Une Foi qui soulève les montagnes: Coretta Scott King et Martin Luther King

Février 2024

Sensible à la voix des témoins et des veilleurs, ces prophètes de notre temps, il m'a semblé important de mettre en évidence le témoignage de Martin Luther King (1929-1968) et de sa femme Coretta Scott King (1927-2006).

Coretta Scott King   Coretta Scott King   Martin Luther King   Martin Luther King   Martin Luther King   Martin Luther King

Au moment où l'humanité s'unifie autour de la planète terre, le spécifique “humain” qui pourrait bien se trouver dans un dépassement de la violence (moteur de toute réalité autour de nous) grâce à l'Esprit d'amour (accueil, bienveillance, souci de l'autre quel qu'il soit, abnégation, confiance) semble “le” facteur d'une progression en “humanité” permettant et visant cette “convergence” vers un supplément de “personnalisation” qu'entrevoyait Pierre Teilhard de Chardin dans ses visions sur l'évolution du phylum humain!

Pour la présentation de ce témoignage, je me réfère au livre Coretta, My Life, My Love, My Legacy – Coretta Scott King, With the Reverend Dr. Barbara Reynolds, Picador, February 2018, 356 p., ISBN 978-1-250-15993-9.

Les citations sont mes traductions faites sur l'édition en américain.

Une courte biographie de Martin Luther King

Mais avant, il est bon de rappeler à grands traits la biographie de Martin Luther King.

Il naît à Atlanta (Géorgie, USA) le 15 Janvier 1929 (8 années plus ancien que le signataire de la présente. Note: …ce qui signifie, dans mon ressenti, l'âge de certains condisciples de Collège qui finissaient leur Rhétorique quand je commençais mes études secondaires dans le même Collège: c'était “hier”!).

Son père Pasteur de l'église Baptiste d'Ebenezer à Atlanta, l'associe à son ministère dès 1947 (18 ans), et il est ordonné “ministre” Baptiste le 25 Février 1948.
En Septembre 1948, il entend parler pour la première fois, au Crozer Theological Seminary à Chester (Pensylvanie) de la vie et des enseignements du Mahatma Gandhi auquel il va s'intéresser très sérieusement!
Le 18 Juin 1953, il épouse Coretta Scott à Marion en Alabama.
Son père l'installe comme Pasteur de la Dexter avenue Church à Montgomery (Alabama) le 31 Octobre 1954. Il a alors 25 ans. Et le 17 Novembre de la même année Martin Luther et Coretta ont leur premier enfant, Yolanda (elle sera suivie de trois autres enfants: Martin Luther III, le 23 Octobre 1957; Dexter Scott le 30 Janvier 1961 et Bernice Albertine le 28 Mars 1963).

C'est à Montgomery que Martin Luther organise le boycott des bus de la ville suite à l'arrestation d'une dame Afro-américaine qui n'avait pas voulu céder sa place à une personne blanche. Ce boycott durera 361 jours et sera le point de départ de toutes les actions non-violentes qui seront mises en œuvre par Martin Luther King.

Occasion de noter les actions agressives successives qui l'ont visé jusqu'à son assassinat le 4 Avril 1968 à Memphiss dans le Tennessee:
• 26 Janvier 1956 (pour excès de vitesse);
• 30 Janvier 1956 (bombe lancée sur le parvis de la maison des King's);
• 21 Février 1956 (accusé de conspiration);
• 27 Janvier 1957 (bombe déposée devant la maison des King's);
• 3 Septembre 1958 (accusé et pénalisé pour obstruction à la police);
• 20 Septembre 1958: coup de couteau à la poitrine par une femme (folle?);
• 17 Février 1960 (accusé de fraude fiscale – acquitté le 28 Mai);
• 19-27 Octobre 1960: mis en prison pour un “sit-in” à Atlanta… et transféré à la Reidsville State Prison, libéré pour 2000 US$;
• 4 Mai 1961: arrêté pour 40 jours au Pénitentiaire de Jackson (Mississipi), suite à une marche pour la liberté commencée à Washington – le bus des marcheurs est incendié;
• 16 décembre 1961 : arrêté pour entrave à la circulation à Albany;
• 27 Juillet 1962 : arrêté à Albany pour désordre sur la voie publique;
• Mars-Avril 1963 : mis en prison pour protestations publiques à Birmingham;
• (22 Novembre 1963 – pour rappel: assassinat du Président Kennedy à Dallas);
• Mai-Juin 1964 : mis en prison pour trouble à l'ordre public à St-Augustine (Floride);
• (21 Février 1965: assassinat de Malcom X à New York);
• 5 Août 1966 : jets de pierres contre lui à Chicago;
• 30 Octobre 1967: 4 jours de prison pour expurger les peines accumulées lors des sit-in et autres démonstrations sur la voie publique…
• et, le 4 Avril 1968 à 39 ans, Martin Luther King est assassiné!

Sous l'angle positif voici les principales dates à retenir de sa vie publique:
• 18 Février 1957: Couverture du Time Magazine suite à son succès contre la compagnie de bus de Montgomery
• 13 Juin 1957: rencontre avec le Président Nixon
• 23 Juin 1958: rencontre avec le Président Dwight D. Eisenhower
• 17 septembre 1958: parution de son livre Stride toward Freedom: The Montgomery Story, Harper & Row
• 2 Février au 10 Mars 1959: reçu par Nehru en Indes pour étudier les techniques non-violentes de Gandhi
• 24 Janvier 1960: déménage à Atlanta où il devient co-pasteur de l'Ebenezer Church
• 24 Juin 1960: rencontre avec John F. Kennedy, candidat à la Présidence des USA
• 16 octobre 1961: rencontre avec le Président John F. Kennedy à la Maison blanche; parution de son livre Strength to Love (Harper & Row)
• 28 Août 1963: son discours “I have à Dream” lors de la marche à Washington et rencontre avec John F. Kennedy à la Maison Blanche
• Juin 1964: parution de son livre Why we Can't Wait (Harper & Row)
• Septembre 1964: rencontre avec Willy Brandt (Allemagne) et avec Paul VI (Vatican)
• 10 Décembre 1964: Reçoit le Prix Nobel de la Paix à Oslo
• Janvier 1967: publication de son livre Where Do We Go from Here?
• 18 Janvier 1986: le Président Ronald Reagan déclare le 3e Lundi de Janvier jour de congé national en honneur de la date de naissance de Martin Luther King!

La petite fille méprisée parce que “black” et “fille” … mais curieuse et croyante

Je suis née le 27 Avril 1927 à Heiberger (Alabama), un lieu et une époque où tout ce que j'allais devenir était tout simplement impossible à seulement imaginer!
Qui aurait pu rêver, en effet, qu'une petite fille qui travaillait à cueillir manuellement du coton sous un soleil de plomb pour 2 dollars par semaine allait s'élever jusqu'à une position qui lui permettrait d'aider des américains importants, des membres du Congrès, voire des Présidents? Or , dans les années '50 – 60' quand la place d'une femme (où elle se voyait souvent emprisonnée) était fixée comme étant “à la maison” j'allais devenir la créatrice d'un foyer et une féministe libérée? Je deviendrais capable d'aider à construire une mouvement en faveur des droits de l'homme tout en élevant quatre merveilleux enfants? Et, en aucun cas, je ne pouvais imaginer, comme enfant, que j'aiderais à créer un environnement plus humain pour les afro-américains: depuis ma plus tendre enfance, les “blancs” ont toujours terrorisé notre famille … et cela ne constituait pas un crime!! Dans les années '40 et 50' on ne pouvait songer à une égalité devant la Loi! On ne pouvait pas aller se coucher le soir sans craindre de se voir incendié par des milices blanches. On ne pouvait pas se présenter à la devanture d'un marchand de glaces sans être refoulé. On devait descendre du trottoir et baisser les yeux quand une personne blanche approchait! Voilà la porte étroite par où je suis entrée comme petite fille. Ce n'est pas la même que celle par où je vais sortir! (pp. 2-3)

Écouter l'appel de Dieu : la vocation

S'il s'agit bien de mes mémoires, c'est aussi celles de Martin. Nos vies sont trop inséparables pour être coupées. … même si j'ai eu une vie avant Martin, j'ai une vie après Martin, j'ai un objectif, j'ai une mission et je l'ai mise en œuvre sur la scène du monde!
Pour découvrir ce que vous êtes appelé à faire de votre vie, je crois que vous devez être relié à Dieu, à cette force divine dans votre vie, et qu'il vous faut continuer à prier pour avoir des orientations. C'est ce que j'ai fait. Et ma vie a caracolé le long de routes sur lesquels je n'aurais jamais imaginé de voyager! J'ai assumé des tâches qui demandaient de l'expérience et de la sagesse que je n'ai pas eues jusqu'au moment où les circonstances les exigeaient. Tout cela m'a mis à genoux, pour en appeler à Dieu. Au long des ans, quand je priais pour avoir la force, j'ai eu un sentiment de soulagement. Je faisais l’œuvre de Dieu, je le savais, et c'est Lui qui prendrait soin de moi et de ma famille. Cela ne voulait pas dire que rien de mal ne pouvait arriver. Non, pas du tout! Mais la souffrance est le prix que certaines personnes doivent payer, et la mort peut être la voie d'une rédemption; elle peut promouvoir le changement et faire progresser le labeur du Royaume de Dieu. J'en arrivai à comprendre cela dans les premiers temps du mouvement de Montgomery. Et ce que j'ai compris alors ne m'a plus jamais quitté: il y avait un appel divin dans ma vie, une mission, un défi : servir non seulement les personnes noires, mais toute humanité oppressée. Cette vocation sera la mienne jusqu'à la fin. (pp. 2-3)

Cette auto-biographie écrite avec l'aide de son amie et grande journaliste, la Pasteure Barabara Reynolds, fut un défi que l'amie souligne

En mesurant l'énormité de ses objectifs, je lui ai demandé: “Comment vas-tu faire tout cela? Connais-tu quelqu'un qui ait fait quelque chose de ce genre? Où vas-tu chercher de l'aide?”
Alors, en me regardant droit dans les yeux, elle me dit: “Oui je connais quelqu'un qui va m'aider. Le Saint Esprit va me guider!”
Le Saint Esprit? Je n'étais pas encore la ministre ordonnée ni la professeure de Séminaire que je suis aujourd'hui. J'étais une journaliste qui ne cherchait que “les faits tels qu'ils se présentent, s'il vous plaît!”. Je voulais des choses concrètes dans lesquelles je pouvais “mordre” et non une invitation à entrer en contact avec une entité que je ne pourrais pas interviewer! (p.352)

Coretta se présente comme une enfant très religieuse, qui se demande très tôt ce qu'elle fait au milieu d'une création immense et où elle semble n'être rien comme fille et comme noire dont la maison des parents avait été incendiée par des milices du KuKluxKan!

Dans ses études secondaires à Antioch elle est en contact avec le Judaïsme, l'Islam, le Bouddhisme, l'Hindouisme et beaucoup d'autres religions et cultures…

c'est là que j'ai commencé à rêver d'un monde où toutes sortes de personnes seraient bienvenues et pourraient vivre en paix et harmonie. Des années plus tard on allait attacher à cette vision un “label”: "La Communauté d'Amour” (Beloved Community) où amour et confiance triomphent de la peur et de la haine… une expression empruntée au philosophe américain Josiah Royce. (p. 24)

Le fondement objectif de sa foi religieuse était son éducation dans le cadre d'une communauté de Quakers

J'ai été sous forte influence des Quakers tant à Lincoln qu'à Antioch. Historiquement ils étaient des avocats zélés de l'abolition, des droits égaux pour les femmes et de ce qui touchait à la paix. J'avais l'habitude de m'asseoir calmement dans la chapelle à Antioch et d'approfondir ma relation à Dieu selon la tradition Quaker. Les Quakers peuvent rester assis et attendre des heures que le Saint Esprit les fasse bouger! Ce processus est comme méditer et entrer en communion avec l'Esprit. Celui qui est touché se lève et dit ce qu'il a dans son cœur. Si tu sens que tu dois chanter, tu chantes! Mais il n'y a pas de chorale organisée, pas de culte formellement organisé. Les Quakers croient aussi en une vie décloisonnée et simple, sans un arsenal de matérialisme. (p. 29)

Cantatrice étudiante… elle rencontre Martin Luther King à Boston

1951 fut une année exceptionnelle. …Ma vie qui se limitait à cueillir du coton et à traire des vaches dans le Sud profond, se passait maintenant à chanter de la musique classique comme étudiante au New England Conservatory of Music de Boston. Se réalisait mon rêve de devenir une cantatrice de concert. Et je m'imaginais qu'un jour j'irais étudier en Europe et que j'entamerais une carrière au Metropolitan Opera! (p. 31)

C'est là qu'elle rencontre, grâce à une amie, Martin Luther King, et que, sur la route pour rentrer chez elle, elle s'arrête chez cette amie à Atlanta et fait connaissance de la famille King fortement implantée au cœur d'un des quartiers “noirs” d'Atlanta, le quartier d'Auburn street, autour de l'église Baptiste d'Ebenezer dont le Dr King senior était le Pasteur, déjà assisté par son fils Martin!

Elle épouse ce prêcheur infatigable et prophétique le 18 Juin 1953. Elle goûte sa prédication dont ils discutent ensemble. C'est toujours une prédication forte

Contrairement aux sermons des prédicateurs que j'avais entendus dans ma jeunesse, les sermons de Martin n'esquivaient rien. Ils n'appelaient pas les auditeurs à sauver leur âme alors que corps et âme ils expérimentaient l'agonie de n'être pas respectés et une terreur de vivre, en contradiction avec le minimum que suggérait la Bible qu'ils étaient des “personnes créées à l'image de Dieu”!
Et l'un de ses sermons intitulé “Aimez vos ennemis!” était construit sur base de nombreuses discussions entre nous autour de la non-violence à la Gandhi et de la force de l'amour de Jésus pour changer les esprits, les cœurs et les comportements. Martin devait enseigner cette idée, forcer dans cette direction sans arrêt, parce que la non-violence était devenue une habitude, un mode de vie pour des personnes qui se tiendraient sans armes face à des terroristes avec fusils et bombes.( p. 55)
Mais il y a, je pense, une raison définitive pour laquelle Jésus a dit “Aimez vos ennemis!”. Voici: l'amour possède, en lui-même, une puissance de rachat (rédemption). Et il y a là une force qui peut effectivement transformer les individus. C'est pour cela que Jésus dit “Aimez vos ennemis”. Parce que si tu hais tes ennemis, tu n'as pas de possibilité pour les racheter et pour les transformer … même s'ils sont en train de te maltraiter … continues à les aimer … et ils ne pourront pas y résister très longtemps. Bien sûr, ils réagissent de diverses manières au début. Ils vont réagir avec un sentiment de culpabilité et parfois vous haïr encore plus dans une période de transition. Mais continuez à les aimer. Et, par la puissance de l'amour, ils vont craquer sous ce poids! C'est cela l'amour! Il est rédempteur, et c'est pour cela que Jésus parle d'amour. Il y a quelque chose dans l'amour qui vous structure et qui est créateur. Tout comme il y a, dans la haine, quelque chose qui abaisse et détruit. Aimez donc vos ennemis! (p. 55-56)

Les débuts d'un mouvement pacifiste pour l'égalité des droits

Ne pouvant assister à la harangue que Martin Luther King allait prononcer pour lancer le boycott des bus de la ville de Memphis, Coretta en tape le texte à la machine. Pour elle, c'était le début de la création de son futur Centre à Atlanta

Ainsi, en commençant avec cette première adresse de Martin à une foule, adresse qui inaugurait le Boycott des Bus de Montgomery, je me mis à conserver ses discours, ses papiers et autres traces mémorielles. Bien sûr, cela a du sens rétrospectivement, mais à l'époque je pensais que ceux qui vivent de tels événements ne peuvent compter que sur eux-mêmes pour documenter ces faits historiques pour ceux qui voudraient un jour savoir ce qui s'est dit et ce qui a été fait de façon correcte pour les générations futures. Sinon qui les en enseignera? Qui les motivera? La nouvelle génération comprendra-t-elle ce que nous avons voulu faire quand nous-mêmes nous étions jeunes si nous ne transmettons pas notre histoire? (p. 66)

Le mouvement de Memphis sera une réussite et amènera le Congrès américain et le Président des États-Unis à donner des droits égaux aux afro-américains et autres populations écartés même des droits civils (comme le vote) à cause de leurs caractéristiques raciales! Nota bene: il s'agissait d'un régime hérité des temps de l'esclavage et dont on voyait donc les séquelles très concrètes encore au milieu du 20e siècle!!

Suite à ces succès, le ménage King est appelé en Afrique où de nombreux pays deviennent à cette époque “indépendants” de leur tuteur-colonisateur!
En 1957, ils se rendent ainsi au Ghana

Au Ghana, c'était très rigolo de voir des personnes noires en fonction. Pour la première fois je me trouvais dans une situation dans laquelle les personnes noires étaient majoritaires et dans un pays qu'elles pouvaient considérer comme “leur” pays! Quel impact! Cela me donnait un grand sentiment de fierté!
Je pensais à notre propre situation. Combien de temps faudrait-il pour que nous soyons délivrés de nos oppressions et que nous devenions des Américains à part entière? L'expérience ghanéenne était un grand encouragement en faveur de nos rêves de voir un jour les noirs contrôler leur propre destinée en Amérique. (p. 77)

Lors d'une arrestation tout à fait arbitraire, en 1960, et l'envoi dans une prison sécuritaire assurant des travaux forcés, la chance va tourner. On est dans la dernière ligne de la course à la Présidence de J.-F. Kennedy …un contact qui va ouvrir toutes les portes

Entre temps, Mr King senior cherche (pour Martin Luther) une aide légale. Il tente d'intéresser le juge Morris Abram, un avocat très respecté en matière de droits civiques, pour qu'il aide à faire sortir Martin Luther de prison. Mais, à notre surprise, la solution nous échappa par un coup de téléphone: au bout du fil on avait Sargent Shriver, le beau-frère du Sénateur J.-F. Kennedy qui était dans la dernière semaine de sa course à la Présidence.”Puis-je parler à Mme King?” dit Sargent Shriver? “C'est de la part du Sénateur Kennedy”.
Après une brève salutation, le Sénateur Kennedy exprima son intérêt pour moi et pour Martin: “Je sais que cela doit être très dur pour vous. Et, si je comprends, vous attendez votre troisième enfant, et je voulais juste vous dire que je pensais beaucoup à vous et au Dr. King. Si je puis faire quelque chose pour vous, faites-le moi savoir”.
Bien sûr je lui ai dit que j'appréciais son intérêt et que je serais heureuse de tout type d'assistance.
Et, après cet appel, les choses allèrent très rapidement. J'entendis des nouvelles encourageantes à propos d'une libération de Martin. On me dit même: ”Je vous parie qu'il sera libre demain soir!”.
Exact! Le Sénateur Robert Kennedy (appelé “Bobby”) était aussi le “manager” de la campagne de son frère. Il appela le Juge Mitchell et lui demanda pourquoi le Dr. King ne pourrait pas être relâché sous condition. La presse s'empara de l'affaire, et, de toute évidence, le Juge Mitchell avait changé d'avis: il permettrait que Martin soit relâché sous condition! Je reçu cette information sur la libération de Martin dans l'après-midi du lendemain: quel joie! Le Pasteur Wyatt Tee Walker commanda un avion pour permettre à Yoki, Marty, papi et mami King, Christine et son mari Isaac de se rendre au devant de Martin. (p. 93-94)

C'est dans la foulée de ce revirement que le Dr King senior fit une déclaration à partir de son église d'Ebenezer en faveur d'un vote “noir” en faveur de J.-F. Kennedy qui emporta l'élection la semaine suivante grâce à un basculement des votes des Républicains vers les Démocrates!
Tout un processus politique est donc enclenché aux États-Unis dans lequel le facteur Afro-américain va jouer un rôle important dans les années suivantes. D'autant que les destinées tragiques de Martin Luther King, jr et de J.-F. Kennedy et de son frère Bob, vont souder les liens entre les familles de ces leaders d'opinion!

Et Coretta pressent qu'elle a elle-même une mission, un “appel”, une vocation propre

Ayant un second enfant, et regardant les choses à travers les yeux innocents de ce nouveau-né, m'a ramené aux questions familières et tracassantes: le changement que nous voulions tous et pour lequel nous étions prêts à mourir viendra-t-il assez tôt pour que mes enfants grandissent dans un monde qui les accueillerait comme des égaux et comme des êtres humains aimés? J'engendrais des enfants dont ma Bible me disait qu'ils sont faits à l'image de Dieu. Seraient-ils traités comme tels? (p. 95)

Et, lors d'une nouvelle arrestation inique de Martin Luther King, Coretta porte ces souffrances

Pensant à tout cela, mon interprétation de Pâques semblait s'élargir. J'étais seule, inquiète et déprimée, et je m'imaginais que probablement Martin subissait les mêmes souffrances. Mais ce que j'expérimentais n'était rien comparé aux souffrances de notre Seigneur, Jésus le Christ. Par ses souffrances, les chrétiens sont rachetés. D'une façon ou d'une autre, je savais que les souffrances de Martin et les miennes ne seraient pas pour rien: c'étaient des souffrances constructives qui aideraient à abattre les murs de la ségrégation. Ce n'était pas quelque chose de passager, mais des souffrances qui avaient un sens pour aider les gens, tant les noirs que les blancs, à atteindre des objectifs supérieurs. Jésus a été crucifié, mais, finalement, il a triomphé! Je m'encourageais ainsi à m'accrocher à ma Foi que ce que je traversais avait un sens! (p. 107)

Cet emprisonnement inique de Martin Luther King (qui nécessitera une intervention directe du Président Kennedy et du FBI pour sa libération) semble, sous un certain angle providentielle

Alors qu'il était en prison, Martin a écrit son fameux traité Lettre de la Prison de Birmingham. Il devait l'écrire sur les marges de papiers-journaux ou sur du papier de toilette! Pour certaines raisons, certains écrits les plus forts jamais rédigés le furent par des leaders emprisonnés pour des raisons politiques. Il y a quelque chose dans la séquestration, l'isolation, l'état injuste dans lequel se trouve le prisonnier qui aide à concentrer son esprit sur ses principes. Ils n'ont plus grand chose à perdre quand leur corps est déjà prisonnier, il ne reste qu'à affirmer encore plus clairement leurs principes, ce pourquoi ils veulent vivre et mourir! Tout comme l'Apôtre Paul dans ses Lettres de prison aux Éphésiens, aux Philippiens, aux Colossiens et à Philémon, où il encourage les croyants alors qu'il est flagellé et confiné dans les prisons romaines, Martin a trouvé la force, malgré ses souffrances, d’interpeller le clergé blanc pour qu'il s'exprime contre l'injustice raciale. (p. 107)

Ces interventions à Birmingham (Alabama) en 1963 précèdent de peu la fameuse marche sur Washington et le fameux discours au Capitole de Martin Luther King I have a dream (“j'ai un rêve”). Et voici comment les choses furent ressenties par le ménage King

Globalement Birmingham fut une victoire, un point fort de notre mouvement. C'était le tracé d'un rude chemin marqué au sang …mais Martin ne cherchait pas les victoires faciles. J'appris de lui la valeur d'une recherche des situations les pires et d'ainsi aider les gens à percevoir la dimension spirituelle de leur lutte et de leur victoire. Comme je l'ai perçu, Birmingham fut si “mauvais” que Dieu seul pouvait le modifier – c'est ce qu'Il fit! Jamais auparavant les gens de couleur n'avaient osé une action aussi unifiée et directe pour faire changer leurs conditions de vie.
Sur la signification de ces journées, Martin à écrit: “J'aime à croire que Birmingham sera un jour le modèle des relations entre races dans le Sud… que les aspects négatifs du passé de Birmingham vont se dissoudre dans l'extrême positif et utopique de leur avenir; que les sombres péchés d'hier vont être rachetés par les réalisations d'un brillant avenir. J'ai cet espoir parce qu'un jour d'été le rêve est devenu réalité. La ville de Birmingham a découvert sa “conscience” !”
À cette époque il fallait une bonne dose de Foi pour croire aux paroles de Martin, pour son espérance d'un changement radical à Birmingham. Même si Martin n'a jamais pu voir la réalisation de ses paroles prophétiques, j'ai eu la chance, moi (Coretta) de voir ses rêves devenir réalité. (pp. 109-110)

Le “PRIX” de la non-violence

Ces actions ont attiré l'attention des responsables des Prix Nobel. Et, le 10 décembre 1964, Martin Luther King reçoit à Oslo le Prix Nobel pour la Paix!
Au-delà des détails de cette remise de prix si éloignée de leurs habitudes, voici ce que Coretta a voulu retenir du message de Martin Luther à cette occasion

En acceptant ce prix, Martin dit qu'il considérait cette distinction comme “la reconnaissance en profondeur que la non-violence est la réponse aux questions cruciales politiques et morales de notre temps”. Comme toujours, son message était plein d'optimisme et d'espérance: “Je refuse d'accepter cette vision que l'humanité est si tragiquement liée à cette nuit sans étoile du racisme et de la guerre au point que l'aurore lumineuse de la paix et de la fraternité ne puisse jamais devenir une réalité”. Il y alla donc pour présenter dans son discours pour le Prix Nobel, ses enseignements les plus clairs sur la non-violence, des enseignements que l'on peut encore étudier aujourd'hui et qui peuvent nous guider, et notamment:” Ce que les principales sections du mouvement pour les Droits Civils aux États-Unis nous disent, c'est que la quête de dignité, d'égalité, de travail et de citoyenneté ne soit pas abandonnée, diluée ou postposée. Si cela implique résistance et conflit, nous ne flancherons pas! Nous ne nous laisserons pas faire. Nous n'avons plus peur!” Et encore:” En un sens réel, la non-violence cherche à racheter cette lenteur spirituelle et morale dont j'ai dit plus tôt qu'elle était le dilemme principal auquel était affronté l'homme moderne… La non-violence est une arme puissante et juste. Je cherche à assurer des fins morales par des moyens moraux. C'est une arme unique dans l'histoire, qui tranche sans faire de blessure et qui anoblit celui qui s'en sert! …C'est la seule façon de ressusciter une communauté qui est brisée. C'est la seule méthode qui cherche à mettre en place la loi juste en appelant à la conscience de la majorité la plus honnête qui à cause d'aveuglement, de peur, d'amour-propre et d'incohérence logique a permis aux consciences de s'endormir! (pp. 124-125)

Et comme tout le groupe familial présent se félicite mutuellement autour d'un verre de champagne, le Dr. King senior a tenu à rappeler tout le monde à la réalité en disant: ”Nous n'aurions jamais pu en arriver là par nous-mêmes, jamais! Je veux donc lever mon verre à celui qui a rendu possible que nous soyons ici ce soir. Je lève mon verre à Dieu!” Ce fut évidemment pour tous un joyeux moment …mais plein de réalisme!
Et, dans la suite de ce combat pour l'égalité des droits de tous les citoyens des États-Unis (…et au delà), Martin Luther eût à se rapprocher de Malcolm X qui abordait les même sujets, mais avec une vision musulmane et dans une perspective violente

Si nous partagions avec Malcolm X un fort désir de voir les Afro-Américains réclamer leur reconnaissance, d'être heureux de leurs caractéristiques raciales à travers une renaissance physique, culturelle et spirituelle, nous étions aussi convaincus que, sous plusieurs aspects, la race noire reflétait des valeurs qui manquaient dans les cultures blanches qui nous avaient si longtemps oppressées. Tant Martin que Malcolm étaient déçus du manque des Chrétiens blancs à lutter contre le péché de racisme …mais Martin ne se serait jamais éloigné du Christianisme. Martin pensait que ce n'était pas le christianisme qu'il fallait rejeter, mais ceux qui ne mettaient pas en pratique l'éthique chrétienne. (p. 134)

Contre tous types de violences – contre la guerre au Vietnam

Après la mort de Martin Luther, après son ascension sociale et le poids politique que cela lui avait donné ainsi qu'aux mouvements qu'il animait, Coretta Scott King devient la voix pour la non-violence à tous les niveaux pour poursuivre l’œuvre entamée par Martin.
Elle va animer des protestations contre la guerre du Vietnam, avec la parfaite conscience qu'on se trouve là au cœur des “magouilles politiques”

Dans la foulée de la mort de Martin, j'acquis une autre conviction qui nourrit encore plus mon opposition à la guerre du Vietnam, et pas seulement à cette guerre, mais à tous les types de conflits militaires à venir! Tout d'abord, la guerre génère un climat de violence qui empoisonne trop facilement notre vie nationale et nos caractéristiques nationales. Nuit après nuit, les horreurs de la guerre, comme l'attaque de civils au napalm, nous sont amenées dans nos lieux de vie à travers les nouvelles nationales. Les enfants voient d'autres enfants tués dramatiquement. La fréquence des guerres, l'énormité de ses horreurs, et leur diffusion presque instantanée au milieu d'éléments qui pimentent notre culture avec de la violence et provoquent une insensibilité à cette violence. Si nous et notre culture devenons insensibles à visionner des bombardements qui détruisent les habitants de villages et de villes, cela devient psychologiquement plus facile qu'un petit groupe ou qu'un individu planifient l'assassinat d'une personne! […]. Si l'on accepte de regarder la triste vérité-réalité que le sectarisme n'a pas été seulement destructeur pour les personnes noires mais qu'il a donné une idée erronée de supériorité et de qualifications aux personnes blanches, et qu'il a engendré un esprit de violence qui a détraqué l'empathie dans toute notre société, on va commencer à comprendre comment ces forces de violence nous ont tous façonnés. Perdre de grandes personnalités dans des assassinats et perdre de jeunes hommes et de jeunes femmes dans l'inutile violence de la guerre est intolérable. C'est une terrible tare de notre caractère national qui va continuer et qui risque de nous poursuivre dans des états d'incivilité et des manières de faire corrompues, encore pour les siècles à venir – sauf si nous acceptons de changer!! (pp.176-177)

Une femme active, comme femme, pour changer la société

Coretta prend donc conscience du poids que son action peut avoir, non seulement dans la ligne directe de l'action de son mari assassiné, mais comme citoyenne et comme femme!
Cela se passe désormais après l'assassinat de John Fitzgerald et puis de Bob Kennedy

Bobby, Ethel, Jackie et d'autres membres de la famille Kennedy ont été à mes côtés pour les funérailles de Martin, et maintenant, quelques mois plus tard, nous nous retrouvions de nouveau dans un rituel qui n'en finissait pas d'être le même! (p. 181)

Et, pour réagir à cette triste morosité, Coretta prend conscience des ressources à tirer de son statut de femme et de mère dans tous les mouvements auxquels elle veut donner son appui

J'étais en solidarité avec les mouvements qui célèbrent le Jour des Mères. Je ressentais profondément que les femmes sont la conscience de la famille, et que l'on pourrait aussi être la conscience de la nation. Nous étions en plus grande symbiose avec la protection de la vie que nous avions mise au jour; et, effectivement, nous étions là comme des collaborateurs de Dieu dans son activité créatrice. (p. 181-182)

Et si elle ne se sent pas toujours en mesure de prendre la parole, elle prend conscience que sa seule présence peut avoir du poids

Dans mes activités avec ces groupements, je commençai à comprendre la force d'un ministère de la présence. Parfois on gagne rien qu'en se montrant. …[Et le conseil d'un ami la confirme dans cette vue]: Coretta je ne sais pas quels sont tes plans de vie publique, mais tu as plus de pouvoir que beaucoup de personnes rien qu'en t'asseyant dans une salle. Tu n'a pas besoin de dire beaucoup. C'est ta présence qui te donne autant de poids! (p.183)

Le Centre Martin Luther King à Atlanta: son 5e enfant comme elle l'appelle!

C'est dans ces années et ces mois que Coretta conçoit et va poser les premières pierres d'un Centre de mémoire de toute cette épopée libératrice.

Comme le disait un grand journaliste au début du 19e siècle : Qui est capable de raconter notre histoire comme nous nous pouvons la raconter? Je savais que si je laissais d'autres que nous raconter notre histoire, ce serait mal compris et déformé. En douze courtes années et demi de ministère, Martin avait changé le monde dans lequel nous vivions. Je voulais m'assurer que son héritage pour l'humanité dans laquelle nous vivions serait reproduit.
C'est ainsi que le 26 Juin 1968, j'ai fondé le Centre Mémorial Martin Luther King, jr.; et , en juillet, seulement 3 mois après l'assassinat de mon mari, je tins une conférence de presse pour annoncer cette création. Le nom fut ensuite changé en Centre pour le changement sociétal non-violent, Martin Luther King, jr ou Centre King. (p. 185)
J'ai conçu ce Centre comme une extension de la personnalité de Martin – et pas seulement comme un emplacement, ou un bâtiment …mais un “esprit” tissé de sa philosophie de non-violence et d'amour dans l'action. Ce devait être un mémorial vivant officiel, un lieu où nous enseignerions sa philosophie, sa méthodologie et les stratégies de non-violence avec l'espoir d'apporter quelque chose pour le changement social, et tenter d'éliminer ce qu'il appelait les trois démons de la société: la pauvreté, le racisme et la guerre. Le Centre devrait se faire l'avocat non seulement des Droits civils, mais aussi des Droits humains. Il devrait encourager le développement de la Communauté et de l'Économie à Atlanta tout en se préoccupant des jeux de pouvoir politique au niveau national et en promouvant la justice sociale et économique partout dans le monde. (p. 186)

L'objectif ultime est la mise en place de cette “Communauté d'Amour” (Beloved community) auquel Coretta et Martin aspiraient et croyaient

Pour moi, la “Communauté d'Amour” constitue une vision réaliste de ce que devrait devenir la société, une société dans laquelle les problèmes et les conflits existent, mais ils sont résolus pacifiquement et sans amertume. Dans la “Communauté d'Amour”, prendre soin et avoir compassion sont les moteurs des stratégies politiques aptes à soutenir l'élimination mondiale de la pauvreté, de la faim et de toutes formes de sectarisme et de violence. La “Communauté d'Amour” est un état de sensibilité et d'esprit, un esprit d'espérance et de bonne volonté qui transcende les frontières, les barrières et qui inclut toute la création. Le cœur de cette “Communauté d'Amour” est un moteur de réconciliation. Cette manière de vivre semble très loin du type de monde dans lequel nous vivons actuellement, mais je crois que c'est un objectif que l'on peut atteindre par le courage et la détermination, par l'éducation et la formation, si suffisamment de personnes veulent prendre les engagements nécessaires. (pp. 186-187)

Mais cela se vit dans une société qui reste violente

En 1974, Coretta a obtenu de la ville et de sources privées des fonds pour restaurer le vieux quartier de Auburn, et notamment les vieilles maisons où la famille avait habité jadis.
Mama King (la femme de Martin King senior) était très impliquée dans ces restaurations …mais elle ne put en voir l'achèvement

Malheureusement une tragédie l'empêcha d'être présente à l'inauguration en 1975. Le 30 Juin 1974, on tira sur elle et elle fut tuée dans l'église d'Ebenezer alors qu'elle commençait à accompagner à l'orgue la “Prière du Seigneur” (le “Notre Père”). […]
Ce tragique dimanche matin, toutes les places étaient prises dans l'église quand Mama King commença à jouer de l'orgue… elle avait un talent musical naturel et avait la charge ministérielle de direction de quelques chorales à Ebenezer. Certains servants se souviennent qu'un jeune homme, visiblement en visite pour la première fois, avait demandé si le Dr King prêchait ce jour-là; et on lui répondit que non en l'invitant à venir s'asseoir sur une chaise au premier rang …quand Mama King entama à l'orgue le Notre Père, on entendit un bruit de tir de révolver et Dr. King vit un projectile la frapper à la figure et du sang qui commençait à couler. Les balles continuaient à frapper. Le jeune avait deux révolvers, un dans chaque main et il se mit à tirer au hasard dans la foule, tuant un diacre et un autre membre de la Communauté… [le tireur tente alors de s'enfuir, mais un membre de la Communauté réussit à le maîtriser… et l'aurait tué si la police n'était pas arrivée entre temps!!] (pp.199-200)

… sans “commentaire”!!!
Le meurtrier fut reconnu coupable et condamnable à la chaise électrique; mais suite à une demande de son avocate au Dr. King, senior, celui-ci a accepté que la peine soit commuée en prison à perpétuité… car son esprit de pardon est radical: ”J'aime trop cette leçon de l'amour triomphant sur le mal pour faire place dans mon cœur à de la haine!” a-t-il expliqué à ceux qui l'entouraient après la perte de deux fils assassinés… et de sa femme (qui avait 48 ans) en moins de 8 années!

La Non-Violence telle qu'on l'enseigne et tente de la diffuser

La restauration du quartier d'Auburn, au cœur duquel se trouve désormais le Centre (…et, aujourd'hui, le mausolée où reposent Martin et Coretta) a créé toute une animation urbaine avec plus d'un million de visiteurs par an.
Et, pour orienter l'action de ce Centre, Coretta transmet les 6 principes de la Non-Violence et les 6 étapes vers la Non-Violence, tels qu'on tente de les enseigner et de les diffuser à partir du Centre Martin Luther King d'Atlanta

Les Six Principes de la Non-Violence sont:
1. La Non-violence est un mode de vie pour des gens courageux. C'est une forme active et non passive de résistance contre le mal.
2. Ceux qui pratiquent la non-violence doivent chercher à gagner l'amitié et la compréhension de leurs adversaires, et pas essayer de les écraser, les humilier ou les battre.
3. Ceux qui pratiquent la non-violence reconnaissent que ceux qui font du mal ne sont pas nécessairement mauvais, mais qu'ils sont souvent eux-mêmes les victimes d'injustices systémiques. C'est pourquoi nous cherchons à vaincre l'injustice et non les personnes.
4. Une souffrance imméritée pour une cause juste est rédemptrice parce qu'elle peut éduquer et gagner les cœurs d'adversaires et du public. Comprendre cela renforce le pratiquant de la non-violence pour qu'il accepte de souffrir sans vengeance pour faire progresser la victoire de la cause juste.
5. La non-violence est enracinée dans un amour inconditionnel au lieu de la haine. En reconnaissant que toute vie est en interaction, la non-violence résiste autant à la violence de l'esprit qu'à la violence corporelle.
6. La foi dans le triomphe final de la justice fortifie le praticien de la non-violence pour qu'il supporte souffrance et défaite comme des phénomènes temporaires, en sachant que la justice finira par prévaloir parce que Dieu est juste et que l'univers est du côté de la justice.
Et nous avons toujours associé ces 6 principes aux 6 étapes vers la non-violence enseignées par Martin Luther King
1. Rassembler de l'information. Rassembler un maximum d'information possible sur le problème ou le conflit… et “des deux côtés”!
2. Éduquer la communauté sur base des informations rassemblées.
3. S'engager personnellement pour résoudre le problème ou faire cesser le conflit de façon non-violente, en évaluant les motivations tout au long du processus.
4. Négocier. Se réunir avec l'opposant, discuter les différences, et tenter d'arriver à une solution “win-win” (tous deux gagnants). Ce n'est que si la négociation rate et seulement alors qu'on va vers l'étape n°5.
5. Action directe. L'action directe peut prendre la forme de retrait économique comme des boycotts ou des sélections, ou encore des marches, des protestations ou d'autres types de démonstrations.
6. Réconciliation. Le but est de rétablir la communauté et, en fin de compte, de créer la Communauté d'Amour dont les gens m'ont si souvent entendu parler. (pp.208-209)

Personne publique et “influenceuse”

On voit que Coretta Scott King fut non-seulement une bonne épouse, mais une femme de tête avec la conviction de ce qu'elle peut tenter d'apporter à la société, autour d'elle, mais également dans tout notre monde interconnecté. On va même le lui reprocher!

Beaucoup autour de moi m'ont critiqué de ne pas m'en tenir seulement au problème du racisme et des droits civils… alors que je voyais comme un impératif moral de plaider dans plusieurs domaines: le réchauffement global, la famine, la prolifération nucléaire, la paix au Moyen-Orient, le terrorisme, les cartels de la drogue, le trafic des armes, la ségrégation, l'égalité des genres, la fin des violences contre les femmes et les filles et l'invasion ou l'occupation d'autres pays. (p.239)

Cet activisme va la pousser à soutenir Mandela dans son combat et la relance d'une Afrique du sud sans discrimination raciale.
Mais elle va travailler également à créer une Journée de congé célébrant la mémoire de Martin Luther King dans tous les États des États-Unis

Comme vous avez pu le percevoir jusqu'ici, je puis être une femme très décidée. Quand je me suis mis en tête quelque chose, cela devra se faire avec un dur travail et la grâce de Dieu. Ce fonctionnement n'a peut-être jamais été aussi effectif que dans mes efforts pour faire reconnaître la date de naissance de Martin Luther King comme un jour de congé national, désormais observé dans les 50 États (des États-Unis) mais également dans plus de 100 pays! Seulement quelques amis proches et quelques leaders religieux croyaient que ce jour de congé verrait le jour. Moi, je n'en ai jamais douté! Je crois comprendre que, parfois, une réalisation difficile demande qu'une personne perçoive la chose, comme un appel divin et se lance avec foi. Les gens, les ressources, les stratégies suivront. C'est ce qui m'arriva avec la mise en place de ce congé King. (p.265)

Et, pour une de ses filles qui voulait devenir Pasteure Baptiste, elle prêche en faveur d'une évolution des mentalités encore trop “machistes” dans le clergé Baptiste

Parce qu'elle est la fille de Martin Luther King, junior, son cheminement vers un ministère serait plus facile… mais pas vraiment simple! Il faut le dire clairement: On est dans le Sud. Le sexisme est chose normale dans les églises Baptistes et cela va de soi comme de passer le panier pour la collecte le Dimanche matin! Il semble que les pasteurs et prédicateurs réticents ignorent la référence scripturaire à la résurrection de Jésus le jour de Pâques: il rencontre d'abord Marie Madeleine et lui donne pouvoir de prêcher l'un des plus importants sermons jamais donné : “Il est ressuscité!”. Et plus que cela! Jésus qui est appelé le Verbe dans l'évangile de Jean, est venu en ce monde au travers d'une semence féminine … et non à travers le sperme d'un homme. Si une femme peut donner naissance à la Parole, elle peut certainement aussi prêcher cette Parole. Mais il y a encore beaucoup de pasteurs Baptistes noirs ou des Pasteurs Baptistes blancs des Baptistes du Sud qui refusent carrément l'ordination des femmes. On les désigne comme “conférencières” et non comme “prédicatrices” si elles doivent prendre la parole à l'église et elles ne peuvent parler depuis le lutrin!
Ma fille a prêché son premier sermon du lutrin, et non à côté, à l'église d'Ebenezer le 27 mars 1988! (p. 292)

Bref, comme on a pu le percevoir à travers ces quelques traits puisés dans son autobiographie, Coretta Scott King (1927-2006), autant que son mari, Martin Luther King, jr, fut une fameuse “bonne-femme” qui mérite un intérêt universel
(N.B.: elle reçut le Prix Gandhi pour la non-violence du gouvernement de l'Inde en 2004)!