmes (ou d'un seul) enfermés sur eux-mêmes?

Car, ce qui frappe à propos de l'“amour” présenté par Haneke dans ce film, c'est son repli sur soi, au lieu qu'il soit humble ouverture à l'autre: le voisin qui insiste pour venir en aide, la fille de Georges (Isabelle Hupert) qui voudrait l'aider. Sans doute avec la “bonne intention” (?) de ne pas faire peser le problème sur l'entourage, ils se font rabrouer et écarter du douloureux chemin de croix, au lieu que s'exprime, avec simplicité devant tous, l'angoisse désespérée et l'humble appel au secours (“pourquoi m'as-tu abandonné?”).

Une fois démasquée cette mascarade d'amour induite par le titre du film, que reste-t-il, sur le fond, malgré la maestria de la réalisation cinématographique qui fait du spectateur le voyeur haletant d'une situation trop souvent rencontrée? Le titre n'est d'ailleurs par L'Amour qui aurait exprimé un certain absolu, mais Amour qui peut se prononcer soit en affirmation, soit en interrogation!

Serait-ce donc l'ultime mérite du film: obliger à mettre un point d'interrogation après “Amour”?

La conclusion de la recension du film par Charlotte Garson dans les Études (Nov. 2012, 540-541), souligne le malaise: “Le cocktail hanekien de froideur et d'émotion fonctionne, marque de son indéniable virtuosité. Mais on est en droit de ne pas trouver si digne que cela cette victoire par étouffement conjoint du personnage et du spectateur”.

Personnellement, je voudrais faire mien ce commentaire anonyme d'une Internaute (dans le site de telerama.fr): Je voulais le conseiller à mes parents âgés qui vivent le même drame, mais après l'avoir vu, je vais leur interdire! La qualité de l'interprétation et de la mise en scène n'efface pas la vision sèche et cruelle de cette fin où je ne vois pas d'amour comme monsieur Haneke. C'est le premier film que je vois de ce réalisateur et en sortant de la projection, j'avais l'impression d'avoir reçu des coups de fouets. Et je lis aujourd'hui que c'est sa marque de fabrique! Au secours! On peut gloser sans fin sur ce film tant qu'on n'est pas concerné, mais en pleine campagne de sensibilisation à l'AVC, il faut le proscrire… À déconseiller donc à toutes les personnes âgées et malades qui n'ont heureusement pas la même vision de l'amour que celle du réalisateur…!”

Non, ce film n'est pas un symbole d'histoire et d'avenir!

Oui, l'amour est plus fort que la mort, il ouvre à la vie!

Fr. R.-Ferdinand Poswick , osb
Ancien membre du directoire de l'OCIC et du Jury Œcuménique du Festival des Films du Monde de Montréal.

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