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Interface n° 126 Mars 2012
Comptes rendus
● Jean Duchesne, Louis Bouyer, Perpignan, Artège, 2011, 128 p., ISBN 9782360400126.
Un petit livre sympathique dans la collection Artège-spiritualité. Il retrace bien l'essentiel de la trajectoire spirituelle du grand théologien que fut Louis Bouyer. Figure emblématique de l'Oratoire de France. Il n'aurait pas été difficile de mettre en évidence, dans les racines de sa trajectoire, ses liens avec les Belges initiateurs du mouvement liturgique, et plus particulièrement avec Dom Columba Marmion, puisque la lecture de sa trilogie fut le déclencheur, pour lui, puis pour son père, du passage du protestantisme au catholicisme.
● Biblia Magazine, Guide 04, publié par les Éditions du Cerf en complément du magazine de novembre-décembre 2011, nous donne un superbe numéro intitulé
Le cas Marie-Madeleine. Cet ensemble très bellement illustré donne, de façon équilibrée, toute la documentation sur ce personnage dont la fiction de tous les temps, mais surtout contemporaine (voir Da Vinci Code), aime rassasier le goût "people" pour les relations amoureuses mystérieuses, croustillantes ou sulfureuses! Et, comme il n'y a pas de fumée sans feu, il faut considérer comme tout à fait plausible le fait que Jésus n'a pas refusé l'amour éperdu d'une femme qui deviendra l'une des premières et principales apôtres de sa résurrection! Mais cela sera toujours interprété de façon sulfureuse dans une culture machiste.
● Maison de la Bible, n°66 (novembre-décembre 2011) et n° 67 (janvier-février 2012):
Raconte-moi la création et Parle-nous des récits de miracles sont les deux thèmes choisis pour ces livraisons qui encadrent le changement d'année. Avec des contributions Jacques Vermeylen, André Haquin, Gabriel Ringlet, Benoît Standaert, Michel Bacq! Mais ces vedettes du "star system", devenu, semble-t-il, indispensable dans toute présentation publique, n'existeraient pas sans la vaillante persévérance de toute l'équipe de la Maison de la Bible!
● Jean-Michel Froidcoeur, Géométrie pour le troisième millénaire. Essai, Paris Elzévir, 2010, 106 p., ISBN 978-2-8114-0298-3.
Jean-Michel Froidcoeur a travaillé comme programmeur tant dans l'équipe du CETEDOC à Louvain que dans l'équipe d'Informatique & Bible (1976-1980). Le livre qu'il nous donne semble être une sorte de testament spirituel sous forme de méditation poétique sur toutes les réalités de notre monde. Ton très désabusé! Mais des tas de traits d'humanisme profond au sein d'un monde qui semble un peu follement suivre le rythme de développement des technologies de l'information. La poésie sauvera-t-elle ce monde?
● José-Willibald Michaux, Traductions- Résonances. Avec des calligraphies de Paula Defresne, Éditions de Maredsous, 2011, 112 p., ISBN 978-2-8052-0127-1.
C'est une large reprise (p. 15-47) de la traduction du Cantique des Cantiques déjà publiée par J.-W. Michaux chez L'Arbre à Parole, en 2004. L'auteur y a ajouté, selon les mêmes intuitions de traductique: Genèse 1.1 à 2.3; Psaume 1; 1 Rois 19.8-21 (Élie à l'Horeb); Jérémie 20.7-18; Job 28.1-23; Ézéchiel 16.1-13; Proverbes 8.22-31; Qohélet 12.1-8; Isaïe 52.13 – 53.12. On peut regretter que le texte hébreu ne soit pas mis en face de la traduction alors que le format adopté pour la publication l'aurait permis. Les graphismes décoratifs calligraphiés par Paula Defresne (qui n'ont pas tous la même qualité) ne compensent pas la sensation donnée par le caractère hébreu ou, au minimum, son évocation dans une translittération. L'hébreu est d'ailleurs donné en translittération dans les introductions et commentaires, et selon le système proposé par D. Ellul dans son manuel d'hébreu (Cerf, 2003). Ce choix n'est malheureusement pas toujours suivi dans les introductions; et il est peut-être dommage que le P. J.-W. Michaux n'ait pas adopté et expliqué le système de transcription qu'il proposait à ses élèves d'hébreu dans les années '50-'60 (un système apparemment assez proche de celui d'Ellul)! Comme je l'ai suggéré dans mon compte-rendu de la traduction du Cantique de 2004 (Lettre de Maredsous 34/1, janv.-mars 2005, pp. 27-29), dès que l'on parle des "résonances", seule la langue originelle les contient toutes: difficile à un traducteur de toutes les faire ressentir à son lecteur! Il y a, en effet, entre l'œuvre originale et le lecteur, les mêmes ultimes intermédiaires (ou obstacles, selon les cas) que ceux que représentent l'interprète d'une oeuvre musicale et l'oreille de l'auditeur: le vrai connaisseur voudra avoir la partition en main!
Enfin, pour l'éditeur-typographe que je suis devenu en 40 ans de travaux d'édition, la mise en page de ce volume ne me semble pas être à la hauteur du message qu'il tente de véhiculer. À peu de frais supplémentaires et pour un tirage moindre, les éditeurs auraient pu proposer un écrin qui ressemble moins à un triste syllabus dans son format et sa typographie presque commerciale! Mais "des goûts et des couleurs…"? …sauf si "résonances" implique une connotation de goût (et donc, de "bon goût")!
● VOIR (biffé). Repères culturels de la cécité. II. Parcours thématique, n° 38-39, novembre 2011, ISSN 0777-1266, 280 p.
L'ancien collaborateur d'I&B (1982-1989), Gérard Servais, est, à la Ligue Braille, l'une des chevilles ouvrières du bulletin VOIR (biffé) qui paraît depuis octobre 1990 (on trouvera une Table très utile de tous les numéros parus et de leurs contenus aux pp. 275-279). Les deux dernières livraisons sont des numéros doubles qui représentent une synthèse historique et thématique sur les différents aspects de la cécité dans l'histoire et dans nos sociétés. Gérard Servais y donne une synthèse sur la cécité dans la Bible et également dans le cadre des bibliothèques. Mais on peut dire que tous les aspects d'une anthropologie et d'une sociologie de la cécité sont ici abordés et complétés par d'importantes bibliographies. Un vrai outil de référence!
● Pierre Larouturou, Pour éviter le Krach Ultime. Préface de Stéphane Hessel, Nova Éditions, 2011, 256 p. Stimulant et effrayant diagnostique sur les crises que nous vivons et qui se succèdent en s'accentuant. En effet elles ont toutes, si on veut analyser les chose froidement, la même origine: l'accroissement de productivité partout dans le monde et dans tous les domaines, une productivité multipliée par 15 entre 1970 et 2010, alors qu'entre la première révolution industrielle (19e siècle) et 1970, la productivité humaine avait seulement doublé!!. La conséquence évidente: diminution des temps de travail humain et donc chômage.
Deux correctifs se dégagent de façon
claire:
1) investir les gains de productivité dans les besoins de la société
civile (sécurisation du niveau salarial ou autres répartition d'une
richesse qui permettra de soutenir la consommation);
2) réduire les temps de travail (Larouturou propose de généraliser
la semaine de 4 jours = 32 heures). Sur ce dernier point, je pense
que P. Larouturou n'ose pas aller assez loin: les gains de
productivité vont encore croître et il faut donc se résoudre à
réduire le travail à 16 ou 20 heures par semaine, diminuant de
moitié ces temps comme ce fut le cas entre la première et la seconde
révolution industrielle où l'on est passé de journées de 14 ou 16
heures de travail à nos journées de 7 ou 8 heures de travail! Faute
d'actions très rapides sur ces lignes majeures, les
scénarios-catastrophes sont annoncés: probablement un effondrement
financier des États-Unis et, peut-être, une guerre menée par la
Chine qui a encore doublé son budget militaire et va voir exploser
la bulle immobilière qu'elle a laissé se développer chez elle! Les
deux sources de Krach pouvant se combiner.
Prophète de malheur? Il faut rappeler que P. Larouturou fut un de ceux qui avaient clairement annoncés la crise financière actuelle… sans qu'on veuille l'entendre!
● Jacques Dessaucy, La fille du pape. Roman. Memory Press, Tenneville, 272 p. ISBN 2-87413-138-5.
Jacques Dessaucy est Diacre de l'Église de Namur, il fut un des créateurs du magazine Telepro à Verviers et fut actif dans les médias catholiques. Sous une forme romanesque bien à la mode, il nous livre son espérance pour l'institution ecclésiale de demain: relations plus claires, simples et directes des ecclésiastiques avec les journalistes et la presse; oeucuménisme effectif et pratique; diaconat et sacerdoce des femmes; souci de l'Église pour la création et donc pour une écologie mondiale dans laquelle elle doit prendre le leadership; etc. Ce roman mené de façon amusante, rejoint donc la série des projections ecclésiales romancées de ces dernières années: la trilogie de Neyrinck avec Le manuscrit du Saint Sépulcre et les deux volumes suivants; Pietro di Paoli Vatican 2035, ou Le dialogue de Castelgandolfo; Pierre Legendre, Les mémoires du Cardinal, et L'espérance du Cardinal; etc. Il ne faut pas hésiter à y voir le nouveau mode de la parabole prophétique: ils seront très étonnés, dans les générations futures, les héritiers de ceux qui n'ont pas voulu croire aujourd'hui que le Dieu de Jésus-Christ orienterait l'Église dans les directions indiquées par ces fictions visionnaires! Déjà le Vatican III de Thierry Breton (1985) montre bien qu'un esprit bien formé peut percevoir assez clairement vers où un corps social est en train d'évoluer!
● Christophe Langlois, Problématique actuelle des Bibliothèques catholiques françaises, dans Bulletin de l'Association des Bibliothèques Chrétiennes de France, n° 146, 2ème semestre 2011, pp. 21-30.
Précédemment Directeur à la BNF, Christophe Langlois vient de prendre la direction des Bibliothèques de la Catho de Paris. À l'occasion du 22e Congrès de l'A.B.C.F. (Paris, septembre 2011), il fait un bilan de la situation des bibliothèques religieuses ou de théologie en France. Dans cette intervention programmatique, il montre qu'à l'ère de l'écriture électronique et du tout Internet, seul le regroupement de toutes les ressources concernant le livre religieux peut avoir un poids réel pour les nouveaux accès à la connaissance qui se dessinent: "Le projet de mettre en commun les ressources documentaires de nos bibliothèques ne peut trouver sa source que dans l'essentiel dont tous ces livres sont l'expression. 'Seul l'amour unit et unifie' écrivait François Varillon. Cette espérance, je le crois est la nôtre" (p.30).
fr. R.-Ferdinand Poswick, osb