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Incarnation et Résurrection de la Parole
Causerie du Fr. R.-Ferdinand Poswick, o.s.b., pour les amis de la Maison de la Bible à Rixensart, le 21 septembre 2014

1. Mon Credo Dossiers/Conférences
2. Comment connaissons-nous ce Dieu philanthrope? Dossiers/Conférences
3. Hominisation et humanisation Dossiers/Conférences
4. L'écriture alphabétique, vecteur de la révélation, mène à l'incarnation du Verbe Dossiers/Conférences
5. L'écriture numérique, signe d'une mutation Dossiers/Conférences

6. Vers une humanité transformée, un processus de résurrection est-il en cours?

Tout ceci me fait dire que nous sommes à un tournant majeur de l'humanité, beaucoup plus important que l'application de l'imprimerie par Gutenberg qui n'a servi qu'à accélérer la civilisation de l'écrit alphabétique pour ouvrir la voie à la science technologisée aboutissant, aujourd'hui, à l'informatique et à son écriture électronique.

La convergence des technologies développées sur base de cette écriture électronique peut mener à des propositions de modification de l'être humain ou de développement de robots humanoïdes si perfectionnés qu'ils pourraient encore accélérer une transformation de l'humain.

La question est alors: vers quel type d'humanité voulons-nous aller? Et puisque nous nous appuyons sur une tradition de vérité révélée, quel type de développement d'humanité pourrait-il correspondre à ce que nous croyons être la visée du Dieu d'Abraham et de Jésus?

Quel serait le spécifique humain dont la suppression anéantirait la race humaine?
Je donne seulement quatre exemples:

a) l'information n'est pas la connaissance; une culture qui ne serait plus fondée que sur de l'information ramènerait l'humanité à ce qui se passe dans une ruche ou dans une fourmilière: il y a de l'information qui passe, mais aucune vraie connaissance (laquelle suppose conscience);

b) le raisonnement n'est pas le jugement: on peut raisonner de façon parfaitement logique (2+2=4), mais si ce raisonnement n'est pas appliqué à la réalité avec jugement (je donne 4 ou je vole 4), il n'y a pas d'humanité;

c) la mémoire n'est pas le souvenir: on peut accumuler des mémoires, mais savoir quelle est la mémoire pertinente dans une situation concrète suppose l'éducation du souvenir, intégration d'éléments de mémoire à l'expérience vitale d'une personne;

d) la communication n'est pas la relation: on peut communiquer 5/5 comme doivent le faire les pilotes d'avion au risque d'accident; mais la transmission parfaite d'un message n'établit en rien, ni automatiquement une relation (c'est un des drames des addicts de l'Internet!!).

Il y a donc un énorme champs de réflexion et de pédagogie sur des sujets cruciaux pour l'humanité et qui sont relativement peu traités. Et c'est urgent!
Par exemple: on parle de manipulation biotechnique (l'eugénisme autour des fœtus se développe à grande échelle), mais on parle très peu de la manipulation mentale que nous subissons et qui est induite chez tous les enfants par les méthodes et contenus de tout ce qui est distribué électroniquement. On parle sans cesse de l'emploi et l'on se bat pour promettre (promesses toujours électorales) plus de plein emploi, alors qu'il est évident que la robotisation supprime tous les jours des milliers de postes de travail. Qu'est-ce qui change pour l'humanité le jour où il faut se rendre à l'évidence que, comme on est passé de 12 ou 14 heures de travail productif au 19ième siècle à 7 ou 8 heures de travail productif en fin du 20ième siècle, on va clairement et très vite vers les 3 ou 4 heures de travail productif par jour en moyenne pour couvrir tous les besoins de la population mondiale. Qu'est-ce que cela veut dire pour le type de vie sociale dans les années à venir? Seulement du football, de la télévision, de l'Internet, du sport et des concerts de rock pendant plus de la moitié de chaque journée active?

Devant ces changements, on peut soit être découragé et s'enfermer dans ses habitudes, soit encourager n'importe quelles expériences pour faire progresser l'humanité (mais sans trop savoir où cela aboutira), soit encore se demander quelle serait la Parole que le Dieu auquel nous croyons serait en train de nous adresser à travers la mutation en cours.
J'opte résolument pour cette troisième attitude.

Et, aujourd'hui, avec ce que je crois savoir des évolutions en cours, avec mon expérience de l'écriture électronique et de son caractère de vecteur central des mutations en cours, mais aussi avec ma foi dans un Dieu philanthrope qui aime l'humanité et veut la mener à une plénitude divine (ce que nos frères orthodoxes appellent la “divinisation” de l'homme), je m'appuierais volontiers sur le discours visionnaire (à la fois scientifique, poétique et théologique) du P. Teilhard de Chardin en tenant compte des précautions critiques de Jacques Ellul (lui aussi scientifique, humaniste et bibliste de haut vol). On peut y ajouter, au plan d'une saisie de l'humanisme nouveau, les visions de Michel Serres.

Avec eux je verrais que nous sommes en train de passer de la biosphère à la noosphère. D'un être humain qui sort à peine de son modelage animal et biologique (pour Dieu 1000 ans sont comme un jour – Psaume 89.4 repris par 1 Pierre 3.8... et il lui a fallu 6 jours de création avant de se reposer!!), nous passons assez rapidement à un être humain qui semble devenir maître de sa destinée, de son évolution et de la création qui l'entoure. La noosphère est aussi la création d'une interdépendance au sein d'un mouvement de “planétisation” (un mot créé par Teilhard de Chardin bien avant qu'on ne parle de globalisation ou de mondialisation). Pour moi, l'Internet est déjà un partage, par toute l'humanité planétaire, des facultés de mémoire de l'humain, tout comme il est devenu indispensable pour une sauvegarde certaine et à longue échéance des mémoires accumulées (c'est le principe stratégique qui a présidé à son invention: une information en réseau peut être détruite en un point sans qu'il soit possible de la détruire partout à la fois!!). Un tel partage de facultés mentales de l'humain va encore se développer.

Il semble donc que nous sommes sur la voie d'une construction des relations humaines, non plus dans la juxtaposition animale, tribale, nationale, mais en vue d'une structuration fonctionnelle des humains en un corps d'humanité. 

7. En guise de conclusion Dossiers/Conférences

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