Accueil ● Interface ● Interface n° 128 Septembre 2012
Interface n° 128 Septembre 2012
Comptes rendus
● Maison de la Bible, N°
69-70, mai-août 2012: Parle-moi du Royaume de Dieu
Avec persévérance et l'aide de quelques ‘stars’ du biblisme belge
(Jacques Vermeylen, Brigitte Rigo, Camille Focant, Ignace Berten,
notamment), l'équipe de la Maison de la Bible poursuit son service
avec ce numéro centré sur la notion du Royaume.
Si tout l'ensemble est nourrissant et donc édifiant, on peut se
demander si l'on ne tourne pas un peu en rond dans un vocabulaire
qui a de la peine à rejoindre celui de notre actualité. Heureusement
les propos d'Ignace Berten ouvrent la voie à cette actualisation en
cherchant les signes du Royaume à travers ce qui se vit aujourd'hui.
Mais c'est le symbolisme-même du Royaume que je questionnerais. On
sait comment la royauté fut instituée par le peuple d'Israël contre
la volonté de son Dieu (... et notre Dieu), jusqu'alors seul ‘roi’
(cf. 1 Samuel 8.1 et la suite!!). Ce Dieu, à travers l'histoire des
“rois d'Israël et de Juda”, tente de faire comprendre que ce n'est
pas dans cette institution que le peuple choisi trouvera le salut.
L'exil à Babylone sera l'occasion pour Dieu de rappeler violemment
cela à son peuple! Mais celui-ci persévérera et Dieu finira par se
servir du symbolisme de l'onction royale, pour couronner dans la
mort de son Fils, le retour vers le seul vrai “messie”: Dieu
lui-même! Ce Jésus qui refuse la royauté telle qu'on la concevait
encore autour de lui de son vivant!
“Qu'advienne ton Royaume” dans le Notre Père, n'est donc en rien le
souhait d'une restauration quelconque d'une structure
institutionnelle de ce type, mais l'espérance que le “domaine” du
divin soit rendu présent aux yeux de ceux qui croient, que l'on
prenne conscience de cette “présence du divin » dans le quotidien
de nos vies. C'est ainsi que « le royaume est déjà là!”.
● Joseph A. Marchal, The
Usefulness of an Onesimus: the Sexual Use of Slaves and Paul's
Letter to Philemon, dans Journal of Biblical Literature, 130-4,
Winter 2011, 749-770.
C'était, semble-t-il, une pratique bien établie dans les cultures de
l'époque où l'esclavage était institutionnel et codifié, que
l'esclave (mâle ou femelle) soit réellement l'objet au service de
son maître ou de sa maîtresse. L'utilisation sexuelle des esclaves
n'était pas considérée comme une action dépravée, même par rapport à
l'épouse ou l'époux légitime.
L'auteur se demande, dès lors, si l'utilisation du terme chrèstos
(achrèstos et euchrèstos) par Paul dans la lettre à Philémon
n'évoque pas un contexte culturel et social de ce type, Onésime
devenant, d'esclave qu'il était, un frère très aimé “dans la chair
et dans le Seigneur” (Philémon v. 16).
Des siècles d'inculturation “chrétienne” nous éloignant de
l'esclavage et de ce qu'on peut considérer comme les abus d'un
système, risquent de nous faire considérer comme a priori peu
crédible une telle hypothèse. On peut d'ailleurs la prendre encore
sous une forme symbolique: Onésime était déjà un ami d'une grande
utilité (chrèstos) à Philémon. Paul, dont il est devenu l'ami en
Christ, voudrait maintenant qu'il retourne à son maître avec une
amitié enracinée dans la fraternité en Christ. Mais le vocabulaire
utilisé n'hésiterait pas à évoquer l'arrière-fond des usages sexuels
de l'époque pour souligner le réalisme humain de la requête!
● Christine Pedotti, La
Bataille du Vatican (1959-1965). Les coulisses du Concile qui a
changé l'Église, Paris, Plon, 2012, 574 pages.
Voici un livre qui se lit comme un roman. L'Auteure a pris le parti
de décrire le déroulement de Vatican II à travers les récits qu'en
ont laissé les grands témoins: Jean XXIII, Ottaviani, Congar, de
Lubac, Bea, Küng, Ratzinger, Philips, Helder Camara, Fesquet,
Laurentin, Suenens, Felici Pericle, Prignon, Charrue, De Smet,
Chenu, Paul VI… et le Baron Poswick.
Chacun des brefs chapitres qui font progresser l'intrigue (ici le
‘combat’ d'une majorité conciliaire qui met du temps à se chercher
et les certitudes d'une Curie qui se sent assiégée et dépouillée de
ses prérogatives séculaires), met en scène un personnage et ses
réactions à l'une des étapes de cette formidable bataille à travers
laquelle l'Esprit Saint tente de faire passer le plan de Dieu pour
son Peuple en marche aujourd'hui!
Un livre bien documenté qui donne en Annexe (pp. 511-574): une
chronologie du Concile, un descriptif des 16 textes adoptés par le
Concile avec des détails sur leur aboutissement et leur contenu, une
brève notice biographique commentée sur tous les personnages évoqués
et une sobre mais complète bibliographie. L'Auteure a pu tenir
compte de l'ouvrage majeur et très équilibré de John W. O'Malley,
L'événement Vatican II (Bruxelles,
Lessius, 2011).
À propos de Prosper Poswick qu'elle met scène aux pp. 300-303 et
489-491, Christine Pedotti signale: “Ses notes personnelles et les
rapports qu'il adresse à son ministre des Affaires étrangères
(pendant le concile, Paul-Henri Spaak) sont une source très
précieuse” (p. 553).
Sans minimiser toutes les autres influences, le poids des évêques et
des experts belges au Concile Vatican II ressort de façon frappante
de cette synthèse très vivante et très agréable à lire.
À titre de confidence familiale: Prosper Poswick avait confié aux
membres de sa famille qu'il avait eu un rêve, peu après le Concile,
où il se voyait remettre la barette de cardinal par le pape régnant.
L'utilisation de ses notes et rapports au même titre que ceux d'un
Congar, d'un Bea, d'un Suenens ou autres, par ceux qui tentent de
traiter objectivement de ce grand concile, ne réalise-t-elle pas de
quelque manière ce rêve?
fr. R.-Ferdinand Poswick, osb