Interface n° 111 Juin 2008
● Éditorial : Écritures
● La Maison des Écritures: expositions de Mai
● Huile - Parfum - Aromates - Encens: signes efficaces? de quoi?
● Le pain: essentiel pour la vie
Comptes rendus:
● On a trahi Judas. Méditation sur le Nouveau Testament
● Passelecq, Georges
● La Bible, Maxi-Livres
● Communication Research Trends, vol. 27 (2008) No 1
News Un musée permanent de l'informatique à Paris … et à
Maredsous! Religion et Internet Littérature : Comment le numérique change tout Échos des expositions du mois de mai à la Maison des
Écritures |
Éditorial Écritures L'éveil de la raison chez le petit enfant s'accompagne d'une intense activité de dessin, pour autant qu'on lui donne les outils d'inscription (crayon, marqueur, papier). La couleur y joue un rôle important. Le dessin est donc la voie naturelle et première pour exprimer et consigner des impressions, pour transmettre aux autres ce que l'on a vu, ce que l'on a capté de la réalité. Le cinéma revient, sous un mode techniquement très médiatisé, à une expression de ce type: il capte une image, une ambiance, une couleur, un son, et les organise pour transmettre ce que le cinéaste a vu (documentaire) ou quelque chose de sa vision intérieure (fiction), souvent les deux. Les arts plastiques fonctionnent de la même façon. Mais, ce que l'on sait moins, c'est que la gestuelle (danse, théâtre) représente également un type d'inscription qui peut être plus importante que le dessin dans certaines cultures. La codification de certaines danses ou expressions gestuelles (Bali, Japon, Thaïlande) correspond à un alphabet et à une syntaxe. L'association au rythme et au bruit, avant que ceux-ci ne deviennent musique, participe du même plaisir d'exprimer et de répéter l'expression créée. L'évolution vers des formes stéréotypées (runes, quipos, pictogrammes, hiéroglyphes) va, lentement, amener la création du système alphabétique : une représentation des sons de la parole à l'aide de signes graphiques. L'annotation des sons évoluera également de son côté par la mise au point de systèmes de 'notations' musicales (les 'notes') sur un principe proche de celui de l'écriture alphabétique : alignement sur des lignes ('portées') qui permettent de suivre le déroulement des sons et des rythmes dans le temps, de les fixer en vue de les répéter. Les 'écritures', c'est tout cet immense travail de mise au point, d'éducation et de répétition minutieuses à travers les cultures et les siècles. Certaines 'écritures' peuvent disparaître avec ceux qui possèdent la secrète signification des codes et de leur arrangement spatial. Les écritures liées à la gestuelle semblent les plus fragiles (encore que la liturgie chrétienne, et probablement certains rites religieux non-chrétiens, conservent parfois pendant de longs siècles, sans les comprendre, des gestes séculaires). Comment figer ou fixer un geste? D'autres 'écritures' deviennent inaccessibles et sombrent dans l'oubli, ensevelies sous de nouveaux modes de communication dominants, souvent imposés par la culture d'un vainqueur. Il en est ainsi pour les langues elles-mêmes quand la seule oralité les conserve et les transmet. Champollion a dû 'déchiffrer' les hiéroglyphes au 19e siècle (Précis du système hiéroglyphique, Paris, 1824). Preuve qu'un énorme 'Corpus' de textes sacrés et profanes était devenu pour longtemps inaccessible et qu'il avait cessé d'irriguer directement la signification. Il en fut de même avec les bibliothèques de tablettes cunéiformes de Babylone ou d'El-Amarna. L'écriture alphabétique, la 'sainte' écriture, avait pris le pas sur les anciens signes de communication; elle avait envahi , peu à peu, tout le champ de la communication – au moins pour les cultures qui ont fait de cet outil nouveau de mémorisation et de communication, une 'religion' qui a modelé les personnes et les sociétés qui l'ont adopté et en ont fait la caractéristique de la 'civilisation occidentale'. La chine, jusqu'à ce jour, n'a pas adopté cette 'religion' de la lettre alpha-phonétique: toute la force de la signification reste attachée au dessin, parfois hyperformalisé, mais toujours déchiffrable, à raison de la culture du lecteur capable de saisir tant les dessins que la signification de leur juxtaposition en l'exprimant phonétiquement de façon variée (des idiomes mongols, japonais, coréens et autres peuvent utiliser le même support d'inscription prononcé différemment). L'écriture électronique multimédia est en train d'envahir tout le champ de la communication et de la mémorisation. Le téléphone portable devient le crayon de l'écriture électronique. Il peut charger ou décharger tout type de message : audio, visuel, graphique. Il inaugure une relation tout à fait nouvelle à la connaissance et à l'usage de celle-ci pour la vie personnelle et interpersonnelle (société, culture). La mémoire se collectivise sous forme d'énormes réservoirs de connaissances, sans cesse mises à jour, accessibles en tout point sur notre planète et au-delà d'elle (réseaux, satellites). L'écriture alphabétique va-t-elle
être submergée et engloutie? Les trésors de culture qu'elle
a permis d'amasser risquent-ils de sombrer dans l'oubli? Ce sera le sens (signification et direction) de notre action dans les mois qui viennent. Aidez-nous à promouvoir ce travail de réflexion et de communication: comment la Parole fait-elle, plus que jamais, de notre humanité en sa spécificité, le lieu du Dieu qui nous a créé, le temple de son Esprit? et comment, le fait de comprendre cela et d'en tirer toutes le conséquences, est la seule voie de salut pour cette humanité et le monde qu'elle a mission de gérer? Fr. R.-F. Poswick, osb |